En Slovénie, la roue tourne a tourné

, par Alexis Vannier

En Slovénie, la roue tourne a tourné

Le parti arrivé en tête aux législatives en 2018 en Slovénie prend finalement le pouvoir deux années après. La conséquence d’un équilibre politique trop fragile.

Les schémas estonien et letton se sont reproduits lors des élections législatives slovènes de 2018 : en effet, le vainqueur du scrutin a été écarté par une coalition plutôt hétéroclite. Néanmoins, et comme le dit si bien le célèbre joueur de football français Franck Ribéry, la « routourne » a tourné, puisque le parti arrivé en tête en 2018 est finalement parvenu au pouvoir deux ans après.

Un paysage politique slovène très éclaté

C’est une logique de petite démocratie représentative, voire participative, qui a entraîné le scrutin législatif anticipé en 2018. Ainsi, le précédent gouvernement, mené par Miro Cerar a organisé en 2017 un référendum pour valider un projet de construire une voie ferrée de 27 kilomètres de long jouxtant la frontière italienne. Cependant, la Cour constitutionnelle estime que le gouvernement a financé en partie le camp du « oui » avec des fonds publics, invalide le résultat et exige la tenue d’une deuxième consultation. Sur fonds de protestations sociales, le gouvernement décide alors de démissionner. Le deuxième référendum sur la question en 2018 ne réunit que 7% des électeurs.

Les législatives de juin 2018 occasionnent logiquement une sérieuse claque pour la majorité en place : la liste de Miro Cerar perd 25% de son électorat et ne dépasse pas les 10%. Grand vainqueur de ces élections, le SDS (Parti démocrate slovène) récolte un quart des voix, suivi par le parti centriste de Marjan Šarec (LMS) avec 12,6% des voix. Le SDS ayant adopté des positions très conservatrices et hostiles à l’immigration, les autres partis ont décidé d’opérer un « cordon sanitaire » autour de lui en lui refusant toute alliance.

Les négociations s’annoncent donc compliquées pour réunir plus de 45 sièges sur les 90 que comptent l’Assemblée nationale, le Državni Zbor. C’est finalement une alliance à cinq partis, comme en Lettonie, qui regroupe le LMS du Premier ministre Marjan Šarec, le parti libéral de l’ancien Premier ministre Miro Cerar (SMC), le parti libéral de l’ancienne Première ministre Alenka Bratušek (SAB) ainsi que le social-libéral Parti Démocrate des retraités slovènes (DeSUS). Néanmoins, avec 43 sièges, ce gouvernement pentapartite ne constitue par la majorité absolue au Parlement. Marjan Šarec parvient ainsi à négocier un soutien sans participation de la gauche socialiste Levica, alors même que ce dernier est un grand pourfendeur de l’alliance transatlantique.

Un pari risqué

Plus une coalition est étoffée, plus les concessions s’accumulent pour chacun des partis. Le difficile équilibre à cinq est filament rompu le 27 janvier dernier avec la démission de Marjan Šarec. Le Premier ministre prétexte son incapacité à mener à bien la réforme du système de santé promise durant la campagne. Pour asseoir et renforcer sa majorité, alors en tête dans les sondages, il souhaite, tout comme l’opposition dans un premier temps, redonner la voix aux électeurs. Seulement, après quelques jours de tractation, le leader du SDS se met d’accord le 26 février avec le SMC, le parti des retraités DeSUS, et le chrétien-démocrate NSi pour former un nouveau gouvernement. Marjan Šarec se retrouve alors le bec dans l’eau, son pari n’a pas fonctionné, les élections n’auront pas lieu.

Le patron du SDS, et donc nouveau Premier ministre, entré en fonction le 13 mars, Janez Janša, est bien connu des Slovènes, ayant dirigé le pays de 2004 à 2008 et de 2012 à 2013. Il a dû abandonner son poste en 2013 après le plus gros scandale financier du « Trésor vert » de l’Europe. Condamné pour avoir touché des pots-de-vin dans le cadre de la signature d’un contrat d’armement, il passe neuf mois en prison avant que la Cour constitutionnelle n’annule sa condamnation, sur des soupçons de collusion avec le très puissant politique.

Durant la campagne, il a opéré un virage à droite et s’est rapproché d’Orbán, s’attachant ses services pour orienter divers médias dans son sens. Le Premier ministre hongrois pourra alors compter sur un nouvel allié à Bruxelles pour défendre sa politique migratoire. Son retour à la tête du gouvernement doit rassurer Benyamin Netanyahou sur le fait qu’une condamnation pour corruption n’est pas du tout un obstacle pour rester aux affaires.

Depuis son indépendance le 25 juin 1991, la Slovénie a compté 13 gouvernements, avec une durée de vie moyenne de deux ans donc, et seuls deux ont compté moins de quatre partenaires de coalition. Le paysage politique, digne d’un système parlementaire élu à la proportionnelle, est fortement morcelé. Il rappelle quelque peu les situations néerlandaises ou belges où les négociations doivent s’engager entre de nombreux partis pour former un gouvernement – ou n’y pas arriver…

De plus, comme vu plus haut, certains partis politiques se constituent autour d’une personnalité politique, jusqu’à porter son nom : c’est le cas du parti d’Alenka Bratušek, de celui de Miro Cerar, ou encore de Marjan Sareč, d’ailleurs trois anciens chefs de gouvernement. Cette hyper-personnification pourrait être justifiée par un leader charismatique maniant la démagogie et le rejet des partis traditionnels et d’une certaine élite, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. On pourrait ici attribuer ce phénomène à la méfiance envers les partis traditionnels : « Ne faites pas confiance aux structures traditionnelles, mais plutôt à moi et à mon programme que j’appliquerai ! » Voilà en somme le message de l’érection d’une personne en parti politique en Slovénie.

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