Euro Rétro 2008 : le sacre espagnol, l’exploit turc et le désastre français

, par Samuel Touron

Euro Rétro 2008 : le sacre espagnol, l'exploit turc et le désastre français
Image d’illustration : Matthew Henry from Burst

Alors que l’édition 2020 du championnat d’Europe des nations, voulue comme une édition anniversaire afin de célébrer les soixante ans de la création de la compétition se déroule finalement en juin 2021 dans onze pays différents, le Taurillon propose de revenir sur l’histoire du tournoi. Contexte politique, résultats sportifs, replongez en arrière et revivez ces chapitres du roman du football continental. Si cet Euro 2008 n’a pas laissé de grands souvenirs aux supporters des Bleus ou à ceux de la Squadra Azzura, pourtant en droit de nourrir de bons espoirs suite au précédent Mondial, les supporters de La Roja voient l’Espagne enfin sacrée, une première depuis 1964 ! L’Allemagne et surtout la Turquie, mais aussi la Russie réalisèrent un parcours admirable tandis que la Grèce, championne en titre, la Suisse et l’Autriche, pays hôtes, furent décevants. Championnat d’Europe qui marque le début de l’hégémonie espagnole sur le football européen puis mondial, l’Euro 2008 consacre aussi la fin d’un âge d’or pour l’équipe de France qui n’a retrouvé le dernier carré que huit ans plus tard, après un long, très long passage à vide.

Organisé en Suisse et en Autriche, cet Euro alpin est le second à être organisé par deux pays après l’Euro 2000 en Belgique et aux Pays-Bas. La candidature austro-suisse fut préférée aux candidatures communes de la Grèce et de la Turquie (pourtant hautement symbolique), à celle de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine (également très symbolique) et de l’Écosse et l’Irlande ainsi qu’aux candidatures individuelles de la Russie, de la Hongrie et à une surprenante candidature nordique regroupant Norvège, Suède, Finlande et Danemark.

Un Euro alpin à l’ambiance calme en comparaison des éditions précédentes

L’Euro 2008 s’est déroulé dans huit villes, quatre en Autriche (Vienne, Salzbourg, Innsbruck et Klagenfurt) et quatre en Suisse (Bâle, Berne, Zurich et Genève). D’emblée, la superficie des stades pose problème, car aucune de ces villes n’a le besoin, au-delà de la compétition, d’arènes de plus de 35.000 places. Seul le stade Ernst Happel de Vienne, devant accueillir la finale, atteint les 53.000 places. C’est là l’un des reproches majeurs qui est fait à cet Euro 2008, le manque de capacité des enceintes. À titre de comparaison, le plus petit stade de l’Euro 2012, joué en Pologne et Ukraine, l’Arena Lviv, disposait de 32.990 places.

Il en a résulté un Euro avec une ambiance un peu morose, moins vivante que lors de la précédente édition portugaise de 2004 où l’Estadio da Luz et l’Estadio do Dragão avaient été de véritables « bombonera » européennes. Le parcours incroyable de la Turquie et la proximité avec l’Allemagne qui a atteint la finale ont néanmoins permis de maintenir une certaine ambiance dans les stades en dépit de l’élimination, dès le premier tour, de la Suisse et de l’Autriche, une première pour des pays hôtes, depuis la création de la compétition.

La désillusion française et la déception italienne

Placés dans la poule C avec les Pays-Bas et la Roumanie, la France et l’Italie évoluent ainsi dans le « groupe de la mort » de cet Euro 2008. Trois grandes nations du football mondial, deux places, quoi qu’il arrive, il est écrit qu’un « grand » ne passera pas le premier tour. Le 9 juin à Zurich, l’équipe de France concède un match nul inquiétant face à la Roumanie (0-0), équipe la moins forte du groupe sur le papier. La France doit donc battre l’Italie et les Pays-Bas pour se qualifier et prendre son destin en main. Dans l’autre match du groupe, l’Italie, championne du monde en titre, est battue 3-0 à Berne par les Pays-Bas qui font sensation de par leur réalisme et de par un jeu de contre-attaque bien mené.

Le 13 juin, l’Italie passe tout près de l’élimination face à une équipe roumaine définitivement surprenante. Adrian Mutu ouvre le score à la 54e minute pour la Roumanie avant que Christian Panucci ne parvienne à égaliser dans la foulée. À la 81e minute, les Azzuri concèdent un penalty, finalement arrêté par un excellent Gianluigi Buffon qui sauve l’Italie de l’élimination.

Quelques heures plus tard, à Berne, la France ne doit pas perdre pour rester dans la course à la qualification sans avoir à dépendre du résultat d’un autre match du groupe. L’équipe de France, dépassée, est totalement écrasée par les Pays-Bas qui infligent aux Bleus une défaite sur le score de 4 buts à 1. La défense, le point fort de l’équipe de France, a pris l’eau, martyrisée par les contre-attaques redoutables des Oranje, qui se posent comme un des favoris de la compétition. Thierry Henry inscrit le seul but bleu (71e) redonnant l’espace d’une minute, espoir aux français, avant que Robben (72e) et Sneijder (90e) ne crucifient une équipe de France déjà menée au score par les buts de Kuyt (10e) et Van Persie (60e).

La dernière journée du groupe C est donc décisive. La France peut encore se qualifier si elle bat l’Italie et que la Roumanie s’incline face aux Pays-Bas. Le constat est le même pour l’Italie qui peut cependant se contenter d’un match nul si la Roumanie perd largement face aux Pays-Bas. La Roumanie pour sa part doit d’imposer ou faire match nul si la France et l’Italie se neutralisent afin de se qualifier. Les Pays-Bas avec deux victoires, sont assurés de jouer les 1/4 de finale.

Sans surprise, la Roumanie s’incline 2-0 face aux Pays-Bas. Dans l’affiche au sommet de ce groupe C, la France commence très mal face avec la blessure de Franck Ribéry à la 10ème minute et l’expulsion d’Eric Abidal (24e) qui concède un penalty et l’ouverture du score d’Andrea Pirlo qui trompe le portier des Bleus, Grégory Coupet. À la 62ème minute, un coup-franc lointain détourné par le mur français trompe la vigilance du gardien, permet à l’Italie de s’imposer 2-0 et de se qualifier pour les quarts de finale. C’est la fin d’une ère pour les Bleus, humiliés durant cette compétition. Lilian Thuram et Claude Makélélé, deux ténors de l’équipe, prennent leur retraite internationale tandis que les choix du sélectionneur Raymond Domenech sont fortement critiqués.

Des quarts-de-finale surprenants, des demi-finales alléchantes

Pas de grandes surprises dans les autres groupes de cet Euro 2008. Tous les favoris sont là : le Portugal, l’Allemagne et l’Espagne notamment. La Grèce ne réitère pas l’exploit de 2004, elle s’incline 2-0 face à la Suède, 1-0 face à la Russie et 2-1 face à l’Espagne, n’inscrivant donc aucun point dans cet Euro.

L’Autriche, pays hôte, s’incline d’emblée 1-0 face à une équipe croate en grande forme dans cette phase de poule (elle bat l’Allemagne 2-1 et termine en tête du groupe B) puis concède un nul 1-1 face à la Pologne avant de perdre 1-0 dans le derby face à l’Allemagne lors d’un match de piètre qualité - si ce n’est le but sur un superbe coup-franc de Michael Ballack.

La Suisse déçoit malgré la présence de son joueur-phare : Hakan Yakin. La Nati est battue 1-0 par la Tchéquie pour le match d’ouverture de la compétition avant de s’incliner 2-1 face à la Turquie. Elle bat cependant le Portugal 2-0, une belle victoire, mais insuffisante pour espérer atteindre les quarts-de-finale.

Dans la première affiche des quarts-de-finale, le Portugal s’incline 3-2 face à l’Allemagne dans un match où la sélection de Cristiano Ronaldo loupe de peu la remontada grâce à un but à la 87ème minute d’Helder Postiga. Mais le quart-de-finale « fou » de cet Euro 2008 fut sans nul doute celui entre la Croatie et la Turquie.

Convaincantes lors des poules, les deux équipes n’étaient pas parvenues à se départager durant le temps réglementaire. Alors que les prolongations arrivaient à leur terme, à la suite d’un cafouillage de la défense turque et d’une sortie manquée de Rüştu, Ivan Klasnic ouvrait le score. Alors que tout le monde pensait alors que la Croatie se dirigeait tout droit vers les demis-finale, Semih Şentürk, d’une frappe puissante égalise (120e). Déboussolés, les Croates s’inclinaient 3-1 aux tirs aux buts. La Turquie, séduisante, atteint les 1/2 finales où elle retrouve l’Allemagne.

L’autre grande surprise de ces quarts-de-finale, c’est l’élimination des Pays-Bas sur le score de 3 buts à 1 par la Russie. Pourtant imprenables lors du premier tour, les Oranje sont méconnaissables face à une équipe russe bien en place, offensive, et jouant crânement sa chance. Dominés durant toute la rencontre, les néerlandais doivent attendre la 86e minute pour égaliser. En prolongations, la Russie trouve la barre transversale en première période avant de passer devant par un but de Torbinski (111e), l’incontournable buteur russe, Arshavin, fait le break à la 116e minute. Dans un match serré, l’Espagne parvient à se défaire de l’Italie aux tirs aux buts (4-2) et retrouve donc la Russie dans une affiche inédite.

L’Espagne sur le toit de l’Europe

L’affiche entre l’Allemagne et la Turquie a des allures de derby. Les deux pays, liés par l’histoire et l’importante diaspora turque en Allemagne se retrouvent dans un match où la mentalité battante des Turcs face à la qualité et à la rigueur du jeu allemand promet une affiche ouverte et incertaine. Galvanisés par leur succès face à la Croatie, la Turquie ouvre la marque à la 22e minute par Ugur Boral. La Mannschaft, piquée dans son orgueil, égalise quelques minutes plus tard (26e) par Schweinsteiger.

À la 79e minute, Miroslav Klose, permet aux allemands de mener 2-1 mais Şentürk, le sauveur turc, décide de surgir pour égaliser à la 86e minute. Alors qu’on pense qu’un scénario « à la croate » pourrait se répéter, le réalisme allemand sur un oubli de la défense turque, frappe à nouveau. Philipp Lahm, d’un enroulé surpuissant du droit, crucifie le gardien turc et envoie l’Allemagne en finale de l’Euro 2008 !

Dans l’autre demie-finale de cet Euro, l’Espagne ne fait qu’une bouchée d’une Russie pourtant étincelante face aux Pays-Bas. Dépassés, les Russes s’inclinent sur le score de 3-0 face à La Roja qu’ils avaient déjà rencontré en poules. Xavi (49e), Guiza (73e) et David Silva (81e) viennent signaler à l’Europe, la naissance d’une génération brillante qui va dominer le football européen pendant plus de huit ans.

La finale de l’Euro 2008 a donc opposé l’Allemagne à l’Espagne. Luis Aragonés, le sélectionneur espagnol, aligne à peu de choses près l’équipe qui sera championne du monde deux ans plus tard en Afrique du Sud. Dans une finale fermée, Fernando Torres ouvre la marque pour l’Espagne à la 33e minute. Le score en restera là, l’attaque allemande butant sur une défense espagnole impénétrable. Carles Puyol fait œuvre de chef d’orchestre et de maître pour le jeune Sergio Ramos qui dispute alors sa première compétition internationale en tant que titulaire indiscutable.

Sacrée, l’Espagne remporte son premier titre en 44 ans, le premier depuis la fin de l’ère franquiste. Surtout, elle impressionne par la qualité de son équipe, pourtant jeune. Ce talent ne se démentira pas lors du Mondial de 2010 qui verra l’Espagne sacrée pour la première fois de son histoire, et lors de l’Euro 2012 où La Roja remportera à nouveau la compétition réalisant un triplé inédit dans l’histoire du football.

La fiche : Euro 2008 - Finale : Espagne 1-0 Allemagne But : Torres (33’)

Espagne : Iker Casillas - Sergio Ramos, Carlos Marchena, Carles Puyol, Joan Capdevila - Marcos Senna, Andrés Iniesta, Xavi, Cesc Fàbregas, David Silva - Fernando Torres Sélectionneur : Luis Aragonés

Allemagne : Jens Lehmann - Arne Friedrich, Per Mertesacker, Christoph Metzelder, Philipp Lahm - Torsten Frings, Thomas Hitzlsperger, Bastian Schweinsteiger, Michael Ballack - Lukas Podolski, Miroslav Klose Sélectionneur : Joachim Löw

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