Euro 2020 : De merveilleux Italiens illuminent un morne tournoi

, par Jérôme Flury

Euro 2020 : De merveilleux Italiens illuminent un morne tournoi

L’Euro ‘2020’ s’est déroulé du 11 juin au 11 juillet 2021 dans onze pays différents et a abouti sur une victoire de l’Italie, impressionnante depuis des mois et victorieuse en finale contre l’Angleterre. Jouée dans des conditions sanitaires particulières, avec des stades sonnant régulièrement creux, la compétition n’a peut-être pas été aussi savoureuse que les précédentes. En tout cas, elle a été plus que jamais politique.

Au bout d’une soirée bien longue, le 11 juillet 2021, l’Italie a triomphé et les rêves anglais se sont évanouis. Ce deuxième sacre italien dans l’histoire de l’Euro de football, survenu 53 ans après le premier, était alors le point final d’une seizième édition plutôt terne. L’Angleterre, qui n’a jamais remporté la compétition et espérait compléter son palmarès international, vierge depuis 1966, s’est brisée les dents à Londres en finale, devant un stade pourtant acquis à sa cause.

C’est la victoire du terrain et du jeu sur les enjeux. Reportée, cette édition voulue comme le tournoi anniversaire célébrant les 60 ans de la première édition a perdu de sa saveur en route. Certes, elle a tout de même pu se jouer en cet été 2021 dans 11 pays (contre 12 initialement prévus), Dublin s’étant retiré des villes hôtes entre-temps. Et hormis certains débordements lors de la finale, et une alerte à la bombe déjouée à Rome le 16 juin (apparemment sans lien avec la compétition), la sécurité a été très bien assurée. Mais l’ambiance globale en a pâti, sans doute en raison du principe même de cette édition, éclatée aux quatre coins du continent, où les règles sanitaires étaient différentes. Si la fête était grande à Budapest, l’attaquant français Antoine Griezmann expliquant à l’issue du match de groupe contre la Hongrie qu’il avait perdu l’habitude de jouer dans des arènes aussi survoltées, cela fut loin d’être le cas sur tous les terrains.

Une fête qu’à moitié réussie

Certains pays hôtes n’avaient même pas d’équipe à applaudir, comme l’Azerbaïdjan ou la Roumanie. Cette idée de compétition sur plusieurs villes d’Etat différents avait été prônée comme “moins chère” par le Français Michel Platini qui voulait offrir à de petites nations la chance d’accueillir sur leurs terres des matchs de l’Euro. Mais cette édition 2021 n’a sans doute pas convaincu. “L’UEFA a déjà écarté l’idée de réorganiser un tournoi sur l’ensemble du continent. "Trop difficile à mettre en œuvre", a soutenu dans une interview à la BBC Aleksander Ceferin, le président de l’instance européenne”, précisait Franceinfo. Des critiques ont émergé, argumentant que des équipes auraient pu être favorisées avec ce format, comme l’Angleterre, qui a joué la quasi-totalité de ses rencontres à la maison, y compris la finale perdue.

Au final, l’affluence moyenne a été de 21 582 spectateurs par rencontre. Un nombre correct compte tenu des doutes qui persistaient sur les protocoles sanitaires à suivre, mais qui reste sans commune mesure avec les moyennes de 2012 (46 481 spectateurs par match) et 2016 (47 594). La fête n’a eu lieu qu’en partie. Même la chanson officielle du tournoi, We are the people, réalisée par le très célèbre DJ néerlandais Martin Garrix avec la voix de Bono du non moins célèbre groupe U2 connaît un démarrage moins fulgurant que ne le fut celui de This One’s for you de David Guetta avec Zara Larsson en 2016 ou que la pépite d’Oceana, Endless Summer en 2012. Une chose reste la même qu’en 2016 : le pays ayant disputé la finale dans sa capitale n’a eu que ses yeux pour pleurer.

L’omniprésence des questions politiques

Ce championnat d’Europe organisé dans divers pays du Vieux continent n’a pas échappé aux discussions politiques. Avant même le début de la compétition, la question du maillot ukrainien, où figurait une carte du pays comprenant la Crimée et un slogan indiquant “Gloire aux héros”, a fait bondir les Russes et fait réagir l’UEFA. Des débats sociétaux ont par ailleurs émergé, comme la question du racisme. Plusieurs équipes ont décidé de poser un genou à terre avant leurs matchs, ce qui a entraîné un début de polémique, comme le rappelle Franceinfo dans un article détaillé : “Les Anglais et les Belges l’ont fait, et ont eu droit à des sifflets. Les Français devaient le faire, avant de renoncer. Depuis le début de la compétition, ce geste symbolisant un soutien au mouvement Black Lives Matter prend autant de place sur le terrain qu’à l’extérieur.”

Et malheureusement, des attaques racistes, menées en grande partie sur les réseaux sociaux, sont survenues après la séance de tirs aux buts perdue par l’Angleterre. Les jeunes Marcus Rashford, Jadon Sancho et Bukayo Saka ont subi un déferlement de haine condamné par la fédération ou les responsables politiques tel le Premier ministre Boris Johnson : « Les responsables de ces abus effroyables devraient avoir honte d’eux-mêmes ».

Autre question sociale qui s’est retrouvée au cœur de l’événement sportif : les droits des personnes LGBT+. Alors qu’une loi homophobe a été prise en Hongrie récemment, la ville de Muniche a souhaité afficher son soutien à la communauté LGBT avant le match Allemagne-Hongrie. L’UEFA s’y est opposée, provoquant à nouveau des réactions importantes.

Sur la pelouse, plusieurs des grands favoris du tournois sont rentrés prématurément chez eux. Comme la France, championne du monde en titre, éliminée sans aucune gloire en huitième de finale contre la Suisse. Comme l’Allemagne, qui n’aura véritablement géré qu’une rencontre, contre le champion d’Europe portugais (4-2) avant de sortir par la petite porte en huitième contre les Anglais, les Portugais n’allant pas non plus plus loin. Comme les Pays-Bas, qui survolent d’abord la phase de groupe avec trois victoires, avant de sortir brutalement en huitièmes contre une étonnante Tchéquie emmenée par Patrick Schick. Comme la Belgique enfin, qui semblait taillée pour aller au bout et qui n’aura pas franchi le stade des quarts de finale. L’heure de cette génération dorée est peut-être passée.

L’une des plus belles surprises est sans doute celle du Danemark. Le pays a failli cependant connaître un drame. Le 12 juin, lendemain du début de l’Euro et pour le premier match des Danois contre la Finlande, le numéro 10 de la sélection championne en 1992 s’écroule sur le terrain. Les images sont choquantes, les soignants effectuent des soins à même la pelouse, dont des massages cardiaques pour ranimer l’homme victime d’un malaise et qui se fera finalement implanter un défibrillateur mais s’en sortira vivant. Privé de leur brillant milieu offensif et l’un de leurs meilleurs joueurs, les Danois sont défaits dans ce match si particulier contre la Finlande, qui est tout de même allé à son terme. Mais les coéquipiers de Kasper Schmeichel, fils du champion d’Europe Peter, réalisent ensuite un très beau parcours, proposant du beau jeu, et ne perdant qu’en prolongation en demi-finale sur un penalty anglais.

La fantastique renaissance italienne

Mais l’équipe qui a vraiment brillé dans cette compétition, c’est la Squadra Azzurra. Et bien que les Italiens aient remporté leur demi-finale et leur finale aux tirs aux buts, après avoir dû attendre les prolongations en huitièmes de finale pour faire craquer l’Autriche, leur victoire souffre peu de contestation. C’est auréolée d’une superbe série de 34 matchs sans défaite (soit depuis l’été 2018), en pratiquant un jeu virevoltant comme lors du 3-0 infligé à la Suisse ou celui contre la Turquie en ouverture de la compétition à Rome et en respectant sa philosophie défensive, que l’Italie est allée décrocher le trophée. Avec un maillot dans le bleu traditionnel, floqué du mot “Renaissance” qui n’aura jamais aussi bien porté son nom.

Le sourire du vétéran et capitaine Chiellini qui soulève la coupe le 11 juillet a été apprécié dans une large partie du continent, particulièrement par les Ecossais qui avaient décidé de supporter la sélection adversaire de l’Angleterre en finale, alors que le contexte politique entre les deux pays est très tendu depuis le Brexit. Roberto Mancini, le sélectionneur, mérite les louanges. Récupérant une équipe qui avait manqué de se qualifier pour la Coupe du monde, il a décroché 10 victoires sur 10 sur la route de la qualification à l’Euro et a réalisé le souhait ultime de tout un pays en cet été 2021.

Sportivement parlant, en dehors de la belle récompense italienne, cette 16e édition du championnat d’Europe s’est distinguée par un nombre anormalement élevé de buts contre son camp, 11, soit plus que toutes les autres éditions d’Euro réunies ! Cristiano Ronaldo termine meilleur buteur officiel, alors que son équipe, championne en titre, n’est pas allée plus loin que les 8e de finale. Toutefois l’attaquant est trop fort et est devenu le meilleur buteur de tous les temps de la compétition avec 14 réalisations au total, ayant aussi atteint la marque ultime de 109 buts au total avec sa sélection. Autre fait marquant : la longueur des matchs en phase finale. L’Italie gagne ainsi le 11 juillet après avoir disputé un match entier de plus que prévu, en comptant ses prolongations survenues en huitième, demi et finale. Au total, 53% des matchs de la phase finale sont allés en prolongations, contre 33% en 2016, 29% en 2012 ou 43% en 2008. Le fait que l’Italie ait décroché son sacre au bout d’une séance de tirs aux buts à suspens est sans doute symbolique. Mais une chose est sûre, ils n’ont pas volé leur victoire.

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