Fédéralisme fiscal : le mal-être italien

, par Alberto Majocchi, traduit par Cyrille Amand

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Fédéralisme fiscal : le mal-être italien
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Un système fiscal efficace de type fédéral demande que la répartition des ressources entre différents niveaux de gouvernement soit l’élément central d’un plan qui prendrait en compte les choix fondamentaux dans la gestion d’un pays. Et le choix de cette répartition doit être fait en concordance avec tous les niveaux de gouvernement.

L’enjeu majeur d’un système fiscal de type fédéral est de déterminer le mécanisme décisionnel qui sera utilisé pour définir une répartition équitable des ressources entre les différents niveaux de gouvernement.

Si cette répartition ne se fait pas au travers de mécanismes qui garantissent l’indépendance financière effective des niveaux inférieurs (à savoir leur participation réelle dans les prises de décision concernant la distribution des ressources), le gouvernement central tendra naturellement à assumer un rôle écrasant - comme c’est le cas dans les Etats fédéraux et les Etats-Unis en particulier.

De plus, cette répartition ne peut se faire sur la base de l’impôt – il faudrait plutôt le réserver aux niveaux inférieurs, à l’assiette fiscale relativement stable – car on ne saurait s’assurer que l’évolution du rendement de cet impôt est suffisante pour répondre aux objectifs fixés.

Elle ne peut se faire non plus sur la base de limites quantitatives préétablies ; ou avec des contraintes qui empêcheraient de faire correspondre la politique économique aux réalités conjoncturelles. Un système fiscal de type fédéral efficace demande que la répartition des ressources entre différents niveaux de gouvernement soit l’élément central d’un plan qui prendrait en compte les choix fondamentaux dans la gestion d’un pays. Et le choix de cette répartition doit être fait en concordance avec tous les niveaux de gouvernement.

Il est vrai en effet que la vision fédérale se fonde, selon la définition classique de Kenneth Wheare, sur « la façon de partager les pouvoirs de telle manière que les gouvernements central et régionaux soient, chacun dans leur sphère respective, coordonnés et indépendants ». On peut ainsi considérer comme efficace un système fiscal fédéral seulement dans la mesure où les gouvernements locaux seraient indépendants. Ce n’est pas le cas en Italie, où le régime fiscal des régions est décidé au niveau central. Toujours d’après le modèle de Wheare, le cas de l’Italie relève ainsi de la « déconcentration, pas du fédéralisme ».

Le même problème se pose dans les Etats purement fédéraux où l’indépendance des régions est reconnue. En matière fiscale, les compétences sont structurellement concurrentes, en ce sens que le prélèvement par tous les niveaux de gouvernement pèse sur le même contribuable. Un taux d’imposition élevé, soit au niveau central, soit au niveau régional, étant donnée une pression fiscale considérée comme acceptable dans un contexte social déterminé, laisse peu de marge à l’autre niveau de gouvernement. Il est donc nécessaire d’identifier une solution commune au gouvernement central et à l’ensemble des gouvernements locaux. C’est la seule manière de garantir à la fois indépendance et coordination, remplissant ainsi les critères fixés par Wheare.

Faire participer les régions

Au sein d’un régime fédéral, les gouvernements régionaux non seulement jouissent de prérogatives reconnues par la constitution, mais les réalités régionales sont répercutées par des mécanismes de démocratie représentative. De ce point de vue, le système allemand est le plus abouti. En Allemagne, la chambre haute, le Bundesrat, est formée de représentants des gouvernements des Länder, et possède un droit d’initiative et de veto sur toutes les questions qui relèvent des Länder – en particulier le régime fiscal et l’impôt. Il existe donc une relation très étroite au niveau décisionnel entre le gouvernement fédéral et les Länder, qui donne des résultats très satisfaisants, que ce soit en termes de répartition territoriale des ressources ou en termes de développement et de stabilité économiques.

En réalité, un système fonctionnel de financement régional nécessite une pleine participation des régions aux décisions qui les concernent. Un pas en avant dans cette direction en Italie a été fait au travers de la Commission permanente pour les relations entre l’Etat et les régions, sorte de forum au sein duquel le gouvernement écoute l’avis des régions sur les actes administratifs et législatifs importants d’intérêt régional. La Commission exerce une fonction consultative pour le gouvernement. Dans les cas prévus par la loi, elle doit conclure un accord avec le gouvernement sur proposition de l’administration centrale. Mais, si cette éventualité venait à se présenter, il est stipulé qu’en l’absence d’accord dans les trente jours qui suivent cette proposition, le Conseil des ministres procède de lui-même en motivant ses choix. En fin de compte, selon toute vraisemblance, cette commission Etat-régions n’a apporté qu’une solution partielle et insatisfaisante, car la décision finale demeure dans les mains de l’organe étatique central.

Le décideur en dernier ressort

Il s’agit d’abord de déterminer sans ambiguïté qui possède le dernier mot, en particulier en ce qui concerne les décisions sur la répartition des ressources fiscales : la solution consiste à identifier un organe institutionnel effectif de co-décision. Dans le cas contraire, si le dernier mot appartient à l’Etat, alors le système tendra à la centralisation, comme c’est le cas en Italie ; s’il appartient au niveau local, le système tendra vers la fragmentation, comme c’est le cas de l’Union européenne. Il faut, pour résoudre le problème de la bonne répartition des ressources fiscales, remplir une condition préalable : que ce soit au niveau national ou européen, c’est une réforme institutionnelle qui prévoirait l’instauration d’une deuxième Chambre, qui représenterait les niveaux de gouvernement inférieurs.

Pour une réforme du Sénat italien

En Italie, le référendum qui portait, quoique d’une manière confuse, sur la création d’un Sénat des régions, a été rejeté. C’est pour nous l’opportunité de recentrer et de clarifier le débat institutionnel sur l’abrogation du Sénat actuel, qui est une duplication grotesque de la Chambre des députés, et sa transformation en un Sénat des régions qui aurait pour modèle le Bundesrat allemand, c’est-à-dire fondé sur une représentation directe des gouvernements régionaux. De cette façon, on institutionnaliserait une représentation effective des niveaux de gouvernement inférieurs au niveau national, avec comme tâche prioritaire d’évaluer les répercussions des décisions prises par le gouvernement central sur les territoires régionaux. On constituerait ainsi une instance fédérale, qui par sa nature dialectique, représenterait à la fois les intérêts du bien collectif et de ceux que le collectif comprend ; et garantirait par ailleurs l’indépendance et la coordination prônées par Wheare. On dépasserait dans le même temps l’insuffisance structurelle du modèle de fédéralisme fiscal qui a pour point de départ l’autonomie fiscale de tous les niveaux de gouvernement. Car la réalité de ce modèle est la suivante : une concurrence entre autorités fiscales centrale et régionales qui, face à une contribution à l’impôt des citoyens qui n’est pas infinie, aboutit irréversiblement à la subordination du niveau le plus faible au niveau le plus fort.

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Vos commentaires
  • Le 4 mars 2017 à 12:23, par Julien.e En réponse à : Fédéralisme fiscal : le mal-être italien

    Désolé de vous dire que je ne suis pas fan de cette nouvelle version du Taurillon. Vous avez investi beaucoup, ça se voit, avec une ambition élevée. Mais ce que j’aimais à disparu : pouvoir accéder directement au dernier article de chaque version, voir la date de publication, accéder aux liens extérieurs, voir directement les commentaires. Je ne m’intéresse pas autant à un article traduit qu’à un original. Je me fous des catégories comme environnement et énergie ou autre.

  • Le 4 mars 2017 à 16:11, par Rémi Lauwerier En réponse à : Fédéralisme fiscal : le mal-être italien

    Bonjour,

    Merci pour votre commentaire.

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