Dans cet article, nous présenterons donc les diverses associations régionales - passées, présentes et à venir - qui ont cherché et cherchent aujourd’hui encore à faciliter l’union des États, peuples et citoyens des îles du Pacifique.
Le « Commonwealth of Australia »
Premier né des États fédéraux de la région Pacifique : l’Australie, État fédéral fondé au tout début du XXe siècle, formellement indépendant à partir de 1901. Un État qui vit le jour après un long processus politique d’une quarantaine d’années (1860-1900). Et ce, non sans réticence : notamment de la part de la Nouvelle-Galles du sud (qui refusera alors, entre 1880 et 1900, le projet à au moins trois reprises...), de l’Australie occidentale ou du Queensland.
Dès 1860, l’essentiel du « continent » australien était devenu politiquement autonome ; chacune de ses six colonies - bientôt devenues États - était organisée, autogérée : Colonies de Nouvelle-Galles du sud (fondée en 1788), de Tasmanie (fondée en 1825), d’Australie méridionale (fondée en 1836), de Victoria (fondée en 1851), du Queensland (fondée en 1859) et d’Australie-occidentale (fondée en 1911).
C’est alors qu’un mouvement politique vit le jour dans le but d’unir ces colonies dans un système étatique et sous un régime juridique commun. Il s’agissait là notamment de trouver des réponses aux questions de commerce et de communication dans le cadre d’un marché unique intégré et dans un contexte de crise économique internationale.
De même, il s’agissait également là d’apporter une réponse aux menaces que les autres puissances coloniales européennes (et le Japon) pouvaient représenter pour ces Colonies britanniques du Pacifique sud. C’est pourquoi la Nouvelle-Zélande et les îles Fidji étaient - au départ - également concernées par ce projet de « Conseil fédéral de l’Australasie ». Avant que leur réticences ne conduisent au projet - géographiquement plus réduit - d’une plus étroite « fédération australienne » [1].
Entre 1901 et 1911, la capitale de cette Australie fédérale sera provisoirement située à Melbourne, suscitant ainsi un conflit d’intérêt entre cette ville et Sydney, l’autre grande ville d’Australie. Et c’est donc (à la suite d’une décision fédérale, prise en 1908) sur un territoire bientôt cédé au gouvernement fédéral par la Nouvelle-Galles du Sud (en 1911) que sera mis en place le « Federal Capital Territory / Territoire de la capitale fédérale » où (à partir de 1913) fut construite celle-ci : Canberra (« lieu de rassemblement » en langues aborigènes), capitale fédérale australienne effective à partir de 1927.
A l’heure actuelle, l’Australie a un « Parlement fédéral » composé de deux chambres : le Sénat (« Senate ») comptant 76 sénateurs (représentants de leurs Etats) et la Chambre des Représentants (« House of Representatives ») comptant 150 députés, élus au suffrage universel dans leurs circonscriptions. Et autant le nombre de Sénateurs est absolument fixe pour tous les Etats (avec égalité de représentation), autant - en revanche - le nombre de députés à la Chambre des Représentants est évolutif et proportionnel en fonction du nombre d’habitants vivant dans leur Etat.
C’est donc ainsi que devait naître (en 1900-1901) la « fédération d’Australie » : un État fédéral par bien des aspects tout aussi centralisé que certains États unitaires. Une centralisation s’exprimant au moins par l’étroite subordination fiscale et financière des États membres à l’égard de l’État central. Soit l’exemple le plus abouti d’un fédéralisme "centralisé" pouvant assurer la gestion efficace d’un "pays-continent" de 7.7 millions de km² [2].
Les « États fédérés » de Micronésie
Autre État fédéral de la région "Pacifique" : les « États fédérés de Micronésie ». Ici, il s’agissait de réunir les territoires dispersés des anciennes colonies espagnoles puis allemandes des anciennes « Îles Mariannes » et « Îles Carolines » (par la suite placées sous mandat de la SDN puis de l’ONU : sous la gestion du Japon puis des Etats-Unis).
Indépendants puis le 22 décembre 1990, les « États fédérés de Micronésie » se sont constitués sous la forme d’une fédération (Référendum de juillet 1978, Constitution adoptée en mai 1979) : une fédération de 110 000 habitants composée de quatre grands archipels et/ou « États fédérés » ayant une grande autonomie et portant les noms de leurs îles ou atolls principaux (représentés sur le drapeau de l’État).
Soit, d’Est en Ouest : Yap, Chuuk, Ponape-Pohnpei (où l’on trouve Palikir, la capitale de la fédération) et Kosrae ; les trois archipels voisins des Mariannes du Nord, de Palaos et des Îles Marshall choisissant finalement de ne pas participer à cette fédération.
Principale motivation dans la création de cet État fédéral : l’extrême dispersion (sur plus de 3000 kilomètres d’Est en Ouest) de ces territoires : soit deux mille îles (le terme même de « Micronésie » - dérivé du grec - signifiant "archipel des petites îles"). De même, la nature fédérale de l’État micronésien peut s’expliquer par la nécessité de faire cohabiter une grande variété de peuplement : micronésiens, polynésiens, philippo-malaisiens, japonais, européens du Pacifique, etc.
Le « Forum des îles du Pacifique »
Créé en 1971, l’actuel « Forum des îles du Pacifique » (anciennement « Forum du Pacifique sud » jusqu’en octobre 2000) est [3] une organisation ide coopération internationale (intergouvernementale) regroupant aujourd’hui seize États membres. Soit l’Australie, la Nouvelle Zélande, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les « Western Samoa », les Îles Fidji, les Îles Tonga, les Îles Salomon, les Îles Marshall, les Îles Cook, la Micronésie (dont on vient de parler plus haut) et la plupart des petites nations insulaires du Pacifique : Nauru, Kiribati, Tuvalu, Vanuatu, Palau et Niue. En est observateur : Timor oriental (ou Timor Leste).
La Nouvelle-Calédonie (depuis 1999) et la Polynésie française (depuis 2004) en sont devenues « membres observateurs » (« membres associés » depuis le sommet annuel du 24 octobre 2006), les îles de Wallis-et-Futuna étant « invitée à devenir observateur » (tout comme le sont - également depuis 2006 - l’ONU, le Commonwealth et la Banque asiatique de développement).
Deux autres candidatures ont été reportées, « en attendant que les questions en suspens soient résolues », celles des territoires américains du Pacifique des Samoa américaines et de Guam.
Les principales institutions de « Forum des îles du Pacifique » sont la réunion annuelle de ses chefs d’États et de gouvernement (afin de discuter ensemble des questions d’intérêt commun concernant tous les pays de la région) et son secrétariat (basé à Suva, aux îles Fidji) ; Secrétariat (composé de 70 fonctionnaires en 2005) dont la principale mission est de fournir des "avis" et "rapports" aux États membres du Forum.
La mission de ce « Forum des îles du Pacifique » est de promouvoir la stabilité et le développement dans la région. En conséquence de quoi ses principaux centres d’intérêt ont été - jusque là - le commerce et les questions économiques. Notamment en ce qui concerne les services aériens, les liaisons maritimes et la pêche dans les mers environnantes.
Néanmoins, reconnaissant les problèmes importants de sécurité et de gouvernance se posant dans la région, les Chefs d’États et de gouvernements du « Forum du Pacifique sud » ont - en 2003 - commandé au Secrétariat un rapport sur l’avenir de cette structure et sur les réformes qui pourraient lui être apportées. En conséquence de quoi fut rédigé (sous la direction de Sir Julius Chan, ancien premier ministre de Papouasie-Nouvelle-Guinée) un rapport « Plan Pacifique » présentant les grandes réformes à poursuivre sur les dix ans à venir pour le rendre plus pertinent et plus efficace. Parmi celles-là, le projet de transformer le « Forum des îles du Pacifique » en une véritable « Union régionale ».
La « Communauté du Pacifique Sud »
Cette future « Union des îles du Pacifique » remplacerait donc l’actuelle « Communauté du Pacifique Sud » : organisation internationale, fondée en 1947, comptant parmi ses membres 22 États (et « Territoires insulaires ») de Mélanésie, Polynésie et Micronésie.
Cette organisation compte aujourd’hui les 22 États suivants : Îles Cook, Îles Fidji, Guam, Kiribati, Îles Mariannes du Nord, Îles Marshall, Etats fédérés de Micronésie, Nauru, Niue Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Île Pitcairn, Îles Salomon, Samoa américaines, Samoa, Tokelau, Tonga, Tuvalu et Vanuatu ; ainsi que les « territoires français d’outre-mer » de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna.
Auxquels il faut ajouter les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la France : États fondateurs qui toujours membres de cette organisation (et contribuant financièrement au bon fonctionnement de ses divers programmes).
Cette « Communauté du Pacifique Sud » a pour vocation de fournir une assistance technique coordonnée pour contribuer au développement de ses 22 États et « Territoires insulaires » membres dans les domaines suivants : Agriculture et Foresterie, Pêche côtière et Pêche hauturière, Éducation et Culture, Communication et Technologies de l’information, Services généraux et Administration.
Pour une future « Union des îles du Pacifique »
D’aucuns proposent donc [4] que ce « Forum des îles du Pacifique » se transforme - à terme - en une « Union des îles du Pacifique », par une intégration régionale plus profonde que celle déjà établie par les accords commerciaux régionaux qui le fondent.
Ainsi, il s’agirait - sur le long terme - de mettre en place une intégration économique dans tous les domaines (notamment dans le domaine des industries du bois), la création d’une « Banque de développement pour le Pacifique » (pour servir de moteur pour l’aide et le développement économique dans la région), d’une « Assemblée parlementaire » du Forum (pour un contrôle démocratique de l’action de son secrétariat et de son « Conseil des ministres »), d’un « mécanisme judiciaire » (pour "traiter des problèmes juridiques importants") voire d’une « Université du Pacifique sud » (dont un embryon est déjà basé aux îles Fidji).
De même, il s’agirait d’apporter une réponse collective à l’instabilité politique de certains États de la région [5] par la création de forces militaires communes chargées d’assurer la sécurité régionale des États de la région Pacifique : soit une patrouille maritime régionale (pour combattre la pêche illégale, la piraterie, la contrebande de drogue, etc) et une force de sécurité terrestre (chargé d’assumer des tâches de maintien de l’ordre voire d’intervenir, si nécessaire, lors de crises "extra-constitutionnelles" dans la région).
Un dispositif qui, en cas d’intervention, aurait sans doute plus de légitimité qu’une intervention menée par de seuls éléments australiens ou néo-zélandais qui risqueraient là de se voir taxés de paternalisme ou de néo-colonialisme. Ainsi, ce serait également là l’occasion de proposer une réponse politique pertinente au récent projet d’intégration régionale des seuls Etats mélanésiens.
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Le « Groupe des Pays Mélanésiens »
En effet il s’avère [6] que les dirigeants des États mélanésiens de Papouasie-Nouvelle-Guinée, des îles Salomon, du Vanuatu (ancien co-dominium franco-britannique des Nouvelles Hébrides), des îles Fidji (malgré le caractère dictatorial du régime actuel…) et de… Nouvelle Calédonie [7] ont récemment scellé - le 26 mars 2007 (à Port Vila, Vanuatu) - un pacte portant sur la formation d’une future « Union régionale » entre tous ces Etats.
Cette « Union régionale » porterait donc le nom de « Groupe des États Mélanésiens » ou « Melanesian States Group » (MSG). Il s’agirait là d’une entité de près de 8 millions d’habitants à laquelle il est précisé que l’Etat nouvellement indépendant de Timor Leste [8] et le territoire encore « non décolonisé » d’Irian Jaya [9] auraient vocation à se joindre ultérieurement.
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Un « Groupe des États Mélanésiens » qui existait certes déjà depuis le milieu des années 1980, mais avec de seules prérogatives dans les domaines limités du commerce, de l’abolition des tarifs douaniers et de la coopération internationale. Et qui se verrait désormais là renforcé avec de nouveaux moyens (dont une présidence stable et un secrétariat permanent - à Port Vila, Vanuatu - voire la prochaine mise en place d’une force de sécurité permanente…). Avec pour raison d’être de promouvoir la coopération entre les pays mélanésiens indépendants (et d’aider à l’être pour les pays qui ne le sont pas encore…).
D’après les observateurs, la formation et le renforcement de ce bloc régional semble être là l’initiative politique la plus importante dans la région depuis que la plupart de ses membres ont obtenu leur indépendance. Il semble que ce soit là - pour les pays de la région - l’opportunité de définir ensemble des positions communes afin de pouvoir se présenter de façon solidaire aux sommets internationaux ou dans les organisations internationales.
Quel fédéralisme pour le Pacifique ?
Reste néanmoins à déplorer que cette ’’consolidation’’ du ’’bloc’’ mélanésien ne se fasse ici - sans aucun doute - dans un esprit de défiance sinon de rancoeurs à l’égard de ses grands voisins (et puissances régionales) que sont l’Australie, la Nouvelle-Zélande [10]. Et ne se pose ici en alternative politique au « Forum du Pacifique » dont on vient précisément de parler.
Bref, on peut amèrement regretter que ce qui préside, ici, à l’union de certains États, c’est sans doute moins l’idéal "kantien" de suprématie du droit et de recherche de la "Paix perpétuelle" que le désir - plus pragmatique et plus cynique - de se constituer en un ’’bloc’’ homogène, afin de mieux défendre ses seuls intérêts ; au risque de se prêter ainsi aux stratégies d’affirmation mondiales d’une autre grande puissance pas franchement très démocratique mais de plus en plus présente dans la région : la Chine.
La preuve : c’est bien le gouvernement de Pékin qui a obtenu le marché de la construction des bâtiments du futur secrétariat permanent du MSG (à Port Vila, Vanuatu) : nouveau coin ’’chinois’’ enfoncé dans un échiquier ’’Pacifique’’ qu’on croyait jusque là pourtant bien tenu par les occidentaux ; et nouveau signe de la ’’guerre stratégique’’ de plus en plus manifeste que se livrent - depuis peu dans le Pacifique - Pékin et Washington…
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