FISCALIS, le programme de l’unanimité

, par Adam Eluassi, Margot Chakoub

FISCALIS, le programme de l'unanimité
L’eurodéputé Vincenzo Sofo Source Parlement européen

Le 19 mai 2021, au soir, a été discuté en session plénière du parlement européen le programme Fiscalis pour la période 2021-2027. Si le rapporteur écologiste Sven Giegold s’est félicité dès sa prise de parole de la coopération Conseil-Parlement sur ce programme, il n’a pas manqué de souligner à la fois l’importance du programme et ses lacunes. Retour sur un débat parlementaire passionnant, dont le maître mot était la justice pour tous.

Soutien unanime des parlementaires…

« C’est une semaine importante pour la justice fiscale européenne. Hier, la Commission évoquait la coopération fiscale et aujourd’hui le Parlement décrète le coup de départ de Fiscalis » se targuait Eero Heinäluoma (S&D). En effet, il s’agissait de lutter contre l’injustice fiscale. Pour cela, le rapporteur a énoncé quelques solutions : la réforme des règles fiscales et l’application collégiale de la législation fiscale. L’ennemi de l’Union européenne est le plan agressif d’évasion fiscale et de la fraude, or l’application de la législation anti-fraude est inégale au niveau européen. Le rapporteur rappelle ainsi le caractère international de la lutte contre la fraude. Il faut donc légiférer au plan national afin de standardiser les politiques nationales au niveau européen. En 1988, l’UE met en place le premier plan antifraude et aujourd’hui Fiscalis est un investissement de plus de 260 millions d’euros, une augmentation de 50 millions d’euros par rapport au budget du programme pour les années 2016-2021. Justement à la dernière période, Fiscalis rapportera à l’UE 591 millions d’euros de recette, le double de la mise initiale, un point que le parlementaire Eero Heinäluoma (S&D) ne manque de rappeler. Le programme met tous les parlementaires, tous bords confondus, en accord, en raison de l’importance de son application. Othmar Karas (PPE) rappelle ainsi une statistique choquante : 250 milliards de recette qui s’évapore chaque année dans la fraude fiscale, 2000€ par citoyen c’est plus que ce que prévoit le plan de relance NextGenerationEU post Covid19. Fiscalis s’impose et tire des leçons des scandales du Panama Papers ou des Luxleaks. Autre aspect du programme, la modernisation des administrations européennes. L’eurodéputée Isabel Benjumea (PPE) note que Fiscalis, au-delà de la lutte antifraude, est aussi un programme de soutien des entreprises, particulièrement des PME. La mise en place d’une législation commune, d’un partage de données, d’une coopération européenne, c’est la facilitation des implantations pour le fleuron européen. Ainsi, pour elle, le marché européen ne peut en sortir que plus renforcé et la compétitivité des entreprises plus grande. Paolo Gentiloni, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, à la fiscalité et à l’union douanière, affirme ce qu’il appelle « un objectif tacite » qui est de faciliter et de moderniser le travail face à la fraude. Si Fiscalis semble satisfaire la majorité des parlementaires, certains courants politiques semblent être sceptiques parfois sur la forme voire même sur le fond du programme. Le rapporteur lui-même interpelle le commissaire sur une possible réponse à la non application de la législation européenne.

...Avec quelques critiques

Que faire face aux États membres qui n’appliquent pas la législation européenne ? Cette question, levée par le rapporteur à destination du commissaire européen, est centrale dans les critiques du programme. Il faut garder en tête que le programme européen est d’abord un programme de coopération. Il tient sur le socle de l’échange de données et la modernisation de l’administration. Les procédures sont lourdes, bureaucratiques et retardent les entreprises multinationales dans les déclarations fiscales, comme le rappelle notamment Isabel Benjumea (PPE). Néanmoins, il semblerait que selon certains parlementaires, à l’instar d’Othmar Karas (PPE), certains Etats n’appliquent pas la législation européenne. A cet effet, ce dernier parlementaire propose de remplacer la règle de l’unanimité par la simple majorité dans les prises de décision du Conseil, ainsi la justice sera rendue de manière efficace sur l’ensemble de la communauté. Dans cette lignée, la parlementaire française Hélène Laporte (ID) souligne que les échanges, point fort de ce programme, sont aussi « son talon d’Achille » dès lors que certains États y sont réfractaires. Qui plus est, selon elle, la faiblesse de l’UE tient au sein même de celle-ci (en parlant du Luxembourg manquant de transparence). A la question posée par le rapporteur Giegold, le commissaire assure que des mesures appropriées seront prises contre les Etats membres ne voulant pas appliquer la législation européenne. « Un courage de lion qui se transforme en petit lapin face aux grosses entreprises », déclare Vincenzo Sofo (ECR) sur la Commission européenne. Une phrase qui résume bien la prise de position de Gunnar Beck (ID) qui considère que le programme surveille plus les citoyens que les grandes entreprises, véritables acteurs de la fraude fiscale. Pour ce dernier, Amazon Facebook ou encore Google ne paient que 1% de leurs profits en faveur de l’Union Européenne. Vincenzo Sofo (ECR) pointe du doigt le « dumping fiscal » dont font preuve quelques États membres (Irlande ou Pays-Bas) afin d’attirer les firmes multinationales à déplacer leurs sièges sociaux sur leur territoire (l’entreprise Air France KLM en est un exemple parlant).

Pour finir, le commissaire Gentiloni s’est félicité de la prise de conscience de tous les parlementaires sur la question de la fraude fiscale. Il a aussi encouragé les travaux du rapporteur, notamment dans sa négociation avec le Conseil sur la promesse d’une rencontre annuelle entre le Conseil et le Parlement sur l’état d’avancée de la lutte antifraude. Fiscalis est, par conséquent, adopté sans objection ni amendement, il est l’outil de « la justice fiscale, ce que mérite les citoyens européens » pour reprendre Evelyn Regner (S&D).

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