“Il est temps de nous mettre au travail” : Ursula von der Leyen et la Commission affichent leurs ambitions

, par Jérôme Flury, Sophia Berrada

“Il est temps de nous mettre au travail” : Ursula von der Leyen et la Commission affichent leurs ambitions
Ursula von der Leyen a annoncé, au sein de l’hémicycle bruxellois du Parlement européen, plusieurs mesure fortes. Crédit : Union européenne 2020 - Service audiovisuel de la Commission européenne. Photographe : Etienne Ansotte

Mercredi 16 septembre, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a prononcé son discours sur l’état de l’Union européenne devant les députés du Parlement, au sein de leur hémicycle bruxellois. Elle a présenté la stratégie de l’institution pour l’année à venir en annonçant des mesures dans des domaines tels que la santé, le numérique ou la migration.

Nous avons la vision, nous avons le plan, nous avons les investissements. Il est désormais temps de nous mettre au travail.” Mercredi 16 septembre, Ursula von der Leyen est revenue en détails sur les objectifs de la Commission européenne pour les mois à venir. La présidente de l’institution a aussi profité de son premier discours sur l’état de l’Union pour rappeler les défis posés par le contexte actuel.

Au cours de son intervention de plus d’une heure et demie, Ursula von der Leyen est revenue sur ce qui constitue désormais les piliers de son mandat, le plan de relance, “NextGenerationEU”, l’urgence climatique, sans éviter non plus les dernières actualités comme l’incendie d’un camp de migrants en Grèce ou le mouvement mondial de contestation contre les actes racistes. Elle a annoncé des mesures que les observateurs ont tour à tour jugées “ambitieuses” ou au contraire “désordonnées”. Retrouvons les principaux axes de sa prise de parole.

Santé : premier croquis d’une Union européenne de la Santé

A l’heure où la quasi totalité des pays membres de l’Union européenne fait face à une recrudescence de l’épidémie de Covid-19, et après avoir rappelé combien “nous savons à quelle vitesse le nombre de cas peut échapper à tout contrôle”, la présidente a formulé les premiers enseignements que l’on pouvait tirer de ces six derniers mois de pandémie. Pour elle, l’un d’entre eux est indéniable : l’Union européenne doit officiellement être dotée de véritables compétences en matière de santé.

Pour le moment, les politiques de santé publique sont du ressort des Etats et l’Union européenne n’observe qu’un rôle d’appui lorsque cela est nécessaire. D’après le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), l’Union peut “encourager la coopération entre les Etats membres” et “compléter les politiques nationales”, mais ne dispose que d’une modeste marge de manoeuvre.

De bien des manières, les Etats membres de l’Union ont semblé désaccordés tant les lois peuvent différer d’un pays à l’autre. La durée de la quarantaine, les consignes données aux cas contact ou encore les critères faisant rougir certaines zones ne sont pas harmonisés entre voisins européens et constituent autant de fausses notes.

Lorsque certains pays ont décrété des interdictions d’exportation pour des produits médicaux essentiels, nous y avons mis fin”, “nous avons travaillé avec les industriels européens pour accroître la production de masques, de gants, de tests et de respirateurs” ou encore “notre mécanisme de protection civile a permis à des médecins roumains de traiter des patients en Italie ou à la Lettonie d’envoyer des masques à ses voisins baltes”. Dans ce discours, la présidente de la Commission a rappelé quelques unes des initiatives européennes qui ont germé depuis le début de la crise sanitaire, malgré l’absence d’un terreau législatif. D’après elle, ces opérations achèvent de démontrer la pertinence d’une Union européenne de la santé compétente.

Les propositions de la Commission reposent sur un triptyque. Pour que les nouvelles mesures “résistent à l’épreuve du temps”, l’ancienne ministre allemande de la Santé défend d’abord une hausse des financements “pour remédier aux coupes budgétaires opérées par le Conseil européen” décidées lors du sommet du 21 juillet. Les institutions déjà existantes comme l’Agence européenne du médicament et l’ECDC (le centre de prévention et de contrôle des maladies) devraient, quant à elles, bénéficier de pouvoirs renforcés.

Ursula von der Leyen a ensuite annoncé la création d’une nouvelle “agence de recherche et de développement biomédicaux avancés” d’inspiration étatsunienne. La Biomedical advanced research and development authority (BARDA) dépend du ministère américain de la santé, elle veille à l’approvisionnement du pays en médicaments et produits de santé en cas de crise sanitaire d’origine infectieuse ou bioterroriste, et participe au financement des laboratoires engagés dans la course aux vaccins contre le Covid-19. Ce dernier point apporte des garanties à l’Etat américain quant à l’accessibilité au vaccin pour ses ressortissants.

Dernier tableau : l’attribution des nouvelles compétences en matière de santé à l’Union européenne devrait passer à l’ordre du jour de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, innovation d’Ursula von der Leyen, sorte de forum dans lequel peuvent se rendre et débattre les citoyens, institutionnels et partenaires sociaux européens. La présidente de la Commission a aussi annoncé sa volonté d’organiser l’an prochain “avec le Premier ministre Conte et la présidence italienne du G20” un sommet mondial de la Santé en Italie, pour tirer à l’échelle mondiale les futurs enseignements que la pandémie de Covid-19 ne manquera de nous apporter.

Économie : face à une situation inédite, un engagement clair

Dans le domaine de l’économie et de l’emploi, Ursula von der Leyen a d’abord martelé que la situation n’avait pas de précédent historique. “L’Europe a fait davantage ensemble que jamais auparavant”, a estimé l’Allemande, affirmant que “l’Europe doit continuer à protéger les vies et sauver les emplois”.

Après être revenue sur les premiers accomplissements de sa Commission, comme la création du programme SURE, la dirigeante s’est montrée ferme : “dans notre Union, la dignité du travail doit être sacrée (...) il est temps que le travail paie”. Une promesse qui se traduit concrètement par la présentation prochaine d’une “proposition législative en vue d’aider les États membres à mettre en place un cadre pour les salaires minimum”, un choix assumé et renouvelé face aux réticences qui ont émergé ces derniers mois.

L’ancienne ministre du Travail et des Affaires sociales a par ailleurs insisté sur la “stabilité” nécessaire à un redémarrage de l’économie, rappelant le déclenchement par la Commission “de la clause dérogatoire générale” et l’assouplissement des règles en matière de fonds européens, mettant en avant le rôle de chaque acteur institutionnel, Banque centrale européenne, Commission, Conseil et ce “moment d’unité remarquable” qui devrait susciter “notre fierté collective”. Si Von der Leyen a cependant apporté peu de précisions sur les intentions de la Commission à ce propos, elle a indiqué son voeu de développer “des marchés financiers profonds et liquides”.

Environnement : priorité inchangée, objectifs renouvelés

Lors de sa prise de fonction, Ursula von der Leyen s’était distinguée en prônant un Green Deal comme base de sa stratégie politique. Moins d’un an plus tard et même si les fameux “cent premiers jours” de la mandature sont écoulés, l’objectif ne change pas : pour préparer le monde de demain, il faut “accélérer” pour préserver notre “fragile planète”.

Et la présidente de la Commission a affirmé que l’institution propose désormais “de porter l’objectif de réduction des émissions pour 2030 à au moins 55 %”. “Notre analyse d’impact montre clairement que notre économie et notre industrie peuvent y faire face.” Se sachant très attendue sur ce terrain, Ursula von der Leyen a multiplié les annonces chiffrées. “37 % de NextGenerationEU seront consacrés directement aux objectifs de notre pacte vert pour l’Europe”, a détaillé la présidente, annonçant également que sera fixé “un objectif consistant à lever 30 % des 750 milliards d’euros de NextGenerationEU au moyen d’obligations vertes”. Quant à la manière dont cette stratégie doit se traduire concrètement, l’Allemande a expliqué que le plan NextGenerationEU devrait investir dans “l’hydrogène”, à travers “la rénovation et la création d’1 million de bornes de recharge électrique” mais aussi dans la “rénovation” des bâtiments. La présidente de la Commission propose en ce sens la création d’un “nouveau Bauhaus européen” : “un espace de co-création dans lequel les architectes, les artistes, les étudiants, les ingénieurs, les designers travaillent ensemble pour réaliser cet objectif.

Ce qui n’aurait pas uniquement des conséquences en matière de réchauffement climatique. “La réalisation de ce nouvel objectif permettra de réduire notre dépendance à l’égard des importations d’énergie, de créer des millions d’emplois supplémentaires et de réduire de plus de moitié la pollution atmosphérique.

Numérique : avancer plus vite pour être précurseurs

Nous devons faire de la décennie qui s’ouvre la « décennie numérique » de l’Europe”, a annoncé la présidente de la Commission, interpellant les députés sur la nécessité d’agir vite car “l’Europe doit montrer la voie à suivre dans le domaine”. La dirigeante cible en ce sens plusieurs points clés, celui de la gestion et de l’accessibilité des données, le développement de l’intelligence artificielle ainsi que celui des infrastructures afin d’améliorer la connectivité du territoire européen.

Afin de réaliser ces souhaits, la présidente de la Commission a avancé plusieurs moyens : la mise en place, à une date non précisée, d’un « cloud » européen, fondé sur Gaia X, celle d’un instrument législatif et d’une identité électronique sécurisée concernant les données personnelles et l’investissement non seulement dans le déploiement de la tant décriée 5G mais également de la future 6G et de la fibre. Dans les chiffres, cela revient à “un investissement de 8 milliards d’euros dans la prochaine génération de superordinateurs” et à l’attribution de “20 % du budget de NextGenerationEU au secteur du numérique”. Ainsi, en parallèle des enjeux environnementaux et de ceux de l’emploi en Europe, le numérique fait clairement partie des engagements forts de la Commission et a été un point important du discours sur l’état de l’Union européenne 2020. Avec un enjeu simple : “donner à l’Europe davantage de prise sur son avenir”.

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