Le Courrier d’Europe : Irene Montero Gil, une ministre espagnole en pleine ascension

, par Anna Gutierrez, Eva Karaduman, Le Courrier d’Europe

Le Courrier d'Europe : Irene Montero Gil, une ministre espagnole en pleine ascension
Irene Montero Gil, la ministre à l’Égalité espagnole Crédits : Gouvernement espagnol

Impossible de parler de féminisme en Espagne sans évoquer le nom d’Irene Montero Gil, ministre à l’Égalité. Son ministère est chargé de rendre l’égalité entre femmes et hommes réelle et effective, et d’érradiquer toute forme de discrimination. Dans le cadre de la coalition gouvernementale de gauche, elle est issue du parti politique PODEMOS, qui se situe entre la gauche et l’extrême gauche sur l’échiquier politique, et qui est né pour contester les deux partis qui ont dominé la scène politique en Espagne pendant presque 40 ans : le PP et PSOE.

Après 7 ans de gouvernement conservateur du PP, Podemos est entré au gouvernement de coalition avec le parti socialiste espagnol avec l’objectif de mettre en place des politiques féministes et lutter contre les discriminations que subissent certaines personnes au sein de la population. Dans son programme datant de 2019, le parti promettait en autres de “travailler pour une Constitution résolument féministe” ou bien d’ “actualiser la définition de la violence machiste pour qu’elle inclue toutes les formes de violences faites aux femmes”.

Une loi sur l’avortement pionnière en Europe

Pour comprendre pourquoi l’Espagne est considérée comme un pays à l’avant-garde des droits des femmes, il faut se pencher sur les lois récemment adoptées, qui ont par ailleurs été applaudies par des experts de l’ONU. Le ministère de l’Égalité a proposé plusieurs lois pionnières en Europe, comme celle instaurant un congé menstruel pour les femmes souffrant de règles douloureuses, ou bien la reforme sur l’avortement, fortement critiquée par l’extrême droite (VOX) et la droite conservatrice (PP).

Cette réforme de loi permet d’avorter librement jusqu’à la quatorzième semaine de grossesse, et jusqu’à la 22ème semaine pour des raisons médicales et sans limite si des anomalies incompatibles avec la vie sont détectées. De plus, cette réforme veut facilier l’accès à l’avortement dans les hôpitaux publics, puisque seulement 15% des interventions sont pratiquées dans des établissements publics selon Le Monde. Les effets de la loi commencent par ailleurs à se voir dans la zone Nord de la Catalogne, où la possibilité d’avorter a été étendue. Enfin, cette réforme met fin à l’autorisation pour avorter des parents des jeunes de 16 et 17 ans, qui avait été mise en place par le gouvernement populaire en 2015.

Irene Montero, à l’avant-garde sur les questions LGBTQI+ et sur les violences sexuelles

Autre réforme qui a suscité un certain débat au sein de la société espagnole : la “Loi trans”, plus communément connue comme “Ley Trans”. Celle-ci assure l’universalité des droits fondamentaux étant donné qu’ils s’étendent aux personnes transgenres. Cette loi, comme l’a déclaré l’ancien président socialiste Zapatero, “permet à tout le monde d’être qui il est sans se sentir coupable, sans peur et sans discimination”. En effet, elle permet l’autodétermination de genre sans être soumis à une chirurgie de réasignation de sexe, sans présenter de rapport médical ni sans être sous traitement hormonal ; la seule exigence est la volonté. Elle autorise aussi un changement légal de genre aux adolescents entre 14 et 16 ans s’ ils sont accompagnés de leurs parents ou de ceux entre 12 et 14 ans avec autorisation judiciaire. Enfin, elle interdit les thérapies de conversion.

Pourtant, la loi la plus controversée est probablement celle connue comme “Sólo sí es sí”, ou “loi de garantie intégrale sur la liberté sexuelle”. Son origine se trouve dans l’affaire de “la meute”, un cas polémique de viol en groupe à San Fermin dans la région de Pampelune en 2016. Cette loi a comme base le consentement dans toute interaction sexuelle, et toute conduite sexuelle sans consentement est considérée comme une agression sexuelle. Elle élimine ainsi la distinction entre abus sexuel et agression sexuelle, ce qui constitue le principal sujet de débat au sein du Parlement espagnol. La loi instaure ainsi qu’une agression sexuelle n’implique pas l’utilisation de la force ou l’intimidation, et considère le harcèlement de rue comme un délit. Enfin, cette loi permet à toute femme ne touchant pas le salaire minimum annuel (14.000 euros) d’obtenir des aides économiques et d’inclure obligatoirement l’éducation sexuelle dans toutes les étapes éducatives.

Des lois emblématiques pourtant controversées

Ces lois jugées avant-gardistes ont été adoptées non sans difficulté, après des mois de débats tendus au sein du Parlement, retardant leur adoption. La loi de “garantie intégrale de la liberté sexuelle” proposée par la ministre a été au centre d’une polémique suite à son adoption. Bien qu’elle ait permis d’allonger les peines dans la majorité des cas, des effets indésirables ont pu voir le jour dans certains cas précis, en raison notamment de vides juridiques : en unifiant les anciens délits en un seul (celui de l’agression sexuelle), les durées de peine ont été revues. Certains tribunaux ont donc interprété la loi et ont revu quelques peines à la baisse.

La ministre de l’Égalité n’a donc pas pu éviter les nombreuses critiques venues de tous les côtés. Le sénateur de droite Miguel Tellado a par exemple appelé Irene Montero Gil à démissionner au nom de tout le parti politique populaire. De plus, des groupes féministes comme le Movimiento feminista de Madrid appelleront la ministre à démissionner lors de la manifestation du 8 mars 2023. Le parti politique d’extrême droite VOX invite lui aussi à démissionner et a même proféré des insultes machistes à l’égard de la ministre. La députée d’extrême droite Carla Toscano l’a par exemple qualifiée de “libératrice de violeurs”. Ces attaques ont provoqué un scandale au sein du Congrès été dénoncées par tous les autres partis politiques, qui ont apporté leur soutien à Irene Montero. Les membres du parti avaient déjà critiqué cette loi à plusieurs reprises auparavant, comme lorsque le président de VOX affirmait qu’il s’agissait d’une loi “idéologique et sectaire qui cherche à creuser un peu plus le conflit entre hommes et femmes et qui ne sauvera auncune femme”.

Les premières fractures au sein de la coalition

Pour la première fois depuis l’entrée de la coalition de gauche au gouvernement, des tensions en interne se sont fait ressentir. La loi trans n’a pas toujours été vu d’un bon œil par le parti socialiste PSOE, qui a souhaité à plusieurs reprises modifier le texte de loi, en vain.

Mais les différends concernaient surtout l’autodétermination de genre chez les mineurs, idée chère au parti d’extrême gauche Podemos qui a rejeté les amendements proposés par les socialistes. Par exemple, un amendement obligeait les mineurs entre 14 et 16 ans de disposer d’un avis judiciaire, alors que la loi prévoit seulement une autorisation parentale. Le texte de loi est donc resté inchangé… Reste à savoir si ces discordes empêcheront la coalition de gauche de remporter les élections générales en fin d’année.

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