L’action extérieure de l’UE vis à vis des colonies de Cisjordanie : où en est-on ?

, par Hadrien Bajolle

L'action extérieure de l'UE vis à vis des colonies de Cisjordanie : où en est-on ?

Le processus de paix a repris sous l’égide de John Kerry mais la diplomatie européenne est également très présente sur ce dossier, notamment sur la question sensible des colonies israéliennes. Quels sont les grands axes de son action et quelle efficacité sur le terrain ?

Verbalement du moins, l’Union Européenne semble être entrée dans une période de plus grande fermeté vis-à-vis d’Israël sur la question des colonies. Sur le plan des actions entreprises, le constat sur le terrain est cependant plus mitigé.

L’efficacité sur ce terrain constitue un test pour l’action extérieure de l’UE.

Le récent traité de Lisbonne a signifié une reforme complète de la gouvernance de l’action extérieure de l’Union Européenne dans le sens d’une meilleure cohérence et d’une efficacité accrue. L’idée phare du traité est relativement simple : regrouper la politique extérieure de l’Union (la PESC) et la coopération internationale des différentes DG de la Commission sous l’autorité commune du Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Afin d’appuyer l’action du haut représentant, un Service Européen d’Action Extérieure comprenant des diplomates de la Commission et des Etats membres a été mis sur pied. Il a sous son contrôle l’ensemble des délégations de ’Union dans les pays tiers. Cette importante réorganisation vise dans un sens à renforcer la cohérence entre les différents services de l’UE afin de faire parler l’Europe d’une seule voix. Dans l’autre sens, en mettant en place un interlocuteur unique pour les états tiers, l’UE espère renforcer sa cohésion vis à vis de l’extérieur.

Or la question des implantations juives en Cisjordanie constitue une épreuve de choix pour cette diplomatie européenne renouvelée. Presque 50 ans d’efforts diplomatiques européens n’ont en effet pas réussi à faire réellement bouger les lignes. Le nouveau service diplomatique européen et son patron Mme Ashton étaient donc particulièrement attendus sur ce terrain glissant.

Une rhétorique nettement plus ferme

Or il semblerait qu’en effet, la position européenne ait graduellement incliné ces dernières années vers une plus grande fermeté. Cette évolution a débouché sur le texte des conclusions du Conseil Affaires Etrangères de décembre 2012, qui, par sa sévérité, constitue un précédent. A cette occasion les ministres des Affaires Etrangères ont établi deux principes d’action : Les Européens se sont d’abord engagés à « faire en sorte que, conformément au droit international, tous les accords entre l’État d’Israël et l’Union européenne indiquent clairement et expressément qu’ils ne s’appliquent pas aux territoires occupés par Israël en 1967 ». Ils ont d’autre part affirmé la nécessité de mettre en œuvre de manière « continue et effective [de] toute la législation de l’UE en vigueur et [de] tous les accords bilatéraux applicables aux produits des colonies. » Il y a donc don ce texte une volonté de passer du niveau de la simple rhétorique à l’action véritable sur le terrain.

Des résultats mitigés

Pourtant, en dépit de cet affichage de fermeté, la réalité des actions entreprises est mitigée. Deux exemples opposés permettent d’illustrer cette idée.

Le premier exemple est celui de la polémique récente qui a entouré la participation d’Israël au Programme Horizon 2020. En vertu des principes énoncés au Conseil Européen, les services de la Commission ont adopté le 30 juin 2013 des guidelines visant à restreindre le champ d’application de l’ensemble des financements européens au territoire internationalement reconnu d’Israël. Afin de protester contre cette mesure et en réponse à la polémique déclenchée par la presse, le gouvernement israélien a décidé de bloquer la participation d’Israël au Programme Cadre de Recherche Horizon 2020.

Ce programme représente un atout pour la recherche israélienne mais l’Union Européenne avait également de forts intérêts à la fois économiques, politiques et diplomatiques à s’assurer du maintien d’Israël. Il existait donc d’importantes motivations pour l’Europe de retirer ses initiatives. Pourtant, Catherine Ashton et le SEAE ont maintenu une position très ferme qui a débouché sur la signature d’un accord avec le gouvernement israélien le 26 novembre mettant en œuvre, avec quelques concessions de façade, les volontés européennes. Voilà là un exemple plutôt positif d’action extérieure cohérente de la part de l’UE.

Le contre-exemple est fourni par un autre dossier, celui de l’étiquetage des produits des colonies. Depuis longtemps déjà, l’UE travaille sur un projet d’étiquetage permettant de dissocier les produits fabriqués en Cisjordanie par des entreprises palestiniennes de produits fabriqués en Cisjordanie par des colonies. Ce projet est aujourd’hui au point mort et personne ne sait s’il verra finalement le jour. La base politique pour la prise de décision était pourtant la même que dans le cas des guidelines. La volonté exprimé au Conseil affaire étrangères de décembre 2012 de mettre en œuvre la législation applicable aux produits des colonies semblait être une incitation assez claire pour agir. D’un point de vue légal, le droit européen, sans être limpide sur ce sujet constituait une base tout à fait valable, notamment concernant les produits alimentaires, pour mettre en œuvre un code de conduite non-contraignant comme c’est déjà le cas au Royaume-Uni et au Danemark. Pourtant, en dépit des assurances apportées par 13 pays dont la France en avril dernier, la Commission semble toujours attendre un signal des états membres, rendu encore plus hypothétique par l’appel de John Kerry à stopper les travaux sur ce point afin de ne pas gêner le processus de paix.

On comprend que l’UE soit tiraillée entre principes et Realpolitik, entre intérêts économiques et jugements moraux, et dans le cas de l’étiquetage des produits des colonies, entre volonté de stopper la politique de colonisation et peur d’éteindre l’espoir de paix allumé par la reprise du processus sous l’égide de M. Kerry. Cependant à trop tergiverser, à ne pas appliquer dans les faits les principes dont elle se réclame, l’UE risque de ne jamais être prise au sérieux comme acteur du jeu international.

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