Le 11 mars, un sommet spécial sur la Libye réunissait les chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union européenne. Se sont déclarés partisans d’une intervention militaire : la France, le Royaume-Uni, soutenus par la Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne, le Danemark, la Finlande et la Grèce. S’y sont opposés l’Allemagne, la Pologne, la Bulgarie, Chypre, l’Italie se montrant réservée. Lors du vote, au Conseil de sécurité de l’ONU, de la résolution 1973 qui a autorisé l’opération militaire de protection des populations, l’Allemagne s’est abstenue, avec la Chine et la Russie. Elle a en outre retiré les navires qu’elle avait engagés dans le dispositif de blocus des côtes libyennes. Cette désunion rendait impossible une opération de l’Union européenne. Dès lors, l’action militaire a été conduite par la France et le Royaume-Uni, appuyés par quelques pays européens et l’Otan. Les Etats-Unis ont soutenu l’opération mais à distance, refusant la mise en œuvre de leurs bombardiers.
Le Parlement européen, dans une motion, a invité l’Union et les Etats membres à instaurer une zone d’exclusion aérienne. L’Union européenne a soutenu la résolution 1973 du Conseil de sécurité. Mais, en l’absence d’unanimité des Etats, elle n’a pu faire mieux que prendre des mesures économiques, humanitaires et de sanctions : embargo sur les armes, gel de visas et blocage des avoirs du clan Kadhafi en Europe. Par ailleurs les Européens ont montré leurs désaccords et leur manque de solidarité lors de l’afflux de réfugiés en Italie.
Les conséquences sont d’abord politiques. L’Union Européenne a manqué une chance historique de montrer sa solidarité avec les révolutions arabes. Elle a démontré qu’elle n’a pas de vision politique commune sur la Méditerranée.
Ensuite la crise libyenne a cruellement mis en évidence l’absence de diplomatie et de défense européennes. Alors que l’Allemagne plaide pour une politique étrangère commune et de défense européenne, elle en a été le principal obstacle à une action de l’Union. En termes de moyens militaires, les pays européens n’ont pas pu se passer de la logistique de l’OTAN : ravitailleurs, renseignement, structures de commandement.
Enfin les institutions européennes ont failli, laissant l’initiative aux Etats. Catherine Ashton s’est abstenue de faire des propositions d’engagement militaire de l’Union au Conseil européen. C’est qu’elle a sa conception de l’Europe de la défense : pour Catherine Ashton, le rôle de l’Union européenne, c’est « de faire du soutien humanitaire avec des moyens militaires ». La guerre, c’est le rôle de l’OTAN. Il s’agit là d’une conception qui ne correspond ni au texte, ni à l’esprit du Traité de Lisbonne. L’Europe de la défense dispose de certains outils qui auraient pu être utilisés dans la crise libyenne et qui ne l’ont pas été. L’Europe paye le fait d’avoir désigné au poste de « ministre des affaires étrangères de l’Union » une britannique, de surcroit, sans vision politique.
Selon les analyses, la crise libyenne, c’est la mort de l’Europe de la défense ou, au contraire, une raison d’espérer. L’opération en Libye a obligé Paris et Londres à approfondir leur collaboration, à tenir compte du repositionnement stratégique des Etats-Unis. Sauf à accepter de s’effacer, elle pourrait conduire les Européens à relancer l’Europe de la défense. D’ailleurs cinq pays européens importants : France, Allemagne, Italie, Espagne et Pologne viennent de demander la création d’un quartier général commun. Ce projet rencontre l’opposition du Royaume-Uni mais il pourrait être réalisé, entre pays volontaires, dans le cadre de la « Coopération structurée » prévue par le traité de Lisbonne.
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