Une diplomatie européenne partagée, en quête d’une nouvelle dynamique
Le 30 mai 2018, Xavier Bettel, le Premier ministre du Luxembourg, avait présenté sa vision d’une Europe engagée dans le domaine de la sécurité, relevant les défis mondiaux, lors d’un nouveau débat sur l’avenir de l’Union devant le Parlement européen. Xavier Bettel avait souligné la nécessité pour les Européens d’exister sur la scène internationale et de mettre en œuvre une coopération approfondie dans le domaine de la politique extérieure. Le Premier ministre avait affirmé que l’Union européenne devait avoir une voix plus forte au profit de la paix. Durant son intervention, le Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker avait encouragé les gouvernements de l’Union à définir un accord sur un principe simple : décider à la majorité qualifiée [1], en matière de politique extérieure, afin d’œuvrer avec une réelle efficacité. Jean-Claude Juncker avait assuré qu’aucune influence déterminante n’était possible dans le monde, en restant sur le principe de l’unanimité.
Le 13 juin 2018, le Premier ministre des Pays-Bas, Mark Rutte, lors d’un débat sur l’avenir de l’Europe, a exprimé un « sentiment d’urgence », en relevant le déploiement inédit et périlleux de la contestation de l’ordre multilatéral. Mark Rutte a déclaré que l’Europe devait s’unir afin de s’affirmer dans le monde, comme un acteur déterminant de la paix. Les Européens s’interrogent et tentent de déterminer une diplomatie européenne partagée, enfin délivrée de ses excès déclaratoires, engageant des processus opérants et aboutissant à des résultats tangibles. Les responsables européens constatent la nécessité de construire une autonomie stratégique et engagent un processus de réflexion essentiel, qui reste cependant encore insuffisant.
Face à l’opération de force menée par Donald Trump et aux menaces d’un monde en ébullition, l’Europe doit créer les conditions de son unité et se mettre en capacité d’accomplir une vraie politique extérieure. L’Europe est le chantier d’une indispensable politique étrangère. Une prise de conscience s’est opérée et doit mener à des évolutions plus avancées, avant qu’il ne soit trop tard, pour que l’Union européenne réponde à l’exigence de sécurité et soit en pointe dans la lutte contre le terrorisme et la défense de l’environnement, ainsi que dans la construction d’un monde en paix.
Construire un « gaullo-mitterrandisme » européen et poser les fondements d’une grande stratégie
Alors que le Président français, Emmanuel Macron, a entrepris avec son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, de relancer une politique internationale « gaullo-mitterrandienne », réaliste et ambitieuse, il serait pertinent pour l’Union de réfléchir à un « gaullo-mitterrandisme » européen. Le « gaullo-mitterrandisme » désigne une certaine politique étrangère française singulière, souveraine et donc émancipée, autant que possible, des États-Unis. Du Vietnam à l’Irak en 2003, la France a maintenu une capacité d’élaboration et de mise en œuvre de sa propre action diplomatique. Emmanuel Macron est actuellement le seul dirigeant européen à être en capacité d’entraîner l’Union pour permettre une action européenne unifiée et crédible, face aux menaces de la politique extérieure de Donald Trump. La diplomatie française tend à l’hégémonie en Europe, effaçant les politiques étrangères des autres États membres et instaurant une direction bicéphale de l’action planétaire de l’Union européenne, incarnée de plus en plus, par une France en mouvement et de façon plus incertaine, mais néanmoins continue par la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini.
Même si Angela Merkel porte désormais une démarche qui se raccorde à un projet de « gaullo-mitterrandisme » européen, la chancelière allemande affaiblie politiquement, semble perdue et n’arrive pas à impulser une dynamique diplomatique. Il est temps de s’engager avec efficacité, dans la conception d’un « gaullo-mitterrandisme » européen, ainsi que dans l’élaboration d’une diplomatie renforcée de l’Union européenne. Après un peu plus d’un an de présidence d’Emmanuel Macron, nous entrons dans un moment fort des relations internationales qui pourrait voir émerger, à l’initiative du Président français, de la Haute Représentante et de la Chancelière allemande, les fondements d’une grande stratégie de l’Union européenne, pour affronter les enjeux redoutables d’un monde en profonde mutation.
Répondre aux urgences du Moyen-Orient et empêcher le scénario du pire
La situation au Moyen-Orient est toujours celle d’un chaos perpétuel, pouvant encore s’aggraver et les Européens peinent à défendre leurs solutions. Cependant, Federica Mogherini mène une politique internationale active sur les enjeux moyen-orientaux. Lors du débat du Parlement européen du 12 juin 2018, abordant l’accord sur le nucléaire iranien, les interventions s’adressant à la Haute Représentante ont été globalement convergentes, en soutenant un maintien de l’accord. Une cohésion européenne existe sur cet enjeu et Federica Mogherini conduit, de son propre aveu, une action complexe, dans une réalité internationale complètement inédite, qui peut échouer, même si tout est actuellement tenté pour sauver l’accord. Une défaite diplomatique enclencherait la mise en œuvre du scénario du pire et affaiblirait considérablement la diplomatie, ainsi que le multilatéralisme.
La politique néo-conservatrice et anti-iranienne de Donald Trump, sa décision de se retirer du Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA), signé avec l’Iran en juillet 2015, entraînent une dégradation extrême de la sécurité régionale et internationale, en accentuant le risque d’une course aux armements nucléaires, ainsi qu’en favorisant le risque d’une guerre ouverte opposant l’Iran à Israël ou à l’Arabie Saoudite, voire aux deux en même temps. De la même manière que l’administration Bush était déterminée à faire tomber le régime irakien en 2003, l’administration Trump cherche à provoquer la chute du régime iranien, en prétendant vouloir limiter les risques de prolifération nucléaire. Le retrait des États-Unis du JCPOA donne la possibilité à l’Europe d’engager une stratégie régionale au Moyen-Orient.
L’enjeu sera de parvenir à un équilibre régional durable, favorisant une stabilité entre les puissances et incluant tous les acteurs. Dans ce contexte d’accroissement des divisions et des tensions, l’Union européenne doit instaurer un dialogue avec tous les sunnites et tous les chiites, de manière à structurer un pont diplomatique entre l’Arabie et l’Iran. L’Europe est en situation de faire des choix stratégiques pour l’avenir du Moyen-Orient, des choix qui seront déterminants dans la lutte contre le terrorisme et la prévention d’une course régionale aux armements. Le défi pour l’Union européenne est de parvenir à répondre à l’urgence, de se montrer à la hauteur de l’incroyable crise que le monde traverse, tout en opérant une transformation de sa diplomatie pour la rendre plus opérante et en faisant le choix de devenir une puissance mondiale, respectée et crédible.
Suivre les commentaires : |