Politique de voisinage

L’Union européenne et les « cercles de pays amis »

Pour faire le point

, par Eric Egli

L'Union européenne et les « cercles de pays amis »

Au-delà de l’élargissement se pose la question des relations de l’Union européenne avec un certain nombre de pays « amis ». Quelles formes ces relations prennent-elles, actuellement, avec les Balkans, les pays méditerranéens, les pays de l’ex-Union soviétique ? Accords de coopération, d’association, de partenariats ?

LES PAYS DES BALKANS

Une forte implication de l’Union européenne

L’Union européenne a accordé depuis 1991 plus de 6 milliards d’euros aux pays des Balkans, ce qui fait de l’Union de très loin le principal donateur dans la région.

36000 soldats, soit 80% des troupes basées au Kosovo, sont issus des pays membres de l’Union européenne. Par ailleurs, la Commission européenne dirige la mission de l’ONU au Kosovo qui vise à la reconstruction et au développement de la région.

Un Processus de stabilisation et d’association

Le Processus de stabilisation et d’association a été lancé en 1999 à destination de l’Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Croatie, de la République fédérale de Yougoslavie et de l’ancienne République Yougoslavie de Macédoine. Il se compose de deux volets :

(1) les Accords de stabilisation et d’association : ils sont, actuellement, en cours de réalisation et sont destinés à mettre en place une zone de libre échange et à soutenir les réformes nécessaires à ces pays en matière économique et politique pour satisfaire aux normes communautaires.

(2) les programmes CARDS (Community Assistance for Reconstruction, Development and Stabilisation) qui permettent la préparation, la négociation et la mise en œuvre de ces accords. Pour la période 2000-2006, le programme CARDS a été doté de 4,65 milliards d’euros. Il servira à financer la reconstruction et la stabilisation de ces pays, leur développement économique et social ainsi que la coopération régionale.

LES PAYS MEDITERRANEENS

L’accord politique : le partenariat euro-méditerranéen

Le partenariat euro-méditerranéen a été mis en place en novembre 1995. Les accords d’association se sont substitués aux accords de coopération.

Les partenaires méditerranéen de l’Union sont le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte, Israël, la Jordanie, l’Autorité Palestinienne, le Liban et la Syrie ainsi que la Turquie, candidat à l’entrée dans l’Union européenne. La Libye bénéficie d’un statut d’observateur depuis 1999.

Ce programme poursuit trois objectifs principaux :

(1) Instituer un espace de paix et de stabilité, fondé sur le respect des droits de l’Homme et de la démocratie ;

(2) Instituer un espace de prospérité grâce à l’établissement d’une zone de libre échange entre l’Union européenne et ses partenaires. L’Union accorde en outre un soutien financier à ses partenaires, par l’intermédiaire du programme MEDA, afin de faciliter leur transition économique.

(3) Promouvoir la compréhension mutuelle des différentes cultures et faciliter le rapprochement des peuples

Le volet financier

Le programme MEDA est le principal instrument de la ccopération financière du partenariat euro-méditerranéen. Pour la période 1995-1999, il a fourni 3,437 milliards d’euros sur l’enveloppe de 4,685 milliards allouée aux 12 partenaires méditerranéens pour la période 1995-1999 par le Conseil européen de Cannes.

En 1995 et 1996, le programme MEDA s’est progressivement substitué aux instruments financiers existants, principalement les protocoles financiers, et représentait en 1999 près de 90 % du total des engagements financiers destinés à la Méditerranée au titre du budget de l’Union européenne. Le programme est principalement composé de subventions gérées par la Commission européenne,mais comprend aussi des opérations de capitaux à risque et des bonifications d’intérêts gérées par la Banque européenne d’investissement (BEI).

Environ 86 % des ressources allouées au programme MEDA sont attribuées aux partenaires par le canal bilatéral – c’est-à-dire avec Algérie, l’Egypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie, la Tunisie, la Turquie et l’Autorité Palestinienne. Trois pays ne bénéficiaient pas de cette coopération bilatérale en raison de leur niveau élevé de développement économique : Israël, Chypre et Malte avant leur entrée dans l’Union européenne le 1er mai 2004.

LES PAYS DE L’EX-URSS

Le cadre légal

La formalisation des relations bilatérales entre l’Union Européenne et d’autres pays se traduit par la négociation d’Accords de partenariat et de coopérations, en vigueur dans les pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale, dont les anciens pays communistes.

Ces accords, qui ont une durée initiale de 10 ans, sont fondés sur le respect des principes démocratiques et des droits de l’Homme, sur la mise en place de relations politiques, économiques et commerciales avec l’Union européenne.

L’assistance financière

L’Union a décidé dès la disparition de l’U.R.S.S. de soutenir les anciens pays communistes dans leur processus de démocratisation et de transition vers une économie de marché.

Le programme TACIS [1] a ainsi été institué en 1991. Il fournit une assistance financière à la Russie, la Biélorussie, la Moldavie et l’Ukraine. TACIS est doté de 3,1 milliards d’euros pour la période 2000-2006. Ces pays bénéficient en outre de multiples autres fonds, par exemple en matière d’aide humanitaire, avec le programme ECHO [2], ou en matière de sécurité alimentaire.

Les différents pays concernés

RUSSIE : L’accord de partenariat et de coopération, institué en 1997, est complété, depuis juin 1999 et pour une période de 4 ans, par la stratégie commune U.E. / Russie. Cette stratégie commune est fondée sur l’idée qu’une plus grande cohérence est nécessaire entre l’Union européenne et certains pays partenaires.

Dans le cadre du programme TACIS, la Russie a bénéficié de 2,4 milliards d’euros d’assistance technique pour la période 1991-2001. En 2001, la Russie a obtenu 96 millions d’euros dans le cadre de ce programme et 90 millions ont été programmés pour 2003 et 2004.

UKRAINE : L’accord de partenariat et de coopération, qui est entré en vigueur en 1998, est complété depuis décembre 1999 par une stratégie commune U.E. / Ukraine, qui insiste en particulier sur le problème de la sécurité nucléaire.

Depuis 1998, la Commission a octroyé 239 millions d’euros à l’Ukraine dans le cadre du programme TACIS.

BIELORUSSIE : L’accord de partenariat et de coopération, signé en 1995, a pris un retard important dans sa mise en application en raison du caractère autoritaire du régime en place depuis 1996. La tenue d’élections démocratiques est un préalable à la reprise de la coopération ; par ailleurs, cet accord est complété depuis décembre 1999 par une stratégie commune U.E. / Biélorussie qui insiste sur le problème de la sécurité nucléaire.

Le programme TACIS sur le période 1991-1996 a attribué 76 millions d’euros à la Biélorussie. Ce programme n’a pas pu être négocié pour les années suivantes. La Biélorussie bénéficie toutefois de programmes d’assistance plus ponctuels.

MOLDAVIE : L’accord de partenariat et de coopération est entré en vigueur en 1998. Sur la période 1991-1999, le programme TACIS a octroyé 70 millions d’euros à la Moldavie. 21 millions sont prévus pour 2001.

CAS PARTICULIERS

LA NORVEGE : Par deux fois, en 1972 et en 1994, la Norvège a rejeté par référendum une adhésion à l’Union qui avait été signée par son gouvernement.

Les relations de l’Union européenne avec la Norvège sont régies par l’accord sur l’Espace économique européen en vigueur depuis 1994. Cet accord étend la législation du marché unique – à l’exception des domaines agricoles et de la pêche – à la Norvège, à l’Islande et au Liechtenstein. La Norvège fait également partie de l’Espace Schengen.

ISRAEL : L’accord d’association U.E. / Israël, entré en vigueur en 2000, vise à conforter le dialogue politique entre les partenaires, les règles de concurrence, la liberté d’établissement et la libéralisation des services, le libre mouvement des capitaux ainsi que la coopération économique.

En raison de son développement économique avancé, Israël ne bénéficie pas des financements bilatéraux du programme MEDA. En revanche, Israël bénéficie de la composante régionale du programme MEDA.

Par ailleurs, un différend commercial sur l’origine des produits fabriqués par les colons dans les territoires palestiniens et qui sont exportés vers l’Europe avec le label « made in Israël » oppose l’Union à Israël : en vertu d’un accord de libre-échange, les marchandises israéliennes bénéficient de tarifs douaniers préférentiels à l’entrée dans l’Union. Toutefois, ce régime ne s’applique pas aux produits fabriqués dans les colonies de peuplements israéliens dans les territoires palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, ou dans les quartiers de colonisation de Jérusalem-Est. Il exclut également les produits du plateau du Golan, dont l’annexion en 1981 par Israël n’est pas reconnue aux regard du droit international.

LES DEMANDES D’ADHESION A L’UNION

Le Maroc a déposé en 1988 une première demande de candidature d’adhésion qui avait reçu une « réponse courtoise d’attente », selon l’expression de l’ambassadeur de l’Union européenne au Maroc, Lucio Guerrato. Les propos de plusieurs dirigeants marocains et en particulier du roi Mohammed VI, dans la perspective de l’adhésion d’un pays musulman – la Turquie -, semblent témoigner d’un regain de la volonté marocaine d’adhérer à l’Union. La position de l’Union et de ses Etats membres consiste toutefois à prôner un renforcement du partenariat entre l’Union européenne et le Maroc.

Bien qu’aucune demande d’adhésion formelle n’ait encore été faite, la classe politique israélienne tend à affirmer la légitimité d’une adhésion d’Israël à l’Union : Israël est un pays démocratique dont l’économie et la technologie sont proches des niveaux européens.

A contrario, la Suisse, bien que totalement enclavée au sein de l’Union européenne, ne semble pas l’envisager à court terme.

- Illustration :

Le visuel d’ouverture de cet article est une photographie d’un passeport européen, document tiré du site du Parlement européen.

- Notes bibliographiques :

 « Europe : la nouvelle vague » – Jacques LE CACHEUX – Presses de Science Po – 1996.

 « On ouvre les frontières ? Chiche ! Et après ? » (Revue Hommes et libertés, sous la direction de Catherine de Wenden).

 « La Russie inachevée » – Hélène Carrère d’Encausse – Fayard - 2000.

 Maroc : Accord de coopération en 1976, accord euro-méditerranéen d’association en 2000.

 Algérie : Accord de coopération en 1976, accord euro-méditerranéen d’association en 2001.

 Tunisie : Accord euro-méditerranéen d’association en 1998.

 Israël : Accord de coopération en 1975, accord euro-méditerranéen d’association en 2000.

 Liban : Accord de coopération en 1977, accord euro-méditerranéen d’association en 2001.

 Egypte : Accord de coopération en 1978, accord euro-méditerranéen d’association en voie de conclusion.

 Jordanie : Accord euro-méditerranéen d’association en 2002.

 Syrie : Accord euro-méditerranéen d’association en cours de discussion.

Notes

[1Le programme TACIS a été créé en 1991 pour aider les pays de l’ex-URSS à réaliser leur processus de transition, à consolider leurs structures démocratiques et juridiques, et à développer leur économie de marché.

[2Le mandat confié à ECHO consiste à porter assistance et secours d’urgence aux victimes de catastrophes naturelles ou de conflits en dehors de l’Union européenne. Cette aide est directement orientée vers les populations en détresse, sans distinction de race, de religion ou d’opinion politique.

Vos commentaires
  • Le 1er décembre 2006 à 07:42, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : L’Union européenne et les « cercles de pays amis »

    si les mots ont un sens, le premier cercle de « pays amis » ne devraient-il pas compter nos alliés américains et canadiens ?

  • Le 1er décembre 2006 à 13:41, par Ronan Blaise En réponse à : L’Union européenne et les « cercles de pays amis »

    Australiens et néo-zélandais ?

  • Le 2 décembre 2006 à 12:13, par Ronan Blaise En réponse à : L’Union européenne et les « cercles de pays amis »

    Cette formulation pose effectivement un problème : même si l’UE a effectivement vocation à rechercher l’amitié de tous les Etats tiers de bonne volonté (et respectueux des mêmes valeurs démocratiques...) tous nos voisins ne sont - malheureusement - pas forcément nos amis et tous nos amis ne sont pas nécessairement non plus nos voisins...

    Reste donc à déterminer des politiques cohérentes et à négocier les modalités de la coopération et du ’’vivre ensemble’’ avec chacun d’entre nos interlocuteurs, qu’ils soient franchement nos amis ou pas nécessairement... A ce titre, l’article qui précède (i. e : sur la situation actuelle et les dispositifs existants à ce jour) est effectivement là une synthèse assez remarquable...

  • Le 7 décembre 2006 à 00:24, par Ronan Blaise En réponse à : L’Union européenne et les « cercles de pays amis »

    - Quelques infos complémentaires sur ce sujet :

    (1) ’’Tout sauf les institutions politiques’’ ou ’’statut d’association à l’UE’’ (ou de partenariat élargi/renforcé), c’est l’idée souvent proposée par certains à la Turquie, à la Russie et au Maroc (comme l’a effectivement déclaré, à propos du Maroc, M. Miguel Angel Moratinos, MAE espagnol : en octobre 2005, dans ’’El Mundo’’ de Madrid).

    (2) A propos de l’Ukraine, ’’il ne serait pas dans l’intérêt des Européens qu’un nouveau vide se crée à proximité immédiate de l’Union et que l’Ukraine devienne un espace de rivalité géopolitique entre la Russie et les Etats-Unis’’ : telle est l’idée en tout cas défendue par l’initiative locale et proeuropéenne ’’Yalta European Strategy’’ (YES) lors de la conférence qui s’est tenue, les 15 et 16 juillet derniers, en Crimée.

    (3) Une initiative cependant moins offensive que celle de l’eurodéputé socialiste polonais M. Marek Siwiec, qui avait alors (propos repris in ’’Frankfürter Allgemeine Zeitung’’) proposé l’adhésion de l’Ukraine (pays non officiellement candidat à l’adhésion, à ce jour) à l’UE pour la date du 1er janvier 2020 (Agenda 2020).

    (4) Toujours est-il que l’Allemagne, qui présidera le Conseil de l’Union au premier semestre 2007, réfléchit à la mise en place d’un partenariat avec les pays limitrophes de l’Union (comme l’Ukraine...) sur le modèle des accords bilatéraux existant aujourd’hui entre l’UE et la Suisse, ce qui en ferait des ’’quasi-membres’’.

    (5) Un souci et une volonté de stabilisation de notre ’’environnment proche’’ également partagés par la Commission européenne dans la mesure où la politique de voisine de l’UE devrait prochainement faire l’objet d’une révision présentée récemment - en ce mois de novembre dernier (propos repris par le ’’Financial Times’’) - par Mme Bénita Ferrero-Waldner (Commissaire européenne aux relations extérieure de l’Union).

    Ainsi 1 milliard d’euros supplémentaire serait débloqué pour financer des investissements, développer nos relations commerciales bilatérales et promouvoir la bonne gouvernance chez nos voisins du Sud et de l’Est de l’Europe (notamment en Ukraine, en Moldavie et en Géorgie).

    - Sources : Des informations tirées du « Courrier International » n°782 du 27 octobre 2005 (page 18), n°820 du 20 juillet 2006 (page 15) et n°839 du 30 novembre 2006 (page 28).

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