« L’urgence européenne », par Marielle de Sarnez et Sandro Gozi

, par Fabien Cazenave

« L'urgence européenne », par Marielle de Sarnez et Sandro Gozi

Marielle de Sarnez sort un nouveau livre à l’occasion des élections européennes. L’eurodéputée centriste s’y livre à un dialogue avec Sandro Gozi, sous-secrétaire chargé des Affaires européennes du président du Conseil italien, Matteo Renzi. Tous les deux proclament que « le choix européen est un choix de souveraineté ». Il y a effectivement urgence.

Il faut passer à l’offensive et ne plus laisser le champ libre aux europhobes. Il y a quelque chose qui me frappe et me choque avec la montée des partis et mouvements populistes à travers l’Europe, c’est que partout les pro-Européens sont comme tétanisés, comme honteux de leurs convictions. (p.139) Voilà un bon résumé du livre où Sandro Gozi et Marielle de Sarnez se veulent offensifs et déterminés.

Un livre qui tourne la page du référendum de 2005

Marielle de Sarnez est une figure du camp pro-européen depuis longtemps. Elle dresse un constat honnête pour parler à tous ceux qui ont envie d’Europe. La page du Non est tournée quand elle écrit : Les travaux de la Convention se sont en réalité déroulés entre spécialistes, tellement loin des préoccupations des citoyens. Cela a produit un texte compliqué, touffu, incompréhensible, qui a donné lieu à toutes les interprétations possibles, y compris les plus fantaisistes, sur des sujets qui n’avaient rien à voir avec la réforme institutionnelle (p.76). Il est vrai que le résultat était là, même si on se rappelle que la fameuse partie III avait été ajoutée à l’époque par volonté des chefs d’Etats et de gouvernements... La Convention proposait au début de se limiter à la partie I (institutions) et II (Charte des droits fondamentaux).

L’eurodéputée français reconnaît aussi les défauts actuels de l’Europe et reprend une partie des critiques contre l’Europe quand elle dit que faute de politique assumée et coordonnée, c’est le seul volet « concurrence » qui est devenu depuis 20 ans l’alpha et l’oméga. [...] ces principes conduisent à empêcher l’émergence d’acteurs européens de taille mondiale (p.21). Elle dénonce aussi une Troïka en Grèce qui n’a pas de compte à rendre à la population directement. (p.94)

Surtout elle pointe la responsabilité de nos dirigeants actuels dans la situation d’un cinglant si les chefs d’Etats et de gouvernements ne sont pas à la hauteur, l’Europe ne peut pas réussir ses rendez-vous avec l’Histoire (p.58).

Un livre pour définir ce qui rassemble

L’eurodéputée centriste ne fait pas que dresser le constat de ce qui ne va pas dans l’Europe actuelle. Elle pointe un paradoxe qui montre bien que les citoyens peuvent encore aujourd’hui en vouloir autre chose que cette Europe absente politiquement sur les grands sujets et ultra-présente sur les micro-sujets qui interfèrent inutilement avec la vie des gens et ne répondent pas aux problèmes du temps (p.17). Ainsi l’Europe doit s’émanciper de la sphère américaine pour produire sa propre politique étrangère (p.35).

De manière plus intéressante, elle dresse le portrait-robot de l’Europe. On a tellement l’habitude d’entendre que nous sommes différents entre Européens du fait ne notre diversité si riche... Cette fois, on trouve enfin des pistes sur notre particularité d’être Européen par rapport à ce qui fait ailleurs dans le monde. Par exemple p. 43, il y a un modèle européen unique au monde [...] alliant liberté et solidarité et place l’homme, son développement, son autonomie, sa conscience, au coeur de toutes politiques. C’est pourquoi nous avons globalement, nous Européens, le modèle social le plus avancé au monde.

Pour avancer ensemble, il faut renouveler le contrat entre Européens et les institutions de notre continent. Marielle de Sarnez frappe juste en assénant que les peuples n’accepteront de déléguer davantage de pouvoirs à l’Union européenne que s’ils ont la certitude de pouvoir décider des orientations politiques (p.105). Cela tombe bien, les élections européennes doivent justement servir à cela.

Des pistes institutionnelles avec une vision de l’Europe

Peut-être est-ce dû au fait de dialoguer avec un Italien, mais Marielle de Sarnez affirme que son identité est multiple, à rebours de ce qu’on entend si souvent en France où les Français sont censés être tous les mêmes dans une République une et indivisible. Elle affirme ainsi qu’on vit dans un monde où l’on peut additionner les appartenances, les citoyennetés. Ainsi, je me sens citoyenne de ma ville, de mon pays, de l’ensemble européen mais aussi du monde (p.17).

Cette approche explique aussi certainement la facilité pour la centriste d’aborder le futur de l’Europe avec une avant-garde. Ainsi elle reprend la théorie des cercles concentriques de François Mitterrand et définit trois zones : la zone euro, les pays destinés à la rejoindre qui auront aussi voix au chapitre et ceux qui veulent juste participer à un marché.

Elle appelle ainsi à sortir de l’eurogroupe actuel pour mettre en place un véritable gouvernement économique avec un ministre de l’Economie et des Finances identifiable qui ne se contentera pas comme depuis cinq ans de serrer la vis budgétaire mais disposera d’outils fiscaux, pour relancer la croissance (p. 124).

Marielle de Sarnez souhaite une réforme menant à des institutions simples, claires, lisibles, à la désignations desquelles les peuples aient leur mot à dire, car l’Europe a vitalement besoin d’une refondation démocratique (p.82). Pour ce faire, les citoyens doivent choisir eux-même leurs dirigeants (p.130) pour définir les orientations politiques. Cela passerait à terme par l’élection directe du président de l’Europe, poste qui fusionnerait les présidences du Conseil et de la Commission.

Mais dès à présent, elle souhaite qu’une majorité large se forme au Parlement pour imposer après les élections européennes un président de la Commission au Conseil européen.

En conclusion, ce livre est intéressant sur plusieurs points : une personnalité politique très pro-européenne reconnait des erreurs dans la construction européenne et ne se renie pas pour autant. L’Europe a été pensée et voulue comme une réponse aux nationalismes et aux totalitarismes. Mais pour moi, elle est un projet de société formidablement actuel pour le siècle qui s’ouvre (p.47).

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