Le résultat d’un sommet UE/Balkans occidentaux historique
Le 6 décembre dernier, un sommet est organisé avec les Balkans, à Tirana en Albanie, afin de réaffirmer l’engagement européen dans la région et d’ancrer les pays des Balkans occidentaux dans la sphère européenne. Ce sommet était d’importance dans le contexte de la guerre en Ukraine. De plus, les pays de la région étaient amers face à la lenteur de leur processus d’intégration, entamé il y a quelques années pour certains. En juillet dernier, Albanie et Macédoine du Nord ont officiellement lancé leurs négociations d’adhésion. En décembre, la Bosnie-Herzégovine a reçu le statut de candidat à l’UE, et le Kosovo en a fait la demande. Le Sommet a donc permis des avancées, mais pour quelles issues ?
Le statut des pays balkaniques et l’Union européenne en 2023
Depuis des années, les pays balkaniques, stagnant dans l’antichambre de l’Union européenne, ont souvent exprimé une frustration aigre face à la longueur du processus d’intégration. Sur les 7 pays balkaniques de l’Union européenne (l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, le Kosovo, la Macédoine du Nord, le Monténégro et la Serbie), seul un est membre de l’UE (la Croatie).
Cette frustration s’est accentuée avec d’autant plus de force qu’il n’a fallu que quelques mois pour l’Ukraine et à la Moldavie d’accéder au statut de candidat, en juin dernier, ce précieux sésame que les pays de la péninsule balkanique cherchent à obtenir. Ainsi, l’avancée de ces négociations, motivées par la guerre en Ukraine et l’activisme de la Chine dans la région, constitue indubitablement un tournant pour la politique de l’Union européenne dans la péninsule balkanique.
Toutefois, l’avancée de ces négociations n’est que le résultat d’un effet du contexte, puisque, en dépit de la "perspective européenne des Balkans occidentaux" que l’UE appelle de ses vœux, des freins structurels à l’intégration persistent, telles que des tensions de nature frontalière ou ethnique, ou encore un manque flagrant de conformité aux standards exigés aux pays aspirant à intégrer l’Union.
Un pays instable aux tensions internes fortes
Indépendante depuis 1992, la Bosnie-Herzégovine est séparée en une République serbe (la Republika Srpska représentant 49% du territoire), et une Fédération croato-musulmane (51% du territoire), reliées par un Gouvernement central. Ce système politique complexe est le legs des accords de Dayton de septembre 1995 qui ont mis fin à la guerre interethnique dans laquelle 100 000 personnes ont péri, entre 1992 et 1995.
Dans sa communication de décembre 2022, le Conseil européen a affirmé que la Bosnie-Herzégovine devait “prendre les mesures recommandées afin de renforcer l’État de droit, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, la gestion des migrations et les droits fondamentaux”. Le Conseil a en outre souligné qu’il était urgent que le pays progresse sur sa trajectoire européenne, en particulier en répondant aux 14 priorités énoncées par la Commission européenne en mai 2019.
Pourtant, en dépit de ces engagements, la situation en Bosnie-Herzégovine reste très préoccupante et située à des années lumières des standards politiques, économiques et sociaux exigés par l’UE. La Commission européenne a en effet condamné à cinq reprises la constitution discriminatoire du pays, et le non-respect du droit des minorités.
A ce fonctionnement complexe des institutions, s’ajoute une situation économique très instable, caractérisée par un taux de chômage de près de 17% en 2020, un déficit commercial creusé et un développement croissant de l’économie parallèle. Les Finances publiques sont relativement stables et le déficit a baissé entre 2009 et 2016. Mais la complexité des institutions politiques rend difficile la gestion des finances publiques. En d’autres termes, ce pays, à certains égard fragiles, est exposé à l’activisme de certains acteurs cherchant à pénétrer la région, comme la Russie ou la Chine.
Une volonté de contrer l’influence russe dans la région
La guerre en Ukraine, aux portes de l’Europe, a contraint les Vingt-Sept à réviser leurs liens avec les Balkans occidentaux et à ancrer cette “périphérie” dans le concert européen. D’ailleurs, une fois le pied posé à Tirana, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a exhorté les pays des Balkans occidentaux à sortir de l’ambiguïté en prenant position contre l’attitude des "autocraties" comme la Russie. L’UE sait pertinemment que les pays de cette région sont la cible de l’influence de Moscou. La Serbie, par exemple, entretient historiquement de bons rapports avec la Russie et n’a pas suivi les sanctions européennes vis-à-vis de Moscou.
Autre acteur clé dans la zone, la Chine, qui renforce ses positions dans les Balkans occidentaux, par des investissements colossaux dans les secteurs énergétiques et des transports de cette partie pauvre de l’Europe. La Chine est le deuxième partenaire de ces pays, derrière l’Union européenne. L’UE craint que la lenteur du processus d’adhésion ne conduise les pays de la région a tomber dans les bras de la Russie, ou de la Chine.
Face au défi de l’intégration de ces Etats encore trop peu mûrs pour l’UE, la Communauté politique européenne (CPE) avait pour objectif de compléter l’Union afin de faciliter les coopérations entre Etats dans des domaines de premier plan, tels que la sécurité, l’énergie ou encore les infrastructures. Les Balkans occidentaux, invités à participer à cette nouvelle organisation européenne, avaient craint que l’érection de la CPE ne conduise leur négociation d’adhésion à l’UE au point mort.
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