Cette initiative émane de ce que l’ancien président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a qualifié de « demande de main-d’œuvre toujours croissante en Europe ». Le grisonnement des Européens rend le besoin en travailleurs étrangers de plus en plus évident. À l’heure actuelle, la carte bleue est réservée aux travailleurs les plus qualifiés, étant donné que l’une des conditions à remplir pour obtenir cette carte est que le demandeur soit embauché sur le champ avec un salaire égal ou supérieur à 150% du salaire moyen à l’échelle nationale (même si ce seuil peut être abaissé dans les secteurs où la demande en main-d’œuvre est plus accentuée). Au-delà du permis de travail, la carte bleue offre à son détenteur d’autres privilèges, tels que le regroupement familial et la libre circulation entre les pays adhérant à ce système. Lors de l’un de ses discours, José Manuel Barroso a déclaré que « [avec la Carte bleue,] nous envoyons un message fort : les gens hautement qualifiés venant des quatre coins du monde sont les bienvenus au sein de l’Union européenne. » Ces avantages ont pour objectif d’aider les travailleurs à se sentir les bienvenus dans leur nouveau « chez eux ».
Le nombre de cartes bleues délivrées varie considérablement d’un pays à l’autre. Cette carte a vu le jour en Allemagne le 1er août 2012, un peu moins d’un an plus tard, Berlin a annoncé que près de 10 000 cartes avaient été délivrées. Quand bien même certaines cartes avaient été délivrées à des travailleurs vivant déjà outre-Rhin, ce chiffre est relativement élevé. En effet, un sondage d’automne 2013 a relevé qu’aucun pays disposant de chiffres transparents ne s’approchait de près ou de loin aux résultats de l’Allemagne. Dans certains pays, seules quelques cartes ont été délivrées, notamment parce que certains États ont mis plus de temps à transposer cette directive dans leur droit national.
Des statistiques émanant de la Commission européenne de 2014 montrent que l’Allemagne est toujours – et de loin – le meilleur élève de l’Union. En effet, neuf pays auraient invité deux travailleurs ou moins par le truchement de cet instrument. Les détenteurs de cartes bleues proviennent principalement : d’Inde, de Chine, de Russie, des États-Unis et d’Ukraine. Le nombre de travailleurs russes et ukrainiens donne une autre dimension à ce projet européen : il fait de ce dernier une initiative qui influence l’Europe, mais également au-delà de ses frontières. Selon une communication de la Commission européenne, près de 700 Européens auraient reçu une carte bleue. D’après Steve Peers, professeur de Droit européen à l’Université d’Essex, l’initiative de la carte bleue européenne gagnera en popularité dans plusieurs États membres à l’avenir, car à l’heure actuelle des « doublons » nationaux existent. Une solution pourrait être de mettre un terme à ces projets nationaux, puisque, comme Peers l’indique, chaque nation pourrait toujours fixer des quotas migratoires si elles l’estimaient nécessaire. Un autre problème découlant de la mise en pratique de ce projet européen est la prise de décision concernant l’octroi ou non de la carte bleue tardive ; d’après Peers, cela pourrait être fait à dessein pour décourager les potentiels candidats.
La carte bleue a suscité des questions de politique interne, mais également certaines inquiétudes à l’étranger. Peu après que Barroso avait annoncé ce système, les pays africains ont indiqué craindre de voir leurs quelques rares travailleurs hautement qualifiés s’envoler pour l’Europe. La ministre de la Santé sud-africain, Manto Tshabalala-Msimang, qui est inquiète par le marché de l’emploi dans son secteur a, parmi d’autres, fait part du danger que pourrait représenter une fuite des cerveaux. La Commission européenne a pris note de cette menace lorsque le projet avait été présenté en 2007 et a indiqué que le recrutement dans les secteurs étant fragiles dans les pays en développement serait limité.
Les statistiques liées à la carte bleue de 2014 indiquent que jusqu’à présent il n’y a pas eu d’exode des cerveaux notable en provenance d’Afrique et encore moins en provenance d’Afrique subsaharienne. Seuls 78 travailleurs viennent de cette région, et comme la liste des plus importants pays d’origine des détenteurs de carte bleue l’indique, bon nombre de titulaires de cette carte viennent de pays développés. Malheureusement, le rapport de la Commission ne peut détailler des informations sur les emplois occupés par les titulaires. À l’avenir, si la carte bleue attire davantage de travailleurs venant de pays tiers, les restrictions concernant le recrutement dans les pays en développement pourraient être mises sous pression, mais il est probable que des pays comme la Chine, la Russie ou encore les États-Unis, qui ont tous suffisamment de ressources nationales, resteront en tête de liste des pays émetteurs.
La carte bleue s’attaque à un véritable problème : la prévisible pénurie de main-d’œuvre qualifiée en Europe. Cependant, certaines équations, telles que la mise en pratique de ce projet, doivent être résolues pour que l’Europe puisse pleinement profiter de cet instrument. Peut-être que les pays qui s’en sortent le moins bien devraient faire un pas en arrière, analyser cette initiative et la considérer comme une solution réaliste, ou tout du moins comme un outil permettant d’améliorer la pérennité de leur économie nationale. Il est évident que lorsque ce projet sera analysé par le prisme international l’on devra retrouver cette composante qu’est la pérennité pour que l’Europe ne faille pas à sa réputation et qu’elle agisse en tant qu’acteur éthique dans le monde du XXIe siècle.
1. Le 11 octobre 2015 à 18:23, par Lame En réponse à : La carte bleue européenne, une idée intéressante qui mérite d’être creusée
La carte bleu n’a peut de succès pour deux raisons : a. La majorité des candidats à l’immigration n’ont pas le niveau de qualification pour y répondre. b. La majorité des employeurs ne sont pas intéressés par des travailleurs qualifiés étrangers qu’ils ne peuvent embaucher au rabais. La couleur de peau des candidats et les doutes sur la valeur de leur diplôme font le reste.
Mais intéressons-nous à la logique de l’initiative : La population de certains Etats membres ne se renouvèle pas. Du coup, les dirigeants européens imposent à tous les Etats membres une immigration qu’ils devront se débrouiller pour intégrer. On est loin du système de la green card où le gouvernement fédéral s’implique dans les différents aspects de l’immigration : emploi, formation, sécurité sociale.
D’un part, on peut se demander si le vieillissement de la population n’est pas un prétexte pour faire, une fois de plus, des misères aux Etats membres. D’autre part, pourquoi partir du principe que le problème de vieillissement de la population doit forcément être résolu par l’immigration ?
Ne faudrait-il pas se demander pourquoi la population de certains Etats vieilli et comment on peut inverser les causes ?
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