Histoire de la Construction européenne

La contribution (décisive) des Fédéralistes (II)

Episode 2

, par Ronan Blaise

La contribution (décisive) des Fédéralistes (II)

Quand on parle de la contribution des Fédéralistes à la construction européenne, il faut bien prendre conscience qu’il s’agit là d’une contribution (et d’initiatives véritablement et authentiquement fédéralistes...) qui, à chaque fois, aura (auront) été pourtant là décisive(s) même si ces initiatives sont souvent en fait fort méconnues (même et surtout de la part des militants seulement ’’européistes’’...).

La CED ou la première tentative (et le premier échec) pour essayer de construire un Etat fédéral européen

Le début des années 1950 (i. e : les années 1950-1951-1952-1953-1954...) est avant toute chose marqué par les initiatives politiques prises par Jean Monnet, Robert Schuman et René Pleven (i. e : Déclaration du 9 mai 1950, création de la CECA en 1951-1952 et proposition française, en 1952, de la création d’une CED).

Trois projets dont on néglige, dont on fait très souvent mine d’ignorer (et dont on fait souvent l’impasse de la dimension éminemment fédéraliste). Comme la CECA (présidée par Jean Monnet entre 1952 et 1955), la CED était une structure conçue suivant un schéma ouvertement supranational et avait pour vocation de ’’réaliser les premières assises concrètes d’une Fédération européenne (sic) indispensable à la préservation de la paix’’.

Parallèlement à ces initiatives gouvernementales (émanant néanmoins souvent de militants fédéralistes associés aux affaires de leurs pays respectifs...), se déroulèrent alors (d’abord en Italie puis dans toute l’Europe occidentale...) une grande pétition fédéraliste demandant la convocation d’une Assemblée Constituante européenne : une pétition qui reçu alors les soutiens politiques de l’Assemblée de la CECA et du « Mouvement Européen International ».

Le MEI (alors présidé par le belge Paul-Henri Spaak) mit alors en place un « Comité d’action pour la Constituante européenne (puis pour la Constitution) » (dirigé par Altiero Spinelli) et un Comité d’études composé de juristes (présidé par Paul-Henri Spaak) chargé de définir précisément quel devrait être le contenu exact d’une future Constitution fédérale européenne.

Le résultat le plus spectaculaire de toutes ces initiatives politiques et de cet intense travail de lobbying se concrétisa par la rencontre ’’vertueuse’’ des projets de CED (porté par le gouvernement français) et des projets de Constituante (porté par les organisations fédéralistes).

Cette ’’rencontre’’ inespérée se traduisit alors par l’insertion - dans le projet de CED (à l’initiative de la France et de l’Italie, en 1952-1953) d’un article (Article 38) confiant alors à la future Assemblée de la dite CED la mission d’élaborer (sur six mois) un projet de traité constituant une Union politique européenne : projet à caractère supranational avec constitution d’une entité juridique propre, séparation des pouvoirs et représentation politique bicamérale.

Le projet de la CED fut malheureusement définitivement enterré par l’Assemblée nationale française [lors de son vote funeste du 30 août 1954] (CED à laquelle les Britanniques proposèrent alors le substitut intergouvernemental ultérieurement dénommé UEO).

Traités de Rome : la relance sectorielle, par l’économie.

Néanmoins, la réaction des constructeurs de l’Europe n’allait pas tarder, même si elle allait prendre là le visage d’une relance sectorielle, par l’économie : un projet de moindre ampleur que la CED puisque se réduisant à la mise en place de politiques communes et faisant l’impasse des institutions politiques démocratiques et de la construction d’un espace politique et démocratique supranational.

Un projet comme celui-là (qu’on pourrait taxer de n’être que très strictement ’’Européiste’’) allait néanmoins - aussi insatisfaisant soit-il - être impulsé par les militants fédéralistes que l’on retrouve en toute première ligne avec la création (en octobre 1955) des « Comités d’action pour les Etats-Unis d’Europe » avec Jean Monnet et la création - à la demande des (six) gouvernements européens impliqués dans ce projet (i. e : ceux des pays appartenant déjà à la CECA) - du « Comité d’experts » présidé et animé par Paul-Henri Spaak.

Le reste de l’Histoire est connu : avec l’organisation de la Conférence intergouvernementale de Messine (en juin 1955), les projets de création d’une Communauté européenne ne traitant que des questions économique et d’une Communauté de l’énergie atomique (on parlera donc alors de ’’relance sectorielle’’...), la création du « Comité Spaak » (formé d’experts chargés de travailler sur ces projets et sur un ’’pré-Traité’’), le rapprochement franco-allemand entre Guy Mollet et Konrad Adenauer (dans le contexte des sanglants événements de Suez et de Hongrie, d’octobre 1956...) et avec, enfin, la signature des Traités de Rome (mars 1957) instituant l’Euratom et la CEE (et dont nous fêtons le cinquantenaire en cette année 2007...).

Années 1970 et 1980 : Vers un Parlement élu et vers une Monnaie pour l’Europe.

Lors des années 1960, la construction européenne - marquée et durablement paralysée par l’omniprésente diplomatie ’’national-souverainiste’’ du général de Gaulle (ex : crise de la chaise vide, en 1965-1966) - allait durablement subir une période de stagnation.

Pire : au principe d’intégration politique qui avait présidé jusque là à la construction européenne, la diplomatie gaullienne proposait une alternative confédérale : un projet de traité établissant une ’’Union d’Etats’’ (plan Fouchet), fort heureusement repoussé par nos partenaires.

Par la suite, dans les années 1970, on allait à nouveau retrouver les militants fédéralistes : en toute première ligne dans leurs combats
 pour la pérennisation du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement (par l’institutionnalisation de la Conférence au sommet...) (en décembre 1974),
 pour la mise en place d’un Parlement européen afin de remplacer l’Assemblée consultative des communautés, jusque là ’’aéropage passif’’ (en décembre 1974),
 pour l’élection au suffrage universel de ce même Parlement européen (décision prise entre septembre 1976 et juin 1979),
 pour la création du système monétaire européen, initiative française relayée malgré l’opposition du Royaume-Uni (décision prise entre avril et décembre 1978),
 puis pour la création de la Monnaie européenne (unique), etc.

Dans ces démarches, on retrouvera à nouveau les noms de responsables politiques européens et de grands fédéralistes européens comme Mario Albertini (Président de l’UEF) ou Jean Rey (Président du MEI et premier Président de la première Commission unique) et comme Etienne Hirsch (collaborateur de Jean Monnet) et Maurice Faure (signataire français du traité de Rome), Walter Hallstein et Roy Jenkins (Présidents de la Commission européenne) et Altiero Spinelli : auteur, dès 1980-1986, d’un projet de traité instituant une Union européenne (dont on peut aujourd’hui voir le ’’brouillon’’ des futurs traités de Maastricht puis d’Amsterdam, en 1992 puis 1997...).

Avec, pour principales modalités de pression, pour les militants fédéralistes, afin de faire avancer leurs projets et diffuser leurs idées : le vote de textes dans les différentes instances démocratiques des Etats membres, l’organisation de pétitions populaires monstres et l’organisation de manifestations pour faire pression sur leurs Etats respectifs et sur leurs Gouvernements (nombreux exemples à citer...).

Années 1990-2000 : La Citoyenneté, l’Intégration politique, la Monnaie unique...

Avec la signature du traité de Maastricht (1992), on voit la mise en place de l’Union européenne, la création de la citoyenneté européenne et le début de la marche vers le projet constitutionnel : rendu plus nécessaire encore par les élargissements - sans réforme institutionnelle suffisante - de 1995, de 2004 et de 2007.

Et à chaque fois les fédéralistes européens vont jouer là un rôle décisif : en tant que critiques insatiables et vigilants des imperfections de l’Union (notamment à l’égard du ’’calamiteux’’ Traité de Nice de 2000) et en tant que promoteurs inépuisables des réformes politiques et institutionnelles devenues - du fait même de l’élargissement de mai 2004 - plus que jamais nécessaires (et notamment en faveur du TCE - en 2005 - et pour la ’’relance’’ constitutionnelle devenue, depuis lors, de plus en plus urgente...).

Toujours est-il que le chemin qui mène à l’Union politique européenne est décidément bien loin d’avoir abouti. Et qu’il nous reste encore à rendre possible la réforme en profondeur et la nécessaire démocratisation des institutions politiques de l’Union européenne.

Ainsi que la mise en place d’un véritable espace public européen (par la transformation - en de véritables partis politiques pérennisés - des coalitions ’’lâches’’ existant aujourd’hui au Parlement européen...), voire l’adoption d’une Constitution européenne : grand défi de nos années « 2000-2005-2010 » ...

Illustration : drapeau fédéraliste

Principales sources :
 Barthalay, Bernard : « Le Fédéralisme » : QSJ n°1953 (Ancienne version : édition de 1981 ; ici : pages 96 à 124).
 Gouzy, Jean-Pierre : « L’idée fédérale dans l’histoire de la construction européenne » (texte publié in « Les Etudes du Mouvement européen » : « La Lettre des Européens » : HS n°8 d’octobre 1998 ; ici : pages 49 à 53).

Après l’ample démonstration historique de M. Jean-Pierre Gouzy récemment publiée dans nos colonnes, nous vous proposons ce résumé – en deux épisodes – de la (décisive) contribution des fédéraliste à la construction européenne : texte rédigé tout spécialement pour - en février dernier - le récent séminaire de formation des « Jeunes Européens France ».

Ici, dans ce second volet, on se concentrera tout particulièrement sur la période allant de la mise en place du « Conseil de l’Europe » (en 1948-1949) à nos jours ; avec tous les développements que l’on sait : échec de la CED (en août 1954), Traités de Rome (en mars 1957), mise en place du Marché commun, puis d’un Parlement européen bientôt élu au suffrage universel, puis d’une Monnaie commune, bientôt unique, etc.

Et ce, jusqu’aux derniers récents développements en vue d’une réforme en profondeur des institutions communautaires (sinon l’adoption d’une Constitution pour l’Union europénne...).

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