Il y a un an quasiment jour pour jour, le Président de la République Emmanuel Macron décidait le premier confinement en France pour endiguer la première vague de maladie à coronavirus SARS-CoV-2. Celui-ci, d’une durée de deux mois jusqu’au 11 mai 2020, a vu le pays arrêter en très grande partie son économie et sa société. Dans le même temps, les voisins européens de la France fermaient leurs frontières, parfois de manière unilatérale, comme l’Allemagne qui n’a rouvert entièrement sa frontière avec son voisin outre-Rhin que mi-juin.
Au sortir de cette période qui s’est apparentée à une chape de plomb, d’aucuns ont pu se dire que cette pandémie touchait à sa fin et que le monde allait reprendre un cours normal. C’était se tromper. La deuxième vague généralisée, bien plus meurtrière que la première dans bien des régions, a mis les gouvernements nationaux au pied du mur et leur a fait prendre des mesures diverses et souvent peu propices à la coopération au niveau européen : confinements régionaux ou nationaux, couvre-feu, fermeture de certains commerces jugés non essentiels. Bien au-delà des différents désagréments causés dans nos vies, cela implique un débat bien plus profond : la pandémie de COVID-19 justifierait-elle des mesures restrictives pour les libertés publiques si longues et généralisées ? Entre tenants de mesures fortes et adeptes de l’immunité collective, ce débat fait rage partout en Europe.
Démocraties nationales mises à mal
En France par exemple, la stratégie du Stop-and-Go du gouvernement n’a malheureusement pas permis d’endiguer la pandémie qui se stabilise à des niveaux très élevés. Les restrictions de liberté de circulation et de rassemblement sont ainsi de moins en moins acceptées par la population. Alors qu’au début de la pandémie en mars 2020, une grande majorité des Français approuvaient la politique d’Emmanuel Macron (qui, au passage, grapillait quelques points dans les sondages), la compréhension a fortement diminué un an plus tard. Le gouvernement semble même profiter de l’attention des médias sur la pandémie pour passer en procédure législative accélérée des textes de loi très polémiques, comme la loi sur la sécurité globale, dont l’article 24 a suscité les plus vives inquiétudes s’agissant du respect de la liberté de la presse et d’opinion.
La crise de la COVID-19 a tout de même mis en exergue la nécessaire lutte contre la désinformation sur internet, notamment en cette période de campagne de vaccination.
Ailleurs en Europe, les restrictions liées au coronavirus restent plus ou moins les mêmes. Seule la Suède a fait le choix dès le début de ne pas confiner sa population et de miser sur l’immunité collective, pour des résultats invariables, surtout par rapport à des voisins nordiques. Les restrictions de liberté de circulation ne se cantonnent pas juste au territoire des pays, mais également à la circulation d’un pays à l’autre. Le symbole de cet échec collectif en termes de solidarité est matérialisé par la frontière franco-allemande : celle-ci, longue de 451 kilomètres entre Schengen et Bâle, est restée fermée entre mi-mars et mi-juin. Actuellement, et ce depuis la fin de l’année 2020, des contrôles sont toujours menés. Accompagnée par des brimades et autres humiliations visant les citoyens français se rendant en Allemagne, cette fermeture a montré que l’idéal de liberté et de démocratie à toutes les échelles européennes pouvait très bien être remis en cause en temps de paix.
Emergence européenne au détriment de sa démocratie
Malgré des critiques latentes plus ou moins justifiées, l’Union européenne n’est pas restée les bras croisés lors de cette pandémie, malgré des traités européens qui ne lui permettent pas d’agir comme bon lui semble, la faute encore une fois à la souveraineté jalouse des Etats membres. Si l’action sanitaire européenne s’est avérée jusqu’ici assez peu convaincante, la stratégie économique pour lutter contre la récession est déjà plus consistante. La politique de la Banque centrale européenne (BCE), le plan de sauvetage de l’Eurogroupe et surtout le plan de relance Next Generation EU adossé au cadre financier pluriannuel 2021-2027 en sont les principaux exemples.
Pour autant, la manière dont ces programmes se sont décidés révèle une ambiguïté fondamentale de cette « relance » européenne : le Conseil européen, l’organe représentant les intérêts des gouvernements nationaux au détriment d’un esprit commun européen, a été l’instance centrale de décision, sous l’impulsion assez puissante du tandem franco-allemand (ce qui est toutefois positif dans la mesure où Paris et Berlin semblaient être de plus en plus en désaccord sur la politique européenne auparavant). La Commission a ainsi été très transparente lors du Conseil européen de juillet 2020 qui a débouché sur l’accord concernant Next Generation EU. Le Parlement européen a été à peine impliqué dans les stratégies européennes, ce qui a déjà valu un carton rouge de notre rédaction en avril dernier.
En faisant primer l’efficacité par rapport à la consolidation démocratique de l’UE, les Etats membres ont manqué une occasion de se servir d’une crise pour bâtir les bases d’une Union plus résiliente et démocratique. Il ne reste que la conférence sur l’avenir de l’Union pour espérer rectifier le tir.
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