En 2015, votre prédécesseur, Tibor Navracsics, a créé le Groupe de haut niveau (HLG) sur la diplomatie sportive. Un rapport a été rendu l’année suivante. Aujourd’hui, comment envisagez-vous le rôle que peut jouer la diplomatie sportive dans l’action de l’UE ?
En 2015, la diplomatie sportive n’était encore qu’un concept encore très peu développé au niveau de l’UE. Depuis, de nombreuses initiatives ont été initiées, notamment en matière de coopération politique et de possibilités de financements. Ce qui a été réalisé en matière de recherche et d’expertise a également été très utile. La Commission a, par exemple, publié une étude présentant les bonnes pratiques dans le domaine de la diplomatie sportive en 2018. En outre, au cours des trois dernières années, le Parlement européen a mis en œuvre un programme de financement destiné à promouvoir la coopération avec des partenaires issus d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine, d’Europe orientale et de l’ouest des Balkans.
Les États membres ont soutenu nos actions au travers des Conclusions du Conseil sur la diplomatie sportive en 2016. Compte-tenu des résultats positifs de ces initiatives, je suis convaincue que le sport doit continuer à être promu dans les relations extérieures de l’UE. La diplomatie sportive s’inscrit pleinement dans les priorités actuelles de la Commission, y compris dans notre proposition du prochain programme Erasmus+, et peut jouer un rôle-clé dans la construction d’une Europe plus forte dans le monde, renforçant ainsi notre leadership mondial et responsable. Je suis déterminée à tirer profit de ce qui a déjà été réalisé et à promouvoir le pouvoir de la diplomatie sportive à tous les niveaux, y compris au niveau local.
En 2000, Nelson Mandela déclarait que « le sport a le pouvoir de changer le monde. Il a le pouvoir d’inspirer, le pouvoir d’unir les gens comme peu d’autres le font ». Comment interprétez- vous cette citation ?
En citant Nelson Mandela, nous avons tous à l’esprit la « Nation arc-en-ciel » après la victoire de l’Afrique du Sud à la Coupe du monde de rugby 1995. En effet, le sport a le pouvoir de construire des ponts entre les cultures et de favoriser la compréhension entre les peuples. En tant qu’outil de soft power, il peut participer de manière significative aux relations de bon voisinage entre pays. De plus, le sport contribue à accroître les possibilités d’emploi et permet une meilleure appréhension des enjeux liés à la paix, aux migrations, à la mobilité et à la sécurité. En outre, dans nos sociétés contemporaines, il favorise la préservation de la santé et participe de manière déterminante à la lutte contre l’exclusion sociale. Il est également important pour le développement social et personnel et contribue de plus en plus à la croissance économique et à la prospérité des collectivités territoriales et des régions.
Il apparaît comme un outil précieux pour renforcer l’autonomie des jeunes, y compris des femmes, et promouvoir les principes essentiels de l’UE, que sont la bonne gouvernance, la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme. La promotion du sport et de ses valeurs, telles que l’esprit d’équipe, la solidarité, le sens de l’effort et l’égalité des sexes, offre donc la possibilité de renforcer les capacités des individus dans de nombreuses régions en dehors de l’UE.
Quels types d’initiatives souhaiteriez- vous développer ?
Je souhaite développer la diplomatie sportive autour de trois axes. D’abord au niveau régional, en davantage la région des Balkans occidentaux à l’UE. Ce processus a déjà commencé, avec l’ouverture de la Semaine européenne du sport à nos partenaires issus de cette région. Nous allons approfondir cette coopération au travers de financements dédiés dans le cadre de l’initiative « Semaine européenne du sport au-delà des frontières ». Cette action promouvra la pratique d’une activité physique ou sportive et soutiendra la mise en œuvre de la campagne #BeActive dans la région. Elle sensibilisera également les participants aux autres cultures des pays de l’ouest des Balkans et les aidera à mieux les comprendre. Par ailleurs, nous nous préparons à une plus large inclusion des partenaires internationaux dans le volet « Sport » du nouveau programme Erasmus. Enfin, j’aimerais développer davantage la coopération bilatérale existante entre les pays tiers et l’UE. L’échange de bonnes pratiques dans le domaine du sport suscite un grand intérêt.
En vue de valoriser le sport, le HLG a aussi suggéré d’inclure le mot « sport » dans la désignation de la direction générale « Education et Culture ». Est- ce que cela vous semble utopique ?
C’est déjà la réalité. Le titre de la direction générale de la Commission européenne englobe l’éducation, la jeunesse, le sport et la culture. L’importance du sport est donc pleinement reconnue. Le HLG a également fait référence au travail effectué par nos délégations extérieures en matière de promotion du sport. En quelques mois, j’ai pu constater cet intérêt accru pour le sport, car nos pays partenaires sont de plus en plus intéressés par une coopération dans ce domaine.
C’est pourquoi je suis particulièrement heureuse que le Parlement européen nous soutienne pour développer des actions extérieures dans ce champ. J’ajoute qu’au-delà des symboles le financement est important, et nous ne devons pas oublier que le futur programme Erasmus sera ouvert pour développer cette coopération extérieure dans le domaine du sport. La réalité d’aujourd’hui est que le sport est devenu un sujet très important pour l’UE, y compris dans sa dimension internationale.
L’un des exemples récents de coopération internationale par le sport est l’appel à projets lancé en 2019 sur les échanges et la mobilité. Comment ces perspectives reflètent-elles les efforts diplomatiques déployés dans le domaine du sport au nom de l’UE ?
Grâce à l’appui du Parlement européen, nous disposons depuis 2018 de fonds supplémentaires pour le sport (1,5 million d’euros par an), dédiés aux échanges et à la mobilité des entraîneurs et des staffs sportifs. Dix-sept projets ont déjà été financés, permettant de rapprocher les gens et de développer les contacts entre les peuples à l’intérieur des frontières de l’UE et au-delà. C’est le parfait exemple de la diplomatie sportive au niveau local. La coopération, les partenariats et les échanges peuvent contribuer au développement de nouvelles compétences aux niveaux personnel, organisationnel et sociétal. Tisser des liens entre les individus contribue au développement personnel de nos concitoyens. Apprendre les uns des autres, travailler ensemble et partager des valeurs encouragent le renforcement des capacités des organisations sportives.
La plupart des bénéficiaires sont de petites structures. Les organisations sportives, à tous les niveaux, sont par nature ouvertes à la coopération internationale et la diplomatie sportive doit se faire de cette façon, en partant de la base. En renforçant les capacités individuelles et organisationnelles dans le domaine sportif, nous contribuons aux changements sociétaux. Le succès de cette action préparatoire est indiscutable et elle devrait maintenant trouver toute sa place dans le nouveau programme Erasmus, où la dimension internationale du sport, y compris la mobilité, devrait être renforcée.
Propos recueillis par Kiera Wason-Milne et entretien exclusif initialement publié dans la revue numéro 49 de Sport et citoyenneté. Nous les remercions de nous autoriser à la reproduire.
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