La France sort à petits pas de la crise

, par Jens Friedrich, Traduit par Marine Denis

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La France sort à petits pas de la crise

La France va mal et les français en sont convaincus : taux de croissance en berne, taux de chômage toujours à la hausse, défiance jusqu’alors inconnu envers les gouvernants... Mais les Français ayant toujours été champion dans l’apitoiement sur leur propre sort, il est intéressant de voir, d’un point de vue allemand, si la France est réellement le nouvel homme malade de l’Europe.

La France apparaît comme le nouvel homme malade de l’Europe. L’économie vacille, le taux de chômage est élevé et le déficit budgétaire de l’État ne se résorbe pas. Afin de sortir de la crise, plusieurs experts économiques recommandent la mise en place de réformes structurelles s’appuyant sur le modèle allemand de l’Agenda 2010, un ensemble de réformes mené par la coalition SPD-Les Verts entre 2003 et 2005 qui portait principalement sur les réformes du marché du travail et des assurances sociales. Mais une telle retransmission pourrait toutefois causer davantage de mal que de bien.

« La reprise est là » annonçait l’année dernière le président français François Hollande lors d’une interview à l’occasion de la Fête Nationale du 14 Juillet. Trois mois plus tard, Eurostat, l’Office statistique de l’Union européenne enregistrait une contraction de la performance économique française. Le produit intérieur brut a chuté de 0,1 % au troisième trimestre par rapport aux mois précédents. Cette baisse n’est pas dramatique mais ce n’est pas la reprise qui était pourtant attendue.

Si l’économie française a connu une croissance de 0,2 % en 2013, la performance économique stagne pour la deuxième année consécutive. Depuis le début de la crise financière en 2007, le taux de chômage a augmenté de près de 11 % et l’on compte un quart des moins de 25 ans actuellement au chômage. Des inquiétudes demeurent également quant au budget de l’État. L’État français a dû renoncer à son objectif auto-imposé de limitation à 3,7% du déficit budgétaire pour l’année 2013. Le déficit dépassera bien les 4% en 2014. Cette année s’annonce comme étant celle d’un endettement record et peu de personnes croient en la reprise annoncée par François Hollande. Au contraire, le pays est embourbé dans la crise et il n’y a pas d’amélioration en vue. La France est-elle le nouvel homme malade de l’Europe ?

Un appel pour trouver un programme politique

Le Conseil de Lisbonne a répondu à la question par l’affirmative. À Bruxelles, un des think tanks européens publie chaque année en collaboration avec la Berenberg Bank le rapport très attendu « Euro Plus Monitor » qui mesure l’état d’avancement des réformes de chaque pays européen. Dans le dernier rapport, publié en décembre, la France n’arrivait que seizième sur vingt, loin derrière des pays tels que l’Espagne, la Grèce, l’Italie, le Portugal et Chypre pourtant touchés de plein fouet par la crise de l’euro. Si la France ne se reprend pas, elle pourrait même atteindre la dernière place du classement dans les trois ans à venir avertissent les experts.

Ces derniers recommandent dans leur rapport la mise en place de réformes structurelles sur le modèle allemand de l’Agenda 2010 mis en place par Gérard Schröder. Afin de faire redémarrer l’économie française, les experts économiques du Conseil de Lisbonne en appellent à la création d’un « Agenda 2010 à la française ». Ainsi, ils soutiennent la vision du gouvernement allemand, qui en appelle à une réforme profonde de l’économie française et à la mise en place de réformes permettant d’améliorer la compétitivité. Jusqu’à présent, le gouvernement français a peur de lancer des réformes. Il préfère se contenter de réformes isolées en matière de politique fiscale et sociale. Ainsi, les entreprises françaises devraient voir baisser leurs charges d’un montant de 20 milliards d’euros d’ici les trois prochaines années. En retour la TVA a augmenté de 19,6 % à 20 %. De plus longues périodes de cotisation et l’augmentation des cotisations de retraite devraient également permettre de combler le déficit de la caisse de retraite qui se compte en milliards. Cependant, l’opposition conservatrice considère que ces mesures ne vont pas assez loin et il est peu probable que le Conseil de Lisbonne se contente de cela pour être satisfait.

Un agenda 2010 à la française n’aurait pas de sens

Le chancelier allemand Schröder avait réformé le marché du travail allemand dans une période de reprise économique européenne et mondiale. La France, quant à elle, devrait faire face à cette tâche en période de crise. Les solutions proposées par le Conseil de Lisbonne sont celles que l’on prescrit à tous les États touchés par la crise de l’euro : économies, libéralisation, déréglementation. L’objectif majeur de cette recette est de consolider les budgets des États, et d’améliorer la compétitivité. Si à long terme ces réformes pourraient obtenir un véritable succès, à court terme elles aggravent la situation. Obliger les pays touchés par la crise de l’euro à entreprendre de telles réformes, c’est aussi courir le risque de voir l’économie française déjà chancelante plonger dans la récession.

Et dans cette situation, la politique des petits pas adaptés à la fiscalité et au social pourrait avoir de meilleurs effets que le lancement d’un gros paquet de réformes visant à améliorer à tout prix la compétitivité de la France. Cela s’inscrit également dans un contexte de reprise économique mondiale, permettant à l’économie française de souffler et aux dirigeants d’approfondir encore davantage leurs réformes structurelles.

Ce parcours hésitant et parsemé d’incertitudes n’est pas au goût des membres du Conseil de Lisbonne bien qu’il semble être l’unique voie envisagée par François Hollande. Des réformes plus profondes et plus sévères seraient susceptibles d’aggraver la situation économique mais surtout de mettre la politique du gouvernement en difficulté, ce qui bénéficierait à l’opposition et notamment au Front National dirigé par Marine Le Pen. Les réformes structurelles énoncées par le Conseil de Lisbonne ne peuvent être appliquées à la France si celle-ci ne retrouve pas le cours de la reprise économique. Et si tel était le cas, le prix à payer serait un renforcement du sentiment anti-européen.

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