Frontière franco-allemande : la bête noire des sociétés de transport
Si aujourd’hui l’idée de faire ses courses en Allemagne est devenue banale pour les Strasbourgeois, le franchissement de la frontière franco-allemande était autrefois le casse-tête des sociétés de transports.
En réponse aux contestations, les accords de Saarbrücken sont signés entre la France et la République Fédérale d’Allemagne, en 1984, afin d’assouplir les contrôles à la frontière franco-allemande. Cette signature marque le premier pas d’un accord plus vaste qui sera signé un an plus tard dans un petit village luxembourgeois.
Un projet trop ambitieux pour la communauté européenne
Quelques décennies après la consécration par le traité de Rome de la liberté de circulation des travailleurs, certains Etats européens ont vu en l’acte unique européen une opportunité d’étendre cette liberté.
L’article 8A de ce traité acte l’existence d’un espace sans frontières et consacre la liberté de circulation des personnes. Les Etats membres ont cependant refusé de faire rimer espace sans frontières et abolition des contrôles c’est donc une interprétation restreinte de l’article qui sera adoptée. Constatant que les membres de la communauté n’étaient manifestement pas prêts à s’engager dans un si haut degré d’intégration, c’est en dehors du cadre communautaire , dans le cadre d’un traité international que l’espace commun émerge.
Une adhésion rapide
La première convention cadre du futur espace commun est signée le 14 juin 1985 dans la commune de Schengen, symboliquement choisie pour son emplacement à la frontière entre la France, le Luxembourg et l’Allemagne. Ce premier accord compte 5 signataires, la France, l’Allemagne et les pays du Benelux. S’en est suivie cinq longues années de négociations et l’établissement d’une convention d’application, dont la mise en œuvre est ralentie par les réticences françaises. Les parlementaires français reprochaient, entre autres, le manque de transparence des négociations concernant l’accord. La convention signée en 1990 comptait déjà trois nouveaux signataires, l’Italie, l’Espagne et le Portugal et sera rejoint en 1992 par la Grèce.
Les contestations françaises sont au cœur de négociations tumultueuses
L’entrée en vigueur de la convention d’application nécessite cinq années supplémentaires dû aux tergiversations françaises. L’un des premiers conflits opposa la France (encore) aux Pays-Bas. La politique hollandaise se voyait reprocher son « laxisme » en matières de régulation des drogues. Cette querelle eut pour effet de repousser une nouvelle fois l’entrée en vigueur des mesures Schengen.
Pour ne rien arranger, le ministre de l’Intérieur français de l’époque, Charles Pasqua, était convaincu de la nécessité d’un renforcement ferme des mesures sécuritaires en France, ce qui en fit un des principaux opposants à l’assouplissement des contrôles aux frontières.
Les conséquences des événements de 1989 en Allemagne et en URSS ont renforcé les tensions sécuritaires que posait la libre circulation des personnes. L’espace Schengen devient effectif en 1995. Entre abolition des contrôles aux frontières, coopération policière et judiciaire et sans oublier le système d’information Schengen (SIS), l’espace commun attirera bientôt de nombreux voisins européens comme l’Autriche qui adhère en 1995 suivie du Danemark, de la Finlande, la Suède, l’Islande et la Norvège en 1997.
Sur le modèle d’autres espaces communs fondés avant la création de Schengen comme le Nordic Passeport Agreement établi en 1952 entre la Suède, le Danemark, la Finlande et la Norvège et l’Union économique Benelux datant de 1958, les Etats membres n’ont pas pu se résoudre à abandonner les clauses de rétablissements des frontières. Ces clauses traduisent la prudence avec laquelle les signataires veulent avancer vers l’intégration européenne.
Et la communauté européenne dans tout ça ?
C’est à travers le traité d’Amsterdam de 1997 que l’acquis Schengen est finalement intégré au droit communautaire. Cette avancée majeure pour l’intégration européenne se solde néanmoins par un bilan mitigé. L’Irlande et le Royaume-Uni, hostiles à Schengen, se voient accorder une clause d’opting-out leur permettant de ne pas être liés par l’acquis Schengen. Malgré cet échec, la communauté européenne apporte un cadre institutionnel ainsi qu’une compétence juridictionnelle qui manquaient cruellement à l’espace commun.
L’abolition des contrôles aux frontières connaîtra des reculs, des échecs et des contestations, mais force est de constater que l’espace Schengen a survécu aux crises successives. Cette étape importante de l’histoire européenne a contribué à la construction d’une identité commune pour ses citoyens. Les débuts tumultueux ont laissé place à un système abouti permettant les rencontres, le partage et l’échange sur le territoire européen.
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