La géopolitique de Poutine : un vent de Guerre Froide souffle sur le vieux continent

, par Valentine Hochart

La géopolitique de Poutine : un vent de Guerre Froide souffle sur le vieux continent
Avion de chasse Mig-29 polonais, le modèle qui aurait dû être livré à l’Ukraine dans le cadre de la guerre l’opposant contre la Russie (crédit : Pixabay)

Annexion de la Crimée, soutien aux dictateurs Loukachenko et Tokaev, invasion de l’Ukraine… ou comment Poutine serre la visse dans les pays de sa zone d’influence.

Bien que l’URSS ait disparu en 1989, le monde russophone reste particulièrement proche du gouvernement russe. Certains vont jusqu’à dire qu’aucune décision d’importance n’est prise au Kazakhstan et dans d’autres pays voisins sans consulter Moscou. Ce mode de fonctionnement rappelle bien entendu celui mis en place à l’époque du Pacte de Varsovie (1955) lorsque les pays satellites de la Russie n’avaient que peu de choix sur la marche à adopter.

Les événements qui se déroulent en Ukraine depuis sept ans dans la région du Donbass et actuellement dans le reste du pays sont dignes d’un scénario portant sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale : bombardements, occupation et propagande massive, résistance ou encore familles déchirées constituent le quotidien des Ukrainiens depuis bien trop longtemps. Mais pourquoi tant d’investissement de la part de Poutine ?

Le dirigeant russe souhaite tout d’abord montrer que son pays est puissant. La fédération de Russie a eu l’occasion de montrer sa puissance militaire tout au long du XXe siècle (c’est d’ailleurs grâce à son statut de vainqueur de la Seconde Guerre mondiale qu’elle a obtenu un siège au Conseil de Sécurité de l’ONU). Toutefois, la fin de l’URSS a laissé un goût amer et une sorte de complexe. En un sens, la Guerre froide ne s’est-elle pas simplement transformée en dichotomie entre pays démocratiques et pays non démocratiques ? D’un point de vue politique et militaire, la Russie soutient effectivement des pays que l’on peut qualifier de dictatures comme le Belarus ou le Kazakhstan. Si l’on prend la question du Belarus, Poutine est depuis longtemps le seul à avoir une certaine influence sur Loukachenko qui refuse tout dialogue avec d’autres acteurs politiques. L’actuelle crise migratoire montée de toutes pièces à la frontière entre la Pologne et le Belarus permet de déstabiliser l’UE et remettre en question le travail de Frontex. Par extension, le Belarus peut donc se venger du soutien apporté par les Etats européens aux opposants et opposantes politiques. Une déstabilisation de l’UE sert les intérêts russes car elle détourne temporairement l’attention de l’Ukraine. De plus, la Russie s’est rendue indispensable à certains états grâce à ses interventions militaires au Kazakhstan au mois de janvier ou grâce à ses milices Wagner au Mali poussant les troupes françaises à se retirer. Malheureusement, la puissance militaire de notre voisin russe ne fait que mettre en lumière la nécessité d’une plus grande coopération européenne dans ce domaine.

Parallèlement à ces interventions militaires, la Russie tire de nombreuses ficelles en matière de géopolitique : avec la Chine, elle fait partie des États non-démocratiques décomplexés. Il est difficile d’entrer en négociations avec Vladimir Poutine pour de nombreuses raisons mais nous ne pouvons qu’avoir en tête le fait que ce dirigeant est à la manœuvre depuis des décennies, - et le restera sûrement des années encore. Dans quel état d’esprit un dirigeant en fonction pour cinq ans comme le Président français ou quatre ans pour le Président américain peut-il entrer en négociations avec un dirigeant qui était déjà au pouvoir lorsque la guerre du Donbass a éclaté ?

D’un autre côté, la Russie joue le jeu des occidentaux et des Etats démocratiques étant membre du Conseil de l’Europe (où elle vient de perdre son droit à la représentation). Depuis quelques temps, elle dépose régulièrement des plaintes contre l’Ukraine auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme. Selon elle, l’Ukraine ne respecterait pas les droits des citoyens du Donbass et imposerait des mesures discriminantes envers les entreprises russes ayant des activités en Ukraine. Court-circuiter la CEDH ainsi, peut être perçu comme une manière de prouver aux états démocratiques que leur système présente des failles et ainsi légitimer son propre mode de fonctionnement. Quant aux négociations récentes avec Vladimir Poutine, l’UE doit avancer et répondre d’un bloc pour prouver qu’elle est unie et aussi puissante politiquement, économiquement que la Russie. Il est vrai que la coopération européenne en matière de défense a encore du chemin à faire mais la crise ukrainienne pourrait également être une opportunité pour l’UE de revenir sur l’idée d’une Communauté Européenne de Défense (CED) qui avait été abandonné en 1950 à la suite du refus de l’Assemblée Nationale française de ratifier le traité l’instituant. C’est par exemple la première fois de l’histoire que l’Union Européenne va contribuer à l’achat d’armes et de matériel de guerre auprès d’un pays tiers en versant 450 millions d’euros à l’Ukraine dans ce but.

En conclusion, Poutine a su démontrer que la Russie est toujours un pays d’importance majeure en matière de relations internationales car bien que des sanctions économiques aient été prises à son encontre par le passé, ses ressources naturelles et militaires restent indispensables à bien des Etats – y compris des Etats européens et la décision de se passer du gaz russe est très récente. Ce constat nous pousse à scruter les moindres mouvements des dirigeants de l’UE car elle a aujourd’hui l’opportunité et le devoir de montrer qu’elle est également une puissance capable de se faire entendre et de porter ses valeurs de paix et de démocratie à l’international.

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