La place du jeu vidéo dans la politique numérique européenne

, par Thibald Poncet

La place du jeu vidéo dans la politique numérique européenne

Parmi les sujets d’actualité brûlants de l’Union européenne figure celui de son rôle dans le numérique. Entre régulation et souveraineté, l’Union veut en effet être un acteur fort face aux géants américains et chinois, afin d’avoir une influence forte sur les enjeux en cause.

La question du numérique est incontournable et présente des aspects multiples : environnement (pollution générée par les activités en ligne et la production des composants électroniques), démocratie et libertés individuelles (haine en ligne, fake news, respect des données personnelles), économie et géopolitique (comment peser face à des géants du web tels que les GAFAM et BATX), etc.

Ainsi, les dirigeants européens prônent de plus en plus une « autonomie stratégique » de l’Union, comme en attestent par exemple les récentes déclarations du commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton, et de la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen à propos du projet de législation sur les services numériques ("Digital Services Act"), qui vise à une meilleure régulation des plateformes en ligne. Ce projet devait être publié le 2 décembre dernier mais cette date a été reportée. Bien que n’étant pas un des sujets principaux de ce défi numérique, le secteur du jeu vidéo n’en reste pas pour autant inchangé.

Jeu vidéo et pollution ; le regard de l’Union européenne

Le jeu vidéo est une activité dénoncée par certaines associations environnementales comme polluante. En effet, les connexions et les stockages de données sur les serveurs nécessitent beaucoup d’énergie, et dégagent beaucoup de chaleur. De plus, le développement important des activités de streaming (comme sur la plateforme Twitch par exemple), fortement marqué par le confinement où de plus en plus de personnes se sont occupées via les jeux vidéo, participe aussi à ces échanges de données, nécessitant beaucoup d’énergie.

De même, les consoles de jeu sont également pointées du doigt : Microsoft, Sony et Nintendo sont ainsi critiqués pour le coût environnemental de leurs appareils, qui ne sont pas concernés par la directive européenne de 2009 « écoconception » ou « ErP » (energy-related products), cette dernière visant à diminuer l’impact environnemental des appareils électriques et électroniques grâce à une meilleure conception en amont. En réponse à ces critiques, les constructeurs ont signé un accord volontaire de leur propre initiative le 31 mars 2020, s’engageant à limiter leur impact sur l’environnement. Si la Commission semble s’en satisfaire, certains organismes de protection de l’environnement et des consommateurs voient cet accord volontaire d’un mauvais œil, estimant qu’il permet de se dérober à de véritables contraintes.

Le jeu vidéo, terrain de lutte de l’Union européenne contre la haine sur Internet En-dehors des considérations environnementales, le jeu vidéo est également visé dans le cadre du Digital Services Act, à propos de la lutte contre la haine sur Internet. Comme sur les réseaux sociaux, les contenus haineux sont également présents dans les jeux vidéo, en particulier dans le cadre des parties en ligne. Cependant, le secteur du jeu vidéo a aussi reçu des critiques quant à la propagation d’idées d’extrême droite et de contenu terroriste. C’est ainsi qu’en novembre dernier, Gilles de Kerchove, coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, s’est exprimé sur le danger d’une utilisation des jeux vidéo pour diffuser des idéologies dangereuses, ou également pour laver de l’argent sale, par le biais des monnaies virtuelles.

Le jeu vidéo, d’apparence légère ou innocente, pourrait ainsi devenir un des terrains de lutte contre la haine en ligne. Toutefois, malgré l’intention fortement affichée de l’Union européenne de devenir un acteur influent dans le domaine numérique, et donc par la régulation et le contrôle des échanges en ligne, la tâche semble déjà difficile, tant les rapports sociaux numériques sont extrêmement complexes à gérer (détournement d’adresses IP, identités mouvantes, difficulté de la transnationalité des situations, etc).

Ainsi, bien que restant minoritaire, le domaine des jeux vidéo reste un sujet auquel l’Union européenne s’attache, plus dans une volonté de régulation que de contrôle strict. D’une manière générale, les jeux vidéo font de plus en plus partie du quotidien d’un nombre croissant de personnes, devenant donc un sujet d’intérêt de l’Union vis à vis de ses citoyens européens. De plus, le développement de sociétés mastodontes dans l’industrie vidéoludique aboutit nécessairement à ce que l’Union se penche sur le sujet, par exemple par rapport au droit de la concurrence (cf le conflit entre Epic Games et Apple sur l’usage exclusif du paiement par Apple sur le jeu Fortnite) ou droit des consommateurs (réglementation des plateformes d’e-commerce en confrontation au marché d’occasion de Steam et de leur pratique du droit à la rétractation). Reste à voir quelle sera la capacité de l’UE à se dresser face à des géants du numérique américains…

Sujet initialement publié dans la revue lyonnaise du Taurillon, le Taurilyon !

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