Un tournant dans l’action internationale de l’Union européenne
Josep Borrell, exposait les finalités et motivations de son action, en préambule de la Boussole Stratégique, en s’affirmant « convaincu » de la nécessité d’« être ambitieux » et « axés sur les résultats ». Le Haut Représentant assénait : « Il est souvent plus facile de parler - et d’être en désaccord - en termes abstraits, que d’agir et de s’entendre sur la façon de faire les choses en termes concrets. Cette attitude, nous ne pouvons plus nous la permettre ».
Adoptions de dix trains de sanctions, livraisons d’armes à travers la Facilité européenne pour la paix, perpétuation d’une structuration doctrinale par l’approbation de la Boussole Stratégique, déclarations fracassantes qui inscrivent une rupture conceptuelle, le mandat de Josep Borrell a marqué un tournant dans l’action internationale de l’Union européenne.
Malgré des moments délicats, comme une visite chaotique à Moscou le 5 février 2021, véritable déroute pour le Haut Représentant, Josep Borrell en diplomate chevronné a maintenu sa volonté de construire la puissance créatrice de l’Union européenne, et a finalement su employer les leviers opérants à sa disposition, pour affronter la puissance révolutionnaire russe. Dans la Boussole Stratégique , le Haut Représentant observait que ce « que l’UE a réussi à faire face à l’invasion de la Russie, c’est avant tout d’utiliser de façon cohérente l’ensemble des politiques et des leviers dont elle dispose comme instruments de puissance » .
Un ordre mondial révolutionnaire
Dans sa thèse A World Restored : Metternich, Castlereagh and the Problems of Peace 1812-1822, le docteur Henry Kissinger écrivait : « Chaque fois qu’il existe une puissance qui considère l’ordre international ou la manière de le légitimer comme oppressif, les relations entre elle et les autres puissances seront révolutionnaires ».
Lors de la 43ème Conférence de Munich sur la sécurité, le 10 février 2007, Vladimir Poutine chargeait les États-Unis et introduisait la Russie comme une puissance révolutionnaire. L’exigence d’une sécurité absolue exprimée par le maître du Kremlin, ne semble plus pouvoir être maîtrisée. La guerre et la course aux armements ont remplacé les règles qui avaient résulté d’une forme de statu quo. Nous sommes entrés dans un ordre mondial révolutionnaire, tel que défini par Henry Kissinger, où la diplomatie se révèle paralysée, car la Russie ne reconnaît plus la légitimité d’un système international, qu’elle considère comme oppressif. La suspension de l’adhésion russe au traité New START sur le contrôle des armements nucléaires, proclamée par Vladimir Poutine le 21 février 2023, perpétue un mouvement de dissidence.
« Nous vivons une crise, il faut être en mode crise »
Cette transformation avait échappé à l’expertise des diplomaties européennes et avait empêché une juste anticipation du conflit, qui débutait le 24 février 2022. Même si les États-Unis annoncèrent une offensive russe en Ukraine, les Occidentaux n’ont pas été en mesure de dissuader Vladimir Poutine, dans l’intensification de son processus dévastateur. Toutes les règles traditionnelles sont désormais ébranlées et la créativité devient une dimension fondamentale de l’efficience, afin d’enrayer l’accomplissement d’un renversement destructeur.
Le 10 octobre 2022, après avoir précisé aux ambassadeurs de l’Union, que ce n’était pas « un moment où nous allons vous envoyer des fleurs à tous en disant que vous êtes beaux, que vous travaillez très bien et que nous sommes très heureux, que nous sommes une grande famille », Josep Borrell conviait ses équipes à démontrer davantage d’efficacité, de vélocité et de réactivité, afin d’affronter un ordre mondial révolutionnaire :
« Je veux que vous soyez plus réactifs, 24 heures sur 24. Nous vivons une crise, il faut être en mode crise. Expliquez ce qui se passe - rapidement, immédiatement. Même si vous n’avez pas toutes les informations sur les premières heures, montrez que vous êtes là. Je devrais être le gars le mieux informé au monde. Comme vous êtes tous dans le monde entier, je devrais être la personne la mieux informée au monde – au moins autant que n’importe quel ministre des Affaires étrangères ».
Accroître la pression sur la Russie : l’adoption d’un dixième train de sanctions
Le 20 février 2023, Joe Biden effectuait une visite surprise à Kiev, en Ukraine, où il retrouvait le Président ukrainien Volodymyr Zelensky. Le lendemain, le 21 février 2023 à Varsovie, Joe Biden proclamait : « Notre soutien à l’Ukraine ne faiblira pas, l’OTAN ne sera pas divisée et nous ne nous lasserons pas ». Si l’Alliance atlantique représente incontestablement une entité supra-étatique prééminente, sa charge demeure cependant essentiellement dissuasive. Une volonté qui avait été réaffirmée par le Chancelier allemand Olaf Scholz, lors de sa déclaration gouvernementale sur l’année écoulée, prononcée devant le Bundestag, le 2 mars 2023 : « Dans le même temps, nous faisons attention, à chacune de nos décisions, à ne pas faire de l’OTAN un belligérant ».
Le nouveau concept stratégique de l’OTAN , adopté le 29 juin 2022, établissait que « L’Union européenne est pour l’OTAN un partenaire incontournable et sans équivalent. Les pays membres de l’OTAN et ceux de l’Union européenne partagent les mêmes valeurs. Les deux organisations jouent des rôles complémentaires, cohérents et se renforçant mutuellement au service de la paix et de la sécurité au niveau international ».
Les Européens ont généré une action hors limites créatrice, afin d’accroître les capacités de l’Ukraine, tout en évitant l’escalade de la cobelligérance et s’inscrivant ainsi dans la pensée de Sun Tzu : « Être victorieux dans tous les combats n’est pas le fin du fin ; soumettre l’ennemi sans croiser le fer, voilà le fin du fin ». Depuis le début de la guerre, 67 milliards d’euros ont été engagés par l’Union européenne et ses États membres, afin de soutenir et aider l’Ukraine. Le 25 février 2023, le Conseil de l’Union européenne, sous la présidence de Josep Borrell, adoptait un dixième train de sanctions économiques et individuelles, à l’encontre de la Russie. Le Conseil décidait également d’engager des mesures restrictives contre le groupe Wagner « en raison de la dimension internationale et de la gravité des activités du groupe, ainsi que de son effet déstabilisateur sur les pays dans lesquels il intervient ».
Josep Borrell annonçait : « Nous continuerons à accroître la pression sur la Russie - et nous le ferons aussi longtemps que nécessaire, jusqu’à ce que l’Ukraine soit libérée de cette violente agression russe ».
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