Le budget français en sursis ?

, par Hervé Moritz

Le budget français en sursis ?
Michel Sapin devra revoir sa copie ou écopera d’un bonnet d’âne. - Parti socialiste

Aujourd’hui, Bercy remet sa copie à la Commission européenne, chargée de veiller à l’application des règles budgétaires européennes. Rumeurs, critiques, tractations dans les couloirs de Bruxelles, le moins que l’on puisse dire, c’est que le budget français 2015 fait jaser. Un nouveau report des réformes structurelles, retardant l’abaissement du déficit, inquiète Bruxelles, qui doit décider des mesures à prendre à l’égard de la France.

Déjà en débat depuis hier à l’Assemblée nationale, le budget français suscite depuis plusieurs semaines de nombreuses réactions en Europe. Alors que le dossier complet arrive à ce jour sur le bureau de la Commission européenne, pour quelques jours encore sous la direction de José-Manuel Barroso, les premières critiques et réserves se sont déjà exprimées dans la presse. Michel Sapin, ministre des finances, l’a annoncé depuis plusieurs semaines, le budget 2015 ne respectera pas les engagements européens consentis par la France. Et il a décidé de retarder les efforts, qu’impose la discipline budgétaire européenne. La Commission osera-t-elle pour autant demander à Paris de revoir sa copie ?

Le son de cloche de Michel Sapin

Alors que la France avait garanti à ses partenaires européens un abaissement du déficit français sous la barre sacrosainte des 3% du PIB, le gouvernement prévoit un déficit de 4,3% pour 2015 (4,4% en 2014) et reporte l’objectif des 3% à 2017. Le non respect du Pacte de stabilité, souhaité et approuvé par la France, pourrait conduire la Commission européenne à prendre des mesures. La Commission risque de demander à Michel Sapin de corriger le tir et d’accentuer les efforts en opérant des réformes structurelles ou en accroissant davantage la pression fiscale : malgré les raisons invoquées par Paris de cette pause dans la réduction du déficit, Bruxelles ne peut laisser passer ce budget, qui sonne comme un déni français.

Pourtant, Michel Sapin a annoncé qu’il ne reverrait pas son budget, sommant la Commission de le valider et la mettant au défi de rejeter son budget. Manuel Valls, le Premier ministre français, a soutenu son ministre des finances dans un excès de souverainisme primaire, clamant que la grandeur de la France justifiait qu’elle puisse ainsi bafouer les règles, qu’elle a elle-même adopté. Malgré les murmures qui circulent dans les milieux économiques européens et internationaux, le ministre français n’a pas l’intention de reculer, obligeant la Commission à monter au créneau. Or, ni José-Manuel Barroso, qui termine son mandat à la fin du mois, ni la nouvelle équipe du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, n’a le désir d’engager un rapport de force avec le gouvernement français.

La Commission va-t-elle engager un bras de fer avec la France ?

A la suite des traités renforçant la gouvernance budgétaire européenne, permettant aux commissaires de se prononcer sur les budgets des Etats membres dont le déficit est excessif, la Commission pourra demander à la France de modifier son budget et sa feuille de route. Il semblerait qu’une baisse du déficit d’au moins 0,5%, voire de 0,8%, soit exigé concernant le budget 2015. En cas de refus du gouvernement Valls, la Commission a la capacité de sanctionner la France par des amendes pouvant aller jusqu’à plusieurs milliards d’euros. Cependant, il est peu probable que la nouvelle Commission souhaite engager une guerre ouverte.

De plus, Pierre Moscovici, récemment conforté à son poste de commissaire en charge des affaires économiques et financières, devrait être dès novembre le nouveau gendarme de la zone euro. Contrôlant les budgets des Etats en difficulté, il pourrait engager des procédures contraignantes à l’égard de la France. Michel Sapin compte sur l’indulgence du commissaire français, ancien ministre de l’Economie. Mais Jean-Claude Juncker ne laissera pas le commissaire français y aller avec le dos de la cuillère.

La voix de la sagesse : celle d’Emmanuel Macron

Cacophonie à Bercy, il semblerait que le ministre de l’Economie ait bien compris la situation. Ne souhaitant pas engager de bras de fer avec Bruxelles, qui serait nuisible tant à l’Etat français qu’à l’image déjà écorchée de la Commission européenne en France, Emmanuel Macron a affirmé qu’il planchait déjà sur de nouvelles réformes structurelles, évoquant notamment la piste de l’assurance chômage ou de professions réglementées. Le banquier de Bercy, qui a rassuré les partenaires européens par ses annonces, a appelé l’Europe à s’engager pour la relance de l’économie. Alors qu’aucune mesure concrète sur l’emploi n’a été envisagée lors du sommet européen de Milan, le 8 octobre dernier, un sommet souhaité par Matteo Renzi et les sociaux-démocrates européens, le ministre français de l’Economie demande à l’Union européenne d’accélérer la relance. Si les Etats doivent se serrer la ceinture, c’est à l’Europe d’œuvrer pour un New Deal européen.

Emmanuel Macron demande ainsi à l’Union européenne d’engager des investissements importants au niveau européen dans les six mois pour inverser la tendance économique, actuellement morose dans l’ensemble de la zone euro : « Tout le monde y gagnera, alors qu’aujourd’hui, tout le monde est perdant – le ralentissement de l’économie allemande en est une nouvelle preuve. », déclarait-il dimanche à nos confrères du JDD, ajoutant que « nous avons six mois pour créer une nouvelle donne en France et en Europe ». Pour cela, il a plaidé pour l’usage rapide des 300 milliards d’euros d’investissement promis par Jean-Claude Juncker, investissements dont l’enveloppe sera gérée par Pierre Moscovici, le commissaire français.

Michel Sapin a fini par se ranger dans le camp de son collègue en déclarant qu’un nouvel effort pouvait être envisagé pour accentuer les 21 milliards d’euros d’économies prévus initialement. Le clash devrait ainsi être évité.

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Vos commentaires
  • Le 15 octobre 2014 à 15:49, par Alain En réponse à : Le budget français en sursis ?

    « New deal européen », il a fumé la moquette, l’UE ne peut s’endetter, l’argent vient des états qui rognent déjà son budget au point qu’elle ne peut plus honorer ses factures. On se demande bien d’où viendront les 300 Mia promis par Juncker. La BEI elle-même ne prête qu’avec des élastiques ....

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