Une jeunesse sous le signe de l’engagement
Louise Weiss naît en 1893 dans une famille bourgeoise à Arras, d’une mère juive et d’un père protestant, tous deux Alsaciens. À l’encontre des coutumes de son époque et de l’avis de son père, elle suit des études et devient agrégée de lettres, puis diplômée de l’Université d’Oxford à 21 ans. L’année de l’obtention de son diplôme, 1914, est marquée par le début de la Première Guerre mondiale. La jeune diplômée décide alors qu’elle ne deviendra pas enseignante et s’engage pour soutenir l’effort de guerre en créant un dispensaire à destination des soldats blessés. En parallèle, elle commence sa carrière de journaliste.
Louise Weiss, militante européenne méconnue…
L’horreur de la Première Guerre mondiale et son appétence pour le journalisme la pousse à participer à la création en 1918 de l’hebdomadaire d’information internationale « L’Europe nouvelle ». Elle en devient la rédactrice en chef jusqu’en 1934, et la revue diplomatique gagne vite une reconnaissance dans le milieu des affaires internationales. Pour la jeune journaliste, la paix ne peut être atteinte que par l’unification de l’Europe.
L’engagement européen de Louise Weiss passe aussi par son vécu, ses voyages et ses rencontres. En 1916, après avoir fait la connaissance de Milan Stefanik, un jeune Slovaque naturalisé français ainsi que d’Édouard Benes, le responsable de l’émigration tchèque à Paris, elle commence à porter un grand intérêt à l’idée d’une Tchécoslovaquie indépendante de l’empire des Habsbourg. Elle entreprend alors, dès 1919, de voyager en Europe centrale, puis choisit de découvrir la Russie. Pendant son séjour à Moscou en 1921, elle rencontre Trotski à plusieurs reprises mais ne parvient jamais, malgré bien des efforts, à rencontrer Lénine.
L’engagement européen de Louise Weiss concernait le continent européen dans son entièreté et ne s’arrêtait pas à l’Europe occidentale. Pourtant, elle était convaincue que la construction européenne devait d’abord être amorcée par la réconciliation franco-allemande. Marquée par la Première Guerre mondiale, elle n’avait pas oublié le rôle de l’Allemagne, mais s’inquiétait de l’absence de garanties de paix et par la non-ratification du traité de Versailles par les États-Unis : la paix fragile au niveau de la frontière germano-polonaise était une autre de ses préoccupations.
Couvrant régulièrement, en tant que journaliste, l’actualité de la Société des Nations, elle prend rapidement position pour le « protocole de Genève », qui était alors le premier texte international prohibant l’utilisation des armes chimiques et biologiques. Elle couvrira par ailleurs le projet d’une « union fédérale européenne » d’Aristide Briand qui lui redonna espoir concernant la construction de la paix en Europe - bien que le projet devienne vite obsolète avec les premiers succès électoraux du NSDAP. Louise Weiss créa la « Nouvelle École de la Paix » dans une dernière tentative avant d’abandonner tout espoir européen face à l’Allemagne d’Hitler.
... Et une combattante pour le droit de vote des femmes
Déjà très jeune, Louise Weiss prend conscience de la condition des femmes : elle tente de combattre ces inégalités en suivant des études ou par les milieux journalistes et intellectuels qu’elle fréquente. Les réflexions féministes de Louise Weiss s’imprègnent de ses séjours en Russie : la place et la liberté des femmes dans la société bolchévique la marque à tel point qu’elle envisage un temps de s’installer à Moscou, avant de se raviser et d’opter pour le libéralisme occidental.
L’année 1934 marque par conséquent une pause dans son engagement européen, mais aussi le début d’un nouvel engagement, celui en faveur de l’égalité entre les genres. Elle fonde l’association « La femme nouvelle » qui milite pour le droit de vote des femmes. Elle organise et participe à de nombreuses actions favorisant l’émancipation des femmes de toutes classes sociales. Elle entend faire évoluer l’action féministe comme le montre bien cette citation extrait de son ouvrage Ce que femme veut : souvenirs de la IIIe République : « c’est à coups de pied qu’il faut sortir le féminisme des quelques salons où il se pavane et des ligues orthodoxes où il se momifie ». Bien que se sachant inéligible de par sa condition de femme, elle tente de se présenter à plusieurs élections, dont les législatives. Léon Blum lui proposa un poste de Ministre qu’elle refusa, car bien que cherchant à faire entrer les femmes dans la sphère politique, elle se battait pour pouvoir être élue et non nommée. Il faudra attendre 1944 pour que les Françaises se voient accorder le droit de vote et l’éligibilité aux mêmes conditions que les hommes.
Probablement en avance sur son époque lors de l’entre-deux-guerres, Louise Weiss paraît par la suite bien plus conservatrice. Elle s’oppose fortement à la loi Veil, et compare dans sa Lettre à un embryon l’avortement à la peine de mort.
Les dernières années de sa vie, une consécration européenne
En 1979, lors des premières élections au suffrage universel direct du Parlement européen, le RPR cherche des femmes pour compléter la liste. Dans ce parti opposé à toute supranationalité européenne et à l’élection du Parlement européen au suffrage universel, Louise Weiss fait office de « caution européenne ». Parfois considérée, lors de cette campagne, comme la rivale de Simone Veil qui conduit la liste UDF, elle en refuse le rôle, évoquant le respect qu’elle éprouve envers cette dernière. Elle sera positionnée en cinquième position sur la liste, puis élue au Parlement Européen à 86 ans. Elle en est alors la doyenne, et se voit de ce fait octroyer l’honneur d’effectuer la première allocution et de présider la séance constitutive du parlement. Elle cède ensuite le pouvoir à Simone Veil, élue présidente de ce nouveau Parlement.
Louise Weiss décède avant la fin de son mandat en 1983. À peine plus de quinze ans plus tard, le Parlement européen nomme le bâtiment strasbourgeois abritant l’hémicycle « Louise Weiss ».
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