Par une crise diplomatique, le Bélarus a une fois de plus fait la une des journaux francophones. En effet, fin février, suite à la décision de l’Union européenne d’élargir la liste de sanctions contre les bélarusses impliqués dans la répression des élections de décembre 2010, Loukachenka demanda au représentant de l’UE et à l’ambassadeur polonais de quitter le pays pour consultations avec leurs supérieurs. Dans un esprit de solidarité, l’ensemble des pays membres de l’UE rappelèrent leurs ambassadeurs depuis Minsk et convoquèrent les ambassadeurs bélarusses pour qu’ils s’expliquent avec leurs Ministre des Affaires Étrangères respectifs.
En outre, Minsk a interdit à 108 activistes de l’opposition, dont certains se sont déjà vus confisquer leurs passeports en essayant de passer la frontière vers la Lituanie ou la Pologne, de quitter le pays. Certains de ceux ou celles qui auraient pu être sur cette liste sont à l’abri du KGB bélarusse. Cependant, pour deux d’entre eux, bien qu’ils soient accueillis en France, le souvenir du passé les poursuit. Comme ils nous l’ont confié, le KGB peut se cacher derrière un numéro masqué. Mais arrive-t-on à se débarrasser de l’ombre du passé ? Autour d’un café, ils se livrent à un témoignage dont on apprend comment, sur fond de crises internationales et persécutions internes, la vie continue dans une ville de France lambda.
Les enjeux internationaux
Non seulement le Bélarus a été absent au Sommet du 5 mars organisé par les quatre pays du Groupe de Viségrad à Prague pour un rapprochement avec les pays membres du Partenariat oriental, mais il a réussi à convaincre ses partenaires de l’Union douanière d’adopter une résolution critiquant les sanctions européennes. L’évolution de cette autre organisation régionale, l’aide apportée par la Russie sous forme d’un prêt de presque dix milliards pour la construction d’une centrale nucléaire au nord du Bélarus, ainsi que la pénétration de la Russie dans le processus de privatisation ; nous mènent à nous questionner sur l’impact des sanctions européennes dans les relations entre le Bélarus et la Russie. La réponse, écrit-on cette semaine, est encore moins évidente du fait que des solutions multiples peuvent être envisagées, notamment depuis le retour de Vladimir Poutine à la présidence de la Fédération russe.
Le Bélarus semble chercher depuis un moment des alternatives parmi des partenaires tiers puisque certaines conditions de Moscou peuvent irriter Loukachenka. Trouvera-t-il un appui de confiance en Chine ou au Venezuela ? L’analyse montre que ces relations ne sont fondées sur aucune conditionnalité mais seulement sur l’intérêt économique.
Par défaut de réformes et sans une aide financière pour nourrir les rêves de Loukachenka d’une économie à la soviétique, l’un des deux piliers sur lesquels est fondé le régime risque de s’effondrer. Le contrat social que le président a signé avec la population pour qu’il ait son soutien, semble être mort, explique David Marples. Il ne reste à l’appareil étatique qu’à miser sur la répression. Là encore Loukachenka ne se cache plus et déverse sa colère contre ceux que la justice bélarusse a condamné à la peine de mort pour avoir orchestré et accompli l’attentat du métro minskois. Le président n’a pas voulu montrer de clémence envers les deux jeunes hommes et beaucoup croient qu’ils seraient déjà exécutés.
Mais si l’espoir meurt en dernier, l’opposition se disperse déjà dans la perspective des élections législatives de cet automne. Peut on les condamner quand la fraude électorale y est devenue monnaie courante ? Un témoignage à la veille de la tempête qui a suivi les élections présidentielles de décembre 2010, éclaire la position d’au moins une partie de l’opposition.
Des sanctions économiques ?
Quant à l’économie, les États membres de l’Union douanière ne devraient pas subir de sanctions financières de la part de l’UE, du fait des oppositions à l’intérieur des pays et entre les acteurs politiques. Mais elles n’auront de toute façon pas l’effet escompté. Si la population souffre, ce n’est pas à cause de la politique européenne quelque part soucieuse du respect des droits humains, mais parce que l’économie n’a été alimentée jusqu’ici qu’à partir d’emprunts et de subventions russes. Deux analyses d’avant et après décembre 2010 montrent qu’il n’y a pas eu de miracle. Pour le moment, dans un pays où l’inflation atteignait en décembre 2011 les 108%, la Banque centrale vient d’introduire un nouveau billet d’une valeur de 200.000 roubles bélarusses.
Cependant, beaucoup d’autres thèmes pourraient être abordés, notamment à propos des relations avec les États-Unis qui viennent d’adopter en décembre dernier le Belarus Democracy Act accompagné de nouvelles sanctions. Nous pourrions mentionner la réussite de Viktoria Azarenka – gagnante du tournoi du Grand Chelem de tennis en Australie. Ou encore discuter des expressions mémorables du Président Loukachenka qui se préoccupe plus de la vie privé de ses homologues étrangers, que de ce qui se passe dans son pays. Ainsi pour certains bélarusses qui le soutiennent, attaquer quelqu’un pour le simple fait d’être homosexuel est non seulement dicté par la conscience chrétienne mais est aussi un droit démocratique.
Il en résulte un mille feuilles dont la compréhension sera facilitée, par ce deuxième dossier spécial sur le Bélarus. Chaque jour une couche sera dévoilée pour que le Bélarus ne soit plus seulement « la dernière dictature d’Europe ».
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