« Notre futur dépend de celui du continent africain »
Le Plan Mattei hérite son nom d’Enrico Mattei, fondateur du groupe énergétique italien ENI, protagoniste du miracle économique de l’après-guerre, choix de nom stratégique à l’initiative de Giorgia Meloni. En effet, le sommet Italie-Afrique constitue le premier rendez-vous international que Rome accueille alors que le pays est à la tête du G7. C’est dans ce contexte que Mme Meloni rend l’Afrique protagoniste de la politique étrangère italienne, en désignant dans ce continent de “théâtre de l’avenir européen”.
« L’Afrique est un continent qui peut et doit surprendre, mais qui a besoin de pouvoir rivaliser à armes égales dans le contexte mondial ». C’est par ces mots que le gouvernement italien se pose en principal garant de l’Afrique, en allouant 5,5 milliards d’euros pour assurer la bonne réussite du plan Mattei. Le partenariat est conçu par Mme Meloni comme paritaire et mutuellement bénéfique, et non comme une énième politique prédatrice européenne. Il prévoit la réalisation de plusieurs projets dans 5 zones d’intervention : éducation et formation professionnelle, santé, accès à l’eau, énergie et agriculture. Son objectif est double : il vise d’une part à créer plus d’emplois en Afrique et d’autre part à réduire l’immigration illégale vers l’Italie et plus généralement vers l’Europe. Plusieurs projets pilotes sont déjà actifs et impliquent 12 sociétés dans 6 pays africains : Maroc, Kenya, Algérie, Mozambique, Égypte et Éthiopie.
La présidente du Conseil italien se montre bien consciente du rôle géopolitique de la péninsule italienne. Elle semble également avoir compris que la propagande qu’elle faisait avant de gouverner le pays, qui consistait en la fermeture pure et simple des ports italiens aux migrants, était tout bonnement irréalisable. En effet, les données du ministère de l’Intérieur italien montrent qu’en 2023 les migrations irrégulières ont augmenté de 50% par rapport à l’année précédente. Un coup pour le gouvernement Meloni.
L’Union européenne approuve le projet
La stratégie du gouvernement italien a reçu le plein soutien des trois principales institutions de l’UE. Leurs représentants ont même participé au sommet auprès de Palazzo Madama [siège du Sénat de la République italienne, N.d.A.]. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a ainsi commenté : « Le nouveau Plan Mattei représente une contribution importante à la nouvelle phase de notre partenariat avec l’Afrique et s’intègre avec le European Global Gateway ». Il s’agit d’une stratégie pluriannuelle de 300 milliards d’euros que l’Union européenne a développée dans le but de renforcer les infrastructures en Afrique, dans le Pacifique et en Amérique latine. Dans ce cadre, les investissements sont réalisés dans les pays partenaires pour leur assurer des avantages durables, sur le plan social et économique, conformément aux valeurs de l’UE.
Le plan Mattei s’intègre parfaitement dans les stratégies de la politique étrangère européenne. Cela même, alors que les Etats membres de l’UE restent toujours aussi divisés quant à la question migratoire. Le président du Conseil européen, Charles Michel, et la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, ont également exprimé leur appréciation et même des remerciements à Mme Meloni et à son gouvernement pour l’élaboration d’un tel plan.
Faki : « Nous aurions souhaité être consultés »
Le président en exercice et le président de la Commission de l’Union africaine, qui se trouvaient être parmi les protagonistes du sommet, se sont exprimés de manières différentes. Le premier, Azali Assoumani, a défini l’événement comme « un succès » par rapport à la recherche de nouvelles relations paritaires avec l’Italie et l’UE. Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, a quant à lui critiqué la dimension unilatérale du Plan Mattei : « Nous aurions souhaité être consultés ». Cette critique résulte de la crainte de énièmes promesses faites par les pays européens, qui souvent ne tiennent pas leur parole, ou même qui ne visent qu’à satisfaire leurs propres intérêts. Toutefois, M. Faki a affirmé que l’Afrique serait prête à discuter des contenus et des modalités de mise en œuvre du dit Plan.
Entretemps, l’opposition au sein du parlement italien a exploité l’argument de la méfiance de l’Union africaine envers l’UE pour prédire l’échec du projet. Cela s’inscrit dans un contexte d’une gestion discutable de la crise migratoire de la part des partis populistes qui, auparavant, plaidaient pour la fermeture des ports nationaux. Il faut notamment mentionner le récent accord conclu avec l’Albanie qui prévoit le déplacement des migrants sauvés en mer vers deux centres d’accueil dans le pays balkanique. Cette stratégie, élaborée afin de ne pas surcharger les centres d’accueil italiens, rappelle d’autres politiques menés en Europe, comme le Plan Rwanda du Premier ministre du Royaume-Uni, Rishi Sunak, conçues pour durcir les frontières et l’accès au territoire britannique.
Le Plan Mattei : une boîte ouverte ou un plan dépouillé ?
À la fin du sommet, la présidente du Conseil italien a défini le nouveau partenariat d’ « une boîte ouverte », en réponse aux doutes soulevés par le président de la Commission de l’UA. En utilisant cette expression, Mme Meloni a voulu encore une fois souligner l’aspect collaboratif et paritaire du Plan Mattei. Afin de dissiper toute incertitude sur les intentions de Rome, elle a mis l’accent sur les négociations bilatérales entre l’Italie et les pays africains, démarrées au lendemain du sommet. Toutefois, les contenus du partenariat restent encore flou. Une situation engendrant encore une fois des doutes sur l’efficacité du plan, qui ne reste donc qu’une stratégie générale à qualifier et négocier au cas par cas. Mme Meloni cherche sans doute à transmettre un message aux citoyens et aux institutions européennes peu de temps avant les élections européennes de juin. Le gouvernement de droite radicale se dit être capable de gérer la question migratoire en durcissant les frontières et en limitant l’accès des personnes migrantes au sol européen. Reste à voir dans le futur si la réponse apportée est la bonne.
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