Le Printemps européen lançait sa campagne à Bruxelles le 25 mars

, par Lorène Weber, Traduit par Yasmina Ben Lagha

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Le Printemps européen lançait sa campagne à Bruxelles le 25 mars
Photo : Julien Bourgeois

Le 25 mars 2019, le parti transnational et paneuropéen du « Printemps européen », mené par l’ancien ministre des finances grec Yanis Varoufakis, lançait sa campagne électorale surnommée « Une prise en charge citoyenne des institutions européennes » au théâtre BOZAR de Bruxelles. L’évènement a été l’occasion pour Varoufakis et pour les candidats du Printemps européen, à deux mois des élections européennes, d’exprimer leurs idées et de faire part de leur programme ainsi que de leur vision pour l’Europe.

Parti transnational : qu’est-ce que ça signifie ?

La brochure du Printemps européen pour la soirée de lancement de la campagne affichait la phrase « Présentation de la toute première liste transnationale portant un programme politique unique et commun. » Cette formulation porte à confusion : le Printemps européen est effectivement un parti transnational, mais ce n’est pas une liste transnationale. Une liste transnationale consisterait en une liste paneuropéenne unique de candidats se présentant aux élections dans des circonscriptions couvrant toute l’Europe, et pour lesquels n’importe quel citoyen européen pourrait voter, peu importe leur nationalité et leur pays d’origine. Dans les faits, le Parlement européen a voté contre la mise en place de telles listes pour les élections de 2019.

Toutefois, il est vrai que le Printemps européen est un parti transnational, ce qui signifie qu’il réunit en son sein des candidats provenant de différents pays européens et faisant campagne sous la même « bannière » (celle du Printemps européen). Le Printemps européen est une coalition de candidats et de partis politiques nationaux qui partagent le même programme politique et la même campagne électorale et qui, s’ils sont élus au Parlement européen, seront membres du même groupe politique.

La dimension transnationale du Printemps européen se retrouve également parmi ses candidats dans le sens où certains candidats se présentent aux élections dans un pays sans en être ressortissants. Par exemple, l’un des candidats est français mais se présente aux élections en Belgique et un autre est croate mais présente aux élections en Allemagne. Ce phénomène nous rappelle le droit des citoyens européennes de se présenter aux élections européennes (et locales) dans n’importe quel pays de l’UE. D’autres partis, à l’image de Volt Europa, ont aussi cette dimension transnationale et paneuropéenne. Le Printemps européen n’est de ce fait pas le seul « parti transnational », bien qu’il reste particulièrement attaché à cette caractéristique qui fait son identité.

Le Printemps européen : un mouvement populaire éloigné de la politique « professionnelle » ?

Varoufakis a inauguré l’événement électoral en affirmant que la vision de la démocratie que porte le Printemps européen est celle d’« un système pour ceux qui ne pensent pas nécessairement avoir la réponse mais qui essaient d’en discuter ». D’autre candidats ont présenté le Printemps européen comme un mouvement populaire, citoyen, à l’opposé de la politique professionnelle et carriériste. Un nombre représentatif de candidats ont même affirmé ne pas vouloir être élus (en opposition aux politiciens à la poursuite de positions de pouvoir) mais avoir décidé de se présenter aux élections afin de prendre part au changement. Varoufakis a également souligné la nécessité d’un renouvellement politique et du non-renouvellement de mandats électoraux, affirmant que lorsqu’un mandat est fini, il faut passer la relève aux suivants.

Compte tenu du parcours de certains candidats, cette description semble pour la plupart assez honnête : ils sont en effet des citoyens « ordinaires » qui ne se sont jamais présentés à des élections et qui n’ont jamais été élus. Toutefois, il ne faut pas se leurrer, ce n’est pas le cas de l’ensemble des candidats : Benoît Hamon par exemple est un politicien professionnel (et carriériste ?). Il s’est présenté aux primaires du Parti Socialiste en France et aux élections présidentielles françaises en 2017 (ce qui s’est traduit par un échec sans précédent pour le PS, avec seulement 6.36% des voix au premier tour), était ministre entre 2012 et 2014 et eurodéputé entre 2004 et 2009. Or, il y a souvent en France le sentiment que certains candidats français se présentent aux élections européennes uniquement parce qu’ils n’ont pas réussi à se faire élire au niveau national et que de ce fait, les élections européennes ne sont pour eux qu’une opportunité de « reconversion ».

Ne prenons pas les électeurs pour des idiots : appliquer la notion de « citoyen ordinaire », « populaire » et « politicien non professionnel » à Benoît Hamon serait très déplacé. Hamon a toutefois déclaré que le projet du Printemps européen avait été créé comme s’il était « l’élection nationale la plus importante. ». Espérons au moins que son engagement européen est sincère.

Le Printemps européen affiche son opposition à l’autoritarisme à double face des nationalistes et des libéraux

Le Printemps européen est né en raison de l’exaspération ressentie face à la présentation de deux choix uniques pour l’Europe, à savoir celui des « libéraux pro-européens » face à celui des « nationalistes eurosceptiques ». Varoufakis a qualifié cette opposition binaire d’« autoritarisme à double face » et ces deux mouvements de « partenaires de la même danse diabolique ».

Varoufakis a commencé par rappeler la crise économique et financière de 2008 qui a touché l’Europe et plus particulièrement la situation dans son pays, à savoir la Grèce, en affirmant que « l’Europe a revécu sa situation de 1929 ». Il a tout particulièrement souligné le fait que le marché européen ainsi que l’euro n’étaient pas en mesure de faire face aux ondes de choc en provenance de Wall Street et que ces faiblesses ont conduit à l’accélération de la crise et économique et sociale en Europe.

Il a également virulemment accusé « l’establishment » d’avoir fait porter le fardeau de l’échec des acteurs financiers et des banques aux plus faibles, à savoir les contribuables et les citoyens. Il a mentionné l’implication conjointe des libéraux et des sociaux-démocrates à ce propos. Il a dénoncé « le crime contre la logique » pour avoir mis en place « le socialisme pour les banques et l’austérité pour les masses » et pour avoir choisi un système qui a déjà prouvé son échec au lieu de le réformer.

Varoufakis, ainsi que la majorité des autres candidats du Printemps européen, ont critiqué ce cocktail de « technocrates », de « mauvaises politiques économiques » et de « politiques toxiques » qui ont « semé les graines du mécontentement » et du « désespoir » chez de nombreux citoyens et ont conduit à la montée de partis populistes et d’extrême droite à travers l’Europe, et à la hausse de la xénophobie, de l’antisémitisme, de l’islamophobie et du sexisme. Il a entre autres mentionné l’AfD, Salvini, Golden Dawn, Kurz et Le Pen.

Le candidat grec Erik Edman a souligné ce point plus tard dans la soirée en rappelant que l’austérité est non seulement socialement inhumaine mais est aussi un dogme qui a condamné l’environnement et a conduit les gens vers l’extrême droite. Il a ensuite affirmé qu’il était temps non plus pour des réformes insignifiantes mais pour un changement « réaliste », « radicale » et « sans complexes », et que l’UE était le seul endroit possible pour le faire. Varoufakis considère que « l’establishment libéral » personnifié par des figures telles que Merkel, Macron ou Juncker a puisé son autorité dans la confrontation face aux eurosceptiques (tels que Salvini ou Le Pen), s’imposant comme la seule alternative pro-européenne dans un climat de montée de forces nationalistes eurosceptiques. Mais pour Varoufakis, les eurosceptiques ne sont que le symptôme de « l’establishment libéral autoritariste ».

Le Printemps européen se définit lui-même comme étant « la seule force politique » qui tient tête à ces deux mouvements et le seul parti candidat aux élections européennes à avoir des réponses précises aux enjeux de l’Europe d’aujourd’hui. Varoufakis a toutefois reconnu le travail fait par les Verts, tout en leur reprochant de s’être focalisés sur les aspects « environnementaux » en oubliant les aspects « humains ». Varoufakis a affirmé que le Printemps européen avait pour intention de « réinjecter de l’humain dans la politique ».

Améliorer la transparence et réformer l’UE

Les candidats français Emma Justum et Jacques Terrenoire ont avancé des idées concrètes en termes de d’initiatives démocratiques pour réformer l’UE. Ils ont appelé à la formation d’une assemblée constitutionnelle en charge de rédiger une nouvelle Constitution démocratique pour l’Europe, en vue d’un « projet politique conséquent pour notre maison commune européenne ». Ils ont insisté sur le fait que le Parlement européen devrait être l’organe en charge d’initier et de décider les lois et les règlements. Ils se sont engagés à une transparence totale concernant les décisions prises au notre nom de ceux qu’ils représentent.

Le candidat belge Laurent de Sutter a aussi souligné le fait que pour chaque personne travaillant au sein des institutions européennes à Bruxelles (30,000 personnes), il y en a une qui travaille pour des lobbies non-déclarés (30,000 personnes également), parmi lesquelles des anciens représentants européens. Bruxelles étant souvent perçue comme « la boîte noire de l’Europe », « c’est avec le Printemps européen que nous y mettrons fin », a-t-il déclaré. La candidate belge Rosita Allickx a quant à elle affirmé que « la transparence est l’oxygène de la démocratie » et a appelé à des mesures concrètes telles que la création d’un bureau anti-fraude, une législation protégeant les lanceurs d’alertes, l’interdiction des « golden visas » et de la vieille pratique de « porte tournante » du lobbying, ainsi que la fin des paradis fiscaux.

Le candidat portugais Rui Tavares a lui aussi souligné le besoin de davantage de procédures transparentes et démocratiques, affirmant qu’il n’est pas acceptable que l’on ne puisse pas élire nos propres législateurs, en faisant référence à la Commission Européenne, aux ambassadeurs, au Conseil européen et à l’absence de diffusion des réunions des eurogroupes. Justum et Terrenoire se sont aussi engagés à ce que plus de pouvoir et de ressources soient donnés aux autorités locales et municipales afin qu’elles puissent être davantage impliquées dans la prise de décision. Ils ont soulevé des idées telles que changer les lois sur la concurrence qui restreignent les possibilités des gouvernements locaux, prendre des mesures pour re-municipaliser les services, réformer les lois régulant les marchés publics afin de permettre aux gouvernements locaux de mieux réguler leur économie et d’adopter des mesures durables et éthiques. Les candidats ont soulevé l’idée de mettre en place un comité parlementaire afin d’évaluer l’économie de partage et son impact sur l’économie locale et de mieux la réguler. Ils souhaitent lutter contre les lois européennes qui empêchent les autorités locales d’accueillir des migrants et de les aider à s’intégrer. « Les sociétés confiantes ne construisent pas de barrières, elles les abattent », a déclaré Varoufakis.

Les candidates espagnoles Arantza Azmara Rodriguez et Maria Garzon Molina se sont elles aussi engagées à mettre fin aux paradis fiscaux à l’intérieur comme à l’extérieur de l’UE, et à se battre contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent.

Environnement, droits humains, justice sociale, culture et éducation

La candidate autrichienne Daniela Platsch et le candidat croate Srecko Horvat, qui se présentent aux élections en Allemagne, ont présenté leur projet d’un « New Deal Vert pour l’Europe ». Varoufakis a souligné l’existence de 3 billions d’euros de fonds d’investissements européens inutilisés et non-investis et a proposé que la banque européenne d’investissement (BEI) émette des obligations à hauteur de 500 milliards d’euros par an afin de réaliser ce New Deal Vert.

La candidate polonaise Joanna Bronowicka a insisté sur le besoin de protéger et améliorer les droits des femmes, des LGBT, des minorités et des immigrés. Elle a réaffirmé sa volonté de mettre en place des politiques pour remédier aux inégalités de salaires et imposer un revenu standard égal. Boronowicka a mentionné le projet de rédaction d’une Convention sur les droits liés à la procréation afin de garantir l’accès gratuit de toutes les femmes à des soins décents partout en Europe. Elle a de plus plaidoyé en faveur d’une convention pour les travailleurs afin de s’assurer que chaque travailleur immigré soit traité de façon égalitaire, peu importe son pays d’origine.

Le candidat portugais Joacine Katar Moreira a rappelé l’urgence d’une justice sociale en Europe et affirmé qu’il ne peut y avoir de démocratie en Europe sans prise en compte des minorités ethniques, de la diversité raciale et sans avancées importantes vers une réelle équité et égalité.

La candidate française se présentant en Belgique Marine Betrancourt a réclamé une éducation accessible, gratuite et de haute qualité à travers l’Europe, la promotion de l’enseignement technique et de l’apprentissage, de la citoyenneté européenne et des échanges interculturels. Elle a aussi appelé à mettre fin aux stages non-rémunérés et mal-rémunérés, ce qui a déclenché les applaudissements des jeunes présents dans le public, de tels stages étant un véritable fléau touchant de nombreux jeunes en Europe, même à Bruxelles, là où se tenait l’événement. « L’UE ne peut rester limitée à quelques privilégiés » a conclu Marine Betrancourt.

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