Les conventions démocratiques : où en sommes-nous ?

, par Louise Guillot

Les conventions démocratiques : où en sommes-nous ?
CC - Le Taurillon, tout droit réservé.

En septembre dernier, Emmanuel Macron affichait fièrement son engagement pro-européen et lançait l’idée des conventions démocratiques. L’objectif ? Remettre le citoyen au cœur du projet européen en tenant des évènements rassemblant toutes celles et ceux souhaitant contribuer à l’élaboration d’un projet de refondation de l’Union européenne.

Que s’est-il passé depuis septembre et que savons-nous de plus sur ces conventions ? Le Taurillon décrypte avec vous le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur le sujet, publié le 7 décembre 2017.

L’objectif affiché des conventions démocratiques est bien la refondation de l’Union européenne. Mais aux vues des propositions formulées dans ce rapport, il sera difficile d’y parvenir… Pourquoi ?

Des conventions qui tendraient plutôt vers des consultations…

Tout d’abord parce que les conventions seront davantage des consultations que des conventions. De ce fait, nous pouvons nous attendre à ce que les citoyens ne soient pas pleinement acteurs de la formulation de ce projet de refondation. En effet, si les citoyens pourront donner leur avis à travers d’un questionnaire élaboré par les Etats membres, ce sont bien les Etats membres qui, in fine, rédigeront ce nouveau projet. Si tant est que nouveau projet il y ait… Le projet des conventions débuterait donc par un vaste questionnaire que tous les citoyens européens pourraient compléter. Toutefois, seulement quatre questions seraient communes à l’ensemble des Etats, le reste du questionnaire serait variable selon les sujets sur lesquels les Etats souhaitent interroger leurs citoyens. Quatre questions pour un tronc commun semblent un peu léger et ressembler davantage aux premières pousses d’un arbuste qu’à une véritable base enracinée… Même s’il ne s’agit pas de nier la situation particulière de chaque Etat, pourquoi ne pas avoir une base plus large de questions communes, si l’objectif affiché est bien de réunir tous les citoyens européens autour d’un projet commun refondé et correspondant à leurs attentes. Quatre questions ne paraissent pas assez pour identifier les grands principes de ce projet de refondation.

Un calendrier trop serré !

En effet, la réussite des conventions démocratiques repose essentiellement sur la participation citoyenne et la mobilisation de la société civile. Néanmoins, d’aucun pourra se demander si le laps de temps accordé pour mener ces conventions démocratiques n’est pas un peu trop court. Selon le calendrier annoncé, les Etats auront de mai à octobre 2018 pour mettre en place ces conventions démocratiques, c’est-à-dire organiser à la fois une participation en ligne au questionnaire, mais aussi des évènements dans les territoires. Or, il semble que six mois de réflexion accordée pour formuler des propositions concrètes pour refonder le projet européen soit un peu court pour parvenir à un projet abouti, de long terme, inclusif et représentatif des souhaits de l’ensemble des citoyens européens. De plus, le rapport prévoit que deux mois seront suffisants pour la restitution et la synthèse des propositions nationales. Cependant, deux mois peut encore une fois paraître trop court pour aboutir à un projet concret et juridiquement cohérent, qui pourrait engager l’avenir de l’Union européenne pour plusieurs années s’il était mis en œuvre.

Le dernier mot reviendra aux Etats : intergouvernementalisme quand tu nous tiens

Des comités nationaux de pilotage seront créés dans chaque Etat participant afin de suivre les évènements organisés, vérifier que ces derniers respectent les principes d’une Charte interétatique, et recueillir l’ensemble des propositions pour ensuite les traduire en « propositions juridiques cohérentes » (p. 8 du rapport). De plus, les Etats membres participeront sur la base du volontariat. Or, comment parvenir à un projet commun lorsque tous les peuples européens ne participent pas à sa définition ? Il est très peu probable que l’ensemble de l’Union européenne accepte un tel projet de refondation s’il n’est écrit que par quelques-uns. Cela pose également le risque de laisser de côté beaucoup de propositions nouvelles et innovantes pour se contenter du plus petit commun dénominateur. Or, cette perspective semble aller à l’encontre de l’ambition affichée par le président français.

Il est fort dommage que, les Etats membres souhaitant répondre au déficit démocratique et à l’éloignement constaté des citoyens de l’Union européenne, ces derniers optent encore une fois pour une logique de décision intergouvernementale qui n’est pas connue pour être la plus à même de rapprocher l’Europe de ses citoyens. Bien au contraire, cela montre que les Etats veulent garder le contrôle sur un projet qui visiblement se construira encore sans ses citoyens.

Une restitution par un « comité des sages » européen

Le rapport de l’Assemblée nationale propose que la restitution des résultats recueillis dans chaque Etat soit effectuée par un « comité des sages » européen, composé de représentants des comités de pilotage nationaux et de représentants des institutions européennes « garantes d’une certaine expertise technique et d’une forme de neutralité dans le traitement du résultat des conventions » (p.8 du rapport). Au-delà du nom donné à ce groupe, se pose réellement la question de la composition de ce comité qui sera finalement en charge de proposer une version consolidée et concrète du projet de refondation. Il peut paraître surprenant que le Parlement européen ne soit pas chargé de cette restitution. En effet, le Parlement européen n’est-il pas par excellence le lieu de représentation des citoyens européens et de l’intérêt général européen ? Pourquoi ne pas confier au Parlement européen renouvelé après les élections européennes de 2019 cette tâche que de concrétiser le projet de refondation ?

Des conventions démocratiques avant tout nationales

Enfin, les conventions telles qu’annoncées seront avant tout nationales. En effet, le rapport n’insiste pas sur la mise en place de conventions démocratiques transnationales. Or, comment peut-on construire un projet européen commun si chacun débat dans son Etat membre et si les Européens ne dialoguent pas entre eux ? Car c’est bien ici que se trouve l’enjeu principal des conventions démocratiques. Ces évènements peuvent être l’occasion unique de mettre en œuvre un exercice de démocratie participative pan-européenne, et de permettre aux citoyens de se réapproprier l’Union européenne pour enfin construire une véritable Europe des citoyens.

Pour conclure, ce rapport de la Commission des Affaires Européennes de l’Assemblée Nationale énonce beaucoup de constats partagés sur les nombreuses crises que traversent l’Union européenne aujourd’hui, sur le déficit démocratique, l’éloignement de l’Union par rapport à ses citoyens, la montée des mouvements extrémistes anti-européens ; mais également sur le manque d’information sur l’Union européenne et son action au plus près des citoyens, ainsi que les droits liés à la citoyenneté européenne par exemple. Toutefois, le rapport peine à émettre une véritable ambition européenne pour ces conventions démocratiques en les cantonnant à une échelle nationale, et à se donner les moyens d’aboutir à un projet de refondation concret, cohérent, solide, inclusif et reflétant les souhaits de l’ensemble des citoyens européens.

Pour en savoir plus :

Retrouvez la position des Jeunes Européens – France

Retrouvez la résolution de l’Union des Fédéralistes Européens

Retrouvez l’Appel du groupe des Eurocitoyens

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