Internet fut « l’épine dorsale » de la campagne Obama, pour reprendre l’expression du rapport publié en début d’année par la fondation Terra Nova sur la campagne démocrate pour la présidentielle de 2008. L’équipe de campagne de Barack Obama n’est pas la première à utiliser internet, mais la nouveauté et le succès de leur stratégie fut de réussir à « recruter et organiser massivement les sympathisants grâce à internet pour les envoyer de manière coordonnée militer sur le terrain. C’est la première campagne du 21ème siècle fusionnant internet et le terrain. » [1] .
L’utilisation massive des réseaux sociaux comme « Facebook, MySpace, mais aussi les réseaux communautaires comme BlackPlanet, AsiaAve MyBatanga ou MiGente » [2] a permis de fédérer des sympathisants, ou sympathisants potentiels, en un mouvement de soutien populaire capable de se mobiliser facilement, via les micro-dons en ligne, ou en ayant accès à des kits militants : « Chaque mobilisation préexistante est utilisée pour mobiliser pour Obama. La campagne peut toucher rapidement des millions d’internautes. Ils n’ont plus qu’un simple click à faire pour mettre un pied dans la campagne : on a baissé au maximum les barrières à l’entrée. » [3].
Une importation proportionnelle à l’enjeu des européennes
Rien de comparable, à moins de deux mois du scrutin, entre la campagne internet menée par les démocrates américains en 2008, et les initiatives des principaux partis politiques français. Après tout la place qu’occupe l’élection européenne dans la vie politique française est sans comparaison avec une l’élection du Président des Etats-Unis. Mais l’observation des stratégie web des forces politiques les plus présentes sur la toile (PS, UMP, Verts, MoDem, Libertas) indique une évolution des pratiques qui va dans le sens de l’intégration des logiques et des outils du web 2.0 et notamment des réseaux sociaux.
les stratégies web des forces politiques intègrent les logiques et les outils du web 2.0
Facebook et kit-militant : réussir la révolution obamienne
Le message a été reçu par les équipes de campagne : il faut lier les capacités des réseaux sociaux en ligne à l’action militante. Tous les sites de campagne font figurer en page d’accueil et souvent en widget permanent un lien ou un logo vers leurs groupes Facebook : groupes de soutien à un candidat ; groupes alliés mobilisant sur une thématique du parti, mais surtout groupe de campagne nationale ou locale : Facebook est mis en avant comme outil de partage des bonnes pratiques et des expériences entre militants, comme lieu de commentaire sur le déroulement de la campagne, davantage que comme espace de débat sur le fond.
Des groupes Facebook vers le site et vice versa, l’échange de lien renvoi en permanence aux « kits militants » pour l’UMP ou Europe-écologie, ou au « QG de campagne » pour le PS. Impression des tracts, des argumentaires : tout est prêt, en ligne, pour quiconque se crée un compte utilisateur, première étape du recrutement de militants avant de passer à l’adhésion, et donc au versement des cotisations.
Cette première stratégie vise un public restreint : des internautes jeunes, sensibles à l’ergonomie du site et ayant déjà recours aux réseaux sociaux, et sympathisants du parti, ou suffisamment intéressés pour faire la démarche d’aller visiter les sites de campagne. Afin de viser un public plus large, le réseautage social passe également par des types de contenus différents.
Avec Dailymotion, la vidéo sociale envahit les sites de campagne :Vidéo du jour, Europe Tv 2009 ou Chaine Libertas France, la vidéo est présente systématiquement via la plateforme francophone d’hébergement de vidéos. A chaque fois en page d’accueil, parfois en widget permanent sur toutes les pages du site, les contenus vidéos sont partout. Si l’utilisation de la vidéo en ligne ne date pas de 2009, ce recours massif et systématique est vraisemblablement lié aux fonctions de réseau social de Dailymotion : des profils au nom des partis sont crées directement sur cette plateforme afin de diffuser rapidement de l’information sur la campagne, à commencer par les dernières vidéos mises en ligne.
La démarche est exactement similaire avec les contenus photos via principalement la plateforme Flickr, où tous les partis ont leur profil. Le PS et Europe Ecologie ont rendu très visible l’accès à Flickr sur leur page d’accueil, tandis que sur le site du MoDem, il faut aller chercher dans les liens en bas de page. [4]
Twitter & RSS : rester au contact de la campagne
Chaque site de campagne dispose maintenant de son flux RSS, parfois même thématisé par rubrique. Pour le militant, la mise en avant du flux RSS permet de rester au contact du rythme de la campagne sans passer systématiquement par le site du parti. Des différences dans l’ergonomie des sites rendent parfois complexe la syndication : le logo n’est pas toujours très visible, ou relégué dans une « rubrique RSS ».
Une stratégie qui vise un public jeune et sympathisant
La palme de l’innovation en matière d’intégration du web 2.0 sur les sites de campagne revient pour le moment au Parti Socialiste, qui fait figurer en page d’accueil un large bandeau vertical « Fil d’infos Twitter », qui fait défiler des commentaires de candidats ou de militants participant à un événement ou réagissant à une actualité particulière. Et pour ne pas en perdre une miette, il est même possible de s’abonner au flux RSS du fil d’infos Twitter.
La politique 2.0, adaptation aux chocs de communication [5]
Si les pratiques ne sont pas encore comparables avec celles mises en place lors de la campagne présidentielle américaine, c’est avant tout car l’intérêt des partis pour les élections européennes est moindre. Néanmoins, l’importance d’internet dans la communication politique s’est considérablement et rapidement renforcée dans la culture politique française.
Le site de campagne s’est adapté aux évolutions du web 2.0, son contenu change, son rôle dans le dispositif de campagne aussi. La campagne devient un objet de communication en soi, elle se raconte comme une histoire et se commente comme un article de blog. D’ailleurs, les blogs des candidats, voir même des candidats à la candidature, se sont multipliés. Cette évolution est notamment due à la composition des listes, compte tenu du mode de scrutin à la proportionnelle, qui a permis à un plus grand nombre (qui reste cependant trop faible !) de trentenaires et quarantenaires, plus sensibles aux nouvelles technologies, d’obtenir l’investiture et de se lancer dans la campagne.
Il reste aux futures campagnes politiques à confirmer que la révolution de la campagne démocrate pour la présidentielle américaine de 2008 constitue bien un « effet de cliquet ». Mais il est certain que les comportements de communication politique sur internet sont amenés à prendre une place toujours croissante dans la vie politique européenne moderne, en s’adaptant aux évolutions des nouvelles technologies.
1. Le 22 avril 2009 à 08:57, par Ced En réponse à : Les élections européennes, une campagne 2.0
Je suis dubitatif sur le fait que les blogs de candidats se seraient multipliés par l’arrivée en masse de jeunes politiques de 30/40 ans. Je soulignerai davantage un effet de masse, voire de mode. La gestion d’un blog est aujourd’hui ultra-simple et beaucoup de ces candidats y sont poussés, soit par leurs pairs technophiles, soit par leurs spin doctors et autres agences marketing. On verra en tout cas si ces blogs survivent au delà de l’élection...
Il y a tout de même un bémol dans cet « engagement 2.0 » qui ne se réglera qu’à long terme : l’honnêteté de la démarche. Il y a ceux qui jouent vraiment le jeu, par exemple de bloguer vraiment et de répondre aux commentaires, ou de twitter ou encore facebooker en leur nom. Et puis il y a ceux qui délèguent tout le boulot à leurs assistants, voire leurs proches, ou encore ceux qui ont assimilé le web 2.0 comme une pêche aux amis où l’on ajoute des amis virtuels pour faire cool et branché, mais sans s’impliquer, sans démarrer de conversations alors que c’est justement l’intérêt de ces technologies, de recréer un lien brisé avec les électeurs. Cette deuxième catégorie risque un sérieux retour de bâton à terme...
2. Le 22 avril 2009 à 09:09, par Laurent Nicolas En réponse à : Les élections européennes, une campagne 2.0
Non c’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de candidats jeunes, mais il y en a un peu plus que pour les législatives par exemple. Rajeunissement et effet de mode, comme tu le soulignes, les deux ont fait se multiplier les blogs de campagne : alors qu’ils étaient des exceptions, ils sont maintenant très répandus, et en train de devenir la règle.
Mon article parlait davantage des sites de campagne que des blogs, donc sur l’honnêteté de la démarche, il faut savoir de quoi l’on parle : un site de campagne, c’est fait pour gagner des voix ; un blog personnel d’un candidat, c’est à la base pour recréer un lien plus direct avec le citoyen, surtout pendant le mandat et pas seulement pendant l’élection. Sur un site, l’honnêteté comme tu dis, ce n’est pas le critère. Sur un blog, c’est à mon sens ce qui va faire son succès : les blogs qui sont délégués aux assistants, ça se sent direct, ou très très vite, et les lecteurs se lassent. Un blog honnête a davantage de chance de perdurer.
On verra à la fin de l’année les blogs qui ont survécu, et ce sera intéressant de relire notre discussion à ce moment là.
3. Le 22 avril 2009 à 12:33, par Fabien En réponse à : Les élections européennes, une campagne 2.0
Article avec un angle intéressant. Même si Obama n’a pas fait sa campagne seulement sur Internet (remember la pub de plus de 30 minutes... et pas sur internet), il est vrai que cela a changé le rapport des politiques à cet objet qu’est internet.
La difficulté est de se faire désormais une place dans la toile... et que cette place soit positive, ce qui n’est jamais gagné par avance.
4. Le 23 avril 2009 à 05:43, par Martina Latina En réponse à : Les élections européennes, une campagne 2.0
Une chose est sûre : l’abstention ne doit pas gagner les prochaines élections 2 à 0 !
L’humour, la technique numérique et surtout la responsabilité les sauveront, notamment à l’aide de la Toile - motif de ce tableau : le parlement à élire avec les couleurs de la diversité, avec le pinceau de la démocratie,
dans la « galaxie Gutenberg » - citée par cet article et qui transforma l’alphabet phénicien en constellations d’imprimerie pour guider les marins des temps modernes, puis les Internautes, du soir inscrit dans le nom d’Occident à l’aurore montant chaque jour de l’Orient,
grâce au dialogue et à la concertation qui mûrissent en EUROPE - à partir du même rivage oriental de la Méditerranée, où naquirent EUROPE, donc la culture et l’aventure, toutes trois capables de fasciner un dieu, de le changer en taureau prodigieux, puis en fondateur de civilisation...
Passons-nous donc le témoin dans cette course créatrice de communications et de relations, notamment avec le TAURILLON qui semble relayer, donc pouvoir réveiller, l’énergie de la liberté : tissons des réseaux solides et solidaires pour contrer, y compris sur le WEB, les stridences de l’euroscepticisme, les sirènes de l’abstention, les crécelles des votes sanctions !
5. Le 23 avril 2009 à 07:38, par Valéry En réponse à : Les élections européennes, une campagne 2.0
Plusieurs sites proposent des outils pour mieux comprendre els élections européennes.
http://www.parlorama.eu/fr/ propose un classement des eurodéputés sortant en fonction de leur niveau d’activté au Parlement européen.
http://www.bloggingportal.eu/ recense les blogs consacrés à l’Union européenne et vous permet de ne sélectionner que ceux qui sont dan une langue que vous comprenez.
Enfin, http://europatweets.eu/ permet de suivre les comptes Twitter des eurodéputés.
6. Le 23 avril 2009 à 09:12, par Ced En réponse à : Les élections européennes, une campagne 2.0
@Laurent : Rendez-vous est pris, on fera les comptes l’an prochain des sites, blogs et comptes Twitter abandonnés ! ;-)
@Fabien : une pub de 30 minutes comme Obama ? Si Sarkozy s’impose sur les tracts UMP, il en serait peut-être capable ! Mwarf !
7. Le 23 avril 2009 à 10:13, par Laurent Nicolas En réponse à : Les élections européennes, une campagne 2.0
Le site Parlorama est vraiment une aide précieuse pour comparer les candidats ! Un bel outil statistique joliment mis en page, merci pour ce lien VXL !
8. Le 28 avril 2009 à 15:00, par LePanoptique En réponse à : L’auteur a t’il regardé le site d’Europe Ecologie ?
Contrairement à ce qui est dit dans l’article, on peut voir sur le site d’Europe Ecologie : http://www.europeecologie.fr/ qu’il y a, dans la partie Europe Ecosystème : le fil twitter (rassemblant le twitter de la campagne et ceux des candidats), le flickr et le dailymotion sur la page d’accueil et ce, dès la création du site !
9. Le 28 avril 2009 à 15:43, par Laurent Nicolas En réponse à : Erratum
Mea Culpa Maxima, c’est tout à fait exact : je viens de modifier la paragraphe concerné et de mentionner cette modification en note de bas de page (n°4).
10. Le 1er mai 2009 à 23:06, par Sarny4ever En réponse à : Les élections européennes, une campagne 2.0
sur le site du MoDem, il est également possible de cliquer sur le groupe flickr dès la phototèque qui est indiquée dans la barre de navigation ;)
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