Les Suisses et la cour de justice de l’Union Européenne

Le jardin d’Éden

, par Christian Simon, traduit par Jean-Mathieu Duchêne

Les Suisses et la cour de justice de l'Union Européenne

Les liens entre l’Union européenne et la Suisse sont teintés de méfiance, de scepticisme et d’une farouche volonté d’être différent. Le conflit actuel : Quelle influence la Cour européenne de justice (CEJ) doit-elle exercer en Suisse ? Nombreux sont ceux en Suisse qui ne veulent pas se laisser faire par des juges étrangers.

Un procès normal se déroule comme suit : deux parties opposées se rencontrent et un juge le plus indépendant possible prononce un jugement coercitif pour les deux parties. Cette procédure devrait être une évidence. Pourtant, la Suisse a fait naître le débat mouvementé actuel. Le différend : la Suisse doit accepter certaines conditions-cadres définies par l’Union européenne si elle veut pouvoir négocier de nouveaux accords avec celle-ci. L’une de ces conditions est de faire de la Cour de justice de l’Union européenne l’instance commune de protection juridique durant les négociations. La Cour de justice est en effet compétente en matière d’interprétation des traités entre l’Union et les États membres. Si la Suisse n’est pas membre de l’Union, elle conclut tout de même des accords avec cette dernière. Et c’est la Cour de justice qui doit veiller à leur bon respect.

Une recommandation ou une décision contraignante ?

Pour les Suisses, cette idée est insupportable. Ils reprochent à l’Union, encore peu populaire auprès de nombre d’entre eux, de vouloir mettre leur pays sous tutelle. C’est pourquoi le Secrétaire d’État concerné, Yves Rossier, essaie d’arrondir les angles dans son interview avec le journal populaire Blick : la Cour de justice se contente d’interpréter le droit européen et expose aux parties opposées sa perception de la loi. Autrement dit, elle produit une expertise juridique qui ne serait en aucun cas contraignante pour la Suisse. Celle-ci pourrait l’accepter ou non, sans aucune conséquence juridique. Dans une autre interview au Tages-Anzeiger, le président de la Cour de justice, Vassilios Skouris, a laissé transparaître ce qu’il pensait de cette définition originale : « Les décisions de la Cour ont une caractéristique : elles sont contraignantes pour toutes les parties. »

Il est de toute façon très peu probable que le Conseil fédéral suisse s’oppose à la décision de la Cour lors d’un différend et mette en péril à la fois les accords déjà passés et la réputation de la Suisse en tant que partenaire fiable. À terme, un tel comportement serait intenable. Pourtant, les fiers Suisses semblent peu enclins à accepter qu’un « juge étranger » vienne dicter à leur gouvernement ce qu’il doit faire.

Les accords bilatéraux en danger

Un refus helvétique de reconnaître la compétence de la Cour de justice dans le domaine pourrait avoir de graves conséquences sur les accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union. En effet, si le pays n’accepte pas les conditions-cadres, la mise en place des accords juridiquement contraignants avec les États membres serait difficilement possible. Des accords déjà existants pourraient être suspendus ou annulés en raison du manque de sécurité juridique. Et ce n’est pas rien, parce que ces accords concernent des domaines très variés (comme les accords Schengen et la libre circulation, pour ne citer qu’eux).

Cette affaire montre clairement la méfiance latente des Suisses envers tout ce qui n’est pas suisse. Certes, les jeunes suisses regardent l’UE avec curiosité et sont heureux de pouvoir bénéficier du programme Erasmus et de la libre circulation. Cependant, la cession de compétences, la reconnaissance des instances supranationales ou même l’introduction de l’euro se heurtent aux particularités suisses telles que les röstis, le gruyère et les référendums. C’est ainsi que la Suisse reste un jardin d’Éden en pleine Europe. Mais ce n’est pas gravé dans la pierre. En effet, Albert Einstein disait qu’il préférerait vivre la fin du monde en Suisse, parce que tout s’y passe plus tard. Il faudra peut-être encore simplement vingt années de plus pour la Suisse finisse par accepter complètement l’Union européenne.

Vos commentaires
  • Le 8 décembre 2013 à 12:09, par Leonardo En réponse à : Les Suisses et la cour de justice de l’Union Européenne

    Je ne vois pas pourquoi la Suisse devrait un jour rejoindre l’Union Européenne. Une intégration à l’UE détruirait dans ce pays un certain nombre de particularismes qui y font sens, et la population helvétique ne l’accepterait très probablement pas.

  • Le 8 décembre 2013 à 16:38, par giuseppe marrosu En réponse à : Les Suisses et la cour de justice de l’Union Européenne

    @ Leonardo :

    « Une intégration à l’UE détruirait dans ce pays un certain nombre de particularismes qui y font sens »

    Par example ? Le sécrèt bancaire ? L’interdiction de batir minarets ?

    « la population helvétique ne l’accepterait très probablement pas »

    C’est leur choix. Soit ils guardent leur souvereigneté, soit ils gagnent le droit d’influencer les decisions européennes. Etant donné que la Suisse et le petit Lichtenstein sont completement entourée par la UE leur securitée et leur prospérité dépendent quasi totalment des ses decisions. Est-il independance, celà ? Et si non, quelle raison pour rester un objèct passive des decisions autrui ?

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