Monsieur le Premier ministre Mariano Rajoy,
Je dois admettre que je n’aurais pas voulu être à votre place ces dernières semaines. Beaucoup de citoyens d’une partie de votre pays ne veulent plus y appartenir. Qu’il s’agisse de surcroît de la partie la plus forte économiquement ne facilite pas les choses. Il est certain que ce n’est pas chose agréable. Je ne peux donc que comprendre votre attitude sévère à l’égard de la situation en Catalogne, cependant celle-ci n’est pas efficace.
Il faut voir les choses en face : il est vrai que le vote du 1er octobre sur l’indépendance de la Catalogne était inconstitutionnel et doit avoir des conséquences juridiques pour les personnes impliquées. Mais il est également vrai que les mesures drastiques qui ont été prises depuis lors semblent provenir d’un autre temps et d’une Europe que nous croyions avoir surmontée. Huit ministres catalans et la moitié de la présidence du Parlement sont en garde à vue, tandis que le président de région, Carles Puigdemont s’est enfui en Belgique pour échapper à la justice espagnole. Ils sont accusés de rébellion et doivent craindre une peine égale à celle d’un terroriste ou d’un meurtrier : 30 ans de prison.
Avec la fuite de Carles Puigdemont en Belgique, mais probablement déjà avant, la crise catalane est devenue une crise européenne. « Un politicien d’un pays de l’UE fuit dans un autre pays de l’UE ». L’Europe n’a vraiment pas besoin de tels gros titres. Votre mission, en tant qu’Européen et Espagnol, est maintenant de désamorcer la situation et de combattre les causes, pas les symptômes. Or, avec l’application de l’article 155 de la Constitution espagnole, la prise de vos fonctions en Catalogne et la convocation de nouvelles élections le 21 décembre, vous ne faites que repousser le problème.
Une réconciliation en Catalogne et avec la Catalogne ne peut être réalisée qu’accompagnée d’une véritable réforme constitutionnelle. Les grands États centralisés ne correspondent plus à notre époque, tout ne peut plus se régler depuis la capitale. Les Catalans se sentent ainsi purement et simplement « sous tutelle » dans beaucoup de domaines. En tant qu’Etat dans une Espagne fédérale – et selon le principe de subsidiarité –, ils pourraient obtenir dans la plupart des domaines politiques des droits plus étendus que ceux garantis aujourd’hui avec le statut d’autonomie. Cela signifierait certes davantage de recettes fiscales pour la Catalogne. Ce prix n’est-il pas faible comparé à un conflit permanent avec la Catalogne qui finira par nuire aussi à l’UE ?
Monsieur le Premier ministre Mariano Rajoy, il est grand temps pour vous de mener une réforme de grande envergure. L’Espagne doit devenir un Etat fédéral. Cela priverait les nationalistes de leurs arguments et créerait plus de proximité avec les citoyens. Selon l’économiste suisse Bruno Frey, les gens sont en moyenne plus heureux dans un système fédéral. Le Fédéralisme est la solution - une Espagne fédérale dans une Europe fédérale !
Meilleures salutations,
Joris Duffner
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