Quand le processus Spitzenkandidaten (tête de liste) a été introduit lors des élections européennes de 2014, selon l’explication standard, c’était le candidat du parti majoritaire qui deviendrait automatiquement Président de la Commission européenne. En 2019, le système a connu des évolutions, notamment avec des primaires internes aux partis européens qui ont rendu le processus plus visible.
Et ce n’est pas tout : en 2019, les médias et les partis politiques mettent l’accent sur la majorité parlementaire. Si l’on se fie aux traités européens, ce sont les eurodéputés (après une nomination faite par les états membres au sein du Conseil) qui élisent finalement le Président. Et cette fois-ci, le soutien des élus européens est ni garanti, ni acquis.
Une mauvaise nouvelle pour Manfred Weber, le candidat du Parti populaire européen, l’alliance de centre-droite. Avec les partis socialistes qui ont enregistré des défaites lourdes dans de plusieurs pays européens depuis les élections de 2014, le centre-droite est en tête avec une marge de 42 sièges selon les dernières projections d’Europe Elects. En bref, il est probable que Manfred Weber soit le candidat du parti majoritaire en mai prochain. Mais en 2019, ça ne suffira pas à lui assurer la présidence de la Commission... Le Bavarois devra également gagner le soutien des autres partis, ce qui nécessite des négociations.
Le 2 avril à Sciences Po, lors d’un événement organisé par les Jeunes Européens, le Spitzenkandidat vert Bas Eickhout (un Néerlandais qui se présente conjointement avec l’Allemande Ska Keller) a énoncé sa position clairement : Manfred Weber doit changer son approche ou les Verts ne le soutiendront pas.
Manfred Weber, le leader de la faction PPE au Parlement européen, représente l’aile conservatrice de son parti. L’immigration est l’une des priorités de sa campagne : son site web met en avant le déploiement de “10 000 agents Frontex supplémentaires pour contrôler nos frontières extérieures”, une proposition faite par la Commission actuelle. Le candidat déclare qu’il tient à “renvoyer les migrants clandestins dans leur pays d’origine”, et semble qualifier l’immigration comme une “menace à la sécurité”.
Si le durcissement du langage du PPE concernant la politique migratoire inquiète les partis à sa gauche, la question clivante de l’exclusion de Fidesz, parti hongrois de Viktor Orbán qui adhère toujours au PPE, est encore plus délicate. Pendant longtemps, Manfred Weber a soutenu une approche accommodante vis-à-vis du Fidesz, bien qu’il soit récemment devenu plus favorable à l’expulsion de ce parti autoritaire. Pour d’autres partis politiques européens, dont les Verts, ces menaces aux valeurs européennes doivent être affrontées beaucoup plus fermement et sans tergiversations.
Le PPE a besoin de la gauche
À droite du PPE se trouvent des partis conservateurs, eurosceptiques et europhobes qui peuvent difficilement coopérer constructivement avec un parti pro-européen. En conséquence, pour obtenir une majorité, la seule option pour le PPE semble être de se tourner vers sa gauche. Le 2 avril, Bas Eickhout a estimé qu’après les élections de mai, les négociations entre les partis politiques européens seront plus longues qu’auparavant. Comme après les élections nationales, les partis doivent se mettre en accord sur les priorités du prochain Président de la Commission.
S’il faut une vraie négociation après le 26 mai, cela illustrera une européanisation de la politique (ou bien une politisation de l’Europe). À son tour, cette politisation rend l’Europe plus démocratique. La définition des priorités de la prochaine Commission européenne n’est plus une décision administrative. En mai, chaque vote compte : dès le début, la politique de la Commission européenne sera influencée par plusieurs partis politiques, et les rapports de force seront déterminés par les électeurs.
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