Marché unique du numérique : une nouvelle page pour le droit d’auteur ?

, par Sarah Vanseveren

Marché unique du numérique : une nouvelle page pour le droit d'auteur ?
Vous pourrez bientôt regardé vos programmes préférés dans n’importe quel pays de l’Union. - Arild Storaas (CC/Flickr).

Le marché unique du numérique a été inscrit dans les priorités de l’agenda de la Commission Juncker. Depuis 2014, différents axes ont été énumérés afin d’harmoniser les 28 systèmes des Etats-membres : commerce en ligne, big data et droits de la propriété intellectuelle sont entre autres concernés. Fin décembre 2015, la Commission a dévoilé quelques-unes des mesures pour annoncer son programme 2016 et le droit d’auteur se retrouve au cœur du débat.

Je voyage souvent. Et comme tous ceux qui voyagent régulièrement, je me suis un jour ou l’autre retrouvée confrontée au fameux problème de droit d’auteur : à savoir, un contenu auquel j’ai normalement accès dans mon pays d’origine est bloqué dans un autre pays. La Commission européenne voudrait lutter contre ce fait, en réformant le droit d’auteur à travers notamment le marché unique du numérique.

« Un cadre moderne pour le droit d’auteur en Europe »

Andrus Ansip, Vice-Président de la Commission européenne pour le marché unique du numérique définit en ces termes la révision du droit d’auteur européen, intégré dans la stratégie plus globale du marché unique du numérique. Ce marché repose sur l’idée d’instaurer un marché commun dans le secteur, en supprimant les barrières qui pourraient encore exister dans les échanges numériques. Le partage de connaissances et de contenu culturel pourrait s’en trouver facilité. Il s’agit par exemple du géoblocking, qui empêche des utilisateurs de visionner des vidéos YouTube ou en replay lorsqu’ils sont dans un autre pays européen. Ainsi Julia Reda, eurodéputée allemande du parti pirate, avait déclaré : « je veux que chacun ait les mêmes protections dans toute l’Union, qu’on soit des artistes ou des utilisateurs. [Par exemple, en matière de] portabilité des programmes : si vous êtes en vacances en Espagne, vous ne pouvez pas regarder sur votre tablette vos programmes français, par un accès wi-fi ou internet. Ce n’est pas normal ». Il s’agit d’adapter les normes au contexte actuel, en prenant en compte la réalité d’internet qui ne connait quant à elle pas de frontières. La Commission européenne souhaite harmoniser les systèmes européens qui sont actuellement fragmentés à la suite de la directive de 2001.

En effet, deux directives de 2000 et 2001 encadrent actuellement le droit d’auteur dans l’Union européenne. La directive de 2001 a été établie afin d’adapter le droit d’auteur à l’ère numérique. Alors qu’Internet est un outil pouvant faciliter ces échanges, les directives ont entravé cet effet positif. Chaque Etat dispose de sa propre législation quant au droit d’auteur, conduisant ainsi à un régime fragmenté au niveau européen.

D’où la nécessité, selon l’eurodéputée allemande Julia Reda, rapporteuse du Parlement européen, de réformer ces règles en profondeur. Il s’agit non seulement de mieux protéger les auteurs, mais également d’encourager une forme de création culturelle européenne en établissant un régime européen du droit d’auteur. Le rapport de Julia Reda représente un travail fondamental sur lequel la Commission européenne devrait s’appuyer au cours des mois à venir.

Une avancée vers une culture européenne ?

Des droits d’auteur unifiés représentent sans conteste un grand pas en avant considérant la possibilité de créer un sentiment d’unité européenne et d’appartenance à une même culture. La réforme du droit d’auteur n’en est pas moins au cœur d’un vif débat, notamment concernant les exceptions culturelles.

Günther Ottinger, commissaire européen pour l’économie et la société numérique a déclaré : « nous voulons un cadre pour le droit d’auteur qui soit stimulant et juste, qui récompense l’investissement dans la créativité et qui facilite, pour les Européens, l’accès légal aux contenus ainsi que leur utilisation ». Encourager la création d’une culture européenne sous toutes ses formes, en supprimant le droit d’auteur ou en instaurant un marché unique du numérique est certes une intention louable, mais l’harmonisation des droits d’auteur ne garantit en rien la résolution d’un problème majeur qui est la création de valeurs et la juste rémunération des auteurs à l’ère du numérique. Le rapport de Julia Reda préconise que les droits d’auteur soient renforcés en direction d’une plus grande protection des titulaires de droits. Il est en effet nécessaire de garantir une meilleure et une plus juste rétribution aux créateurs pour garantir une création culturelle pérenne. L’idée d’une licence globale a également été évoquée, en tant que redevance globale entre producteurs, auteurs et ayants-droits à partager permettant ainsi de financer le secteur culturel. Mais elle ne semble pas être la solution retenue au niveau européen.

La saga des droits d’auteur est loin d’être terminée. Elle marque cependant la volonté de mettre sur un pied d’égalité les droits en ligne et hors ligne. En France, le droit de panorama a été adopté en janvier 2016 par les députés, alors même que la ministre du numérique Axelle le Maire souhaitait attendre la réforme des droits d’auteur au niveau européen afin de s’aligner dessus. Cette dernière devrait intervenir dès juin 2016.

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