Martin Österdahl : visage de l’une des pires éditions de l’Eurovision

, par Paul Brachet

Martin Österdahl : visage de l'une des pires éditions de l'Eurovision

Le 11 mai dernier a eu lieu la grande finale de l’Eurovision 2024 à Malmö (Suède), une édition suivie par plus de 160 millions de téléspectateurs…et par autant de controverses qui se sont incarnées en la personne de Martin Österdahl, superviseur exécutif de l’Eurovision.

I went to hell and back”, les paroles chantées par le suisse Nemo, gagnant de l’Eurovision 2024, pourraient n’être vraies qu’à moitié pour le superviseur exécutif du plus grand concours de musique au monde, Martin Österdahl.

Le chanteur et animateur suédois est à la tête de l’Eurovision depuis 2020, édition qui fut annulée en raison de la pandémie de Covid-19. Après ce faux départ, Martin Österdahl enchaîna avec succès les éditions de 2021, de 2022 et même celle de 2023 qui fut pour la première fois co-organisée par l’Ukraine (gagnante du concours 2022) et par le Royaume-Uni (second au concours et hôte de l’événement en raison de la situation de guerre sur le sol ukrainien). Des succès anéantis par l’édition de 2024 qui fut l’une des pires éditions de l’histoire de l’Eurovision, en partie à cause de sa direction. Présent deux fois à l’écran pendant la finale, Martin Österdahl fut hué à ces deux reprises par la foule de spectateurs.

Israël : une participation tempétueuse

Le concours Eurovision de la chanson a regroupé trente-sept pays-candidats, dont Israël. Les élements d’une participation contestée étaient déjà présents avant même le concours : alors que partout en Europe la question du conflit israelo-palestinien est brûlante, cela n’a été qu’accentué depuis la guerre dans la bande de Gaza ; de plus, la ville hôte, Malmö, est l’une des villes qui abrite le plus de réfugiés palestiniens et arabes d’Europe comparément à la taille de sa population.

Des braises qui furent enflammées par d’une part des prises de positions en Finlande, en Norvège, en Islande et en Slovénie qui réclamèrent l’exclusion de l’Etat hébreu à l’Eurovision 2024, puis d’autre part, la posture du radiodiffuseur public israélien KAN, qui fut obligé de réécrire trois fois sa chanson pour le concours, jugée à chaque fois trop politique et contraire aux règles du concours. Après trois infractions au règlement par KAN, la direction de l’Eurovision, l’UER, accorde la possibilité à Israël de participer avec la chanson Hurricane de Eden Golan, qui fait subtilement écho à l’attaque terroriste du 7 octobre.

La participation créa une tempête : des appels au boycott de l’événement, des rassemblements quotidiens contre la participation israéliennes devant la salle de concert de Malmö… Une contestation qui s’illustra également à l’intérieur du concours puisque Eden Golan, qui ne put sortir de son hôtel durant toute la semaine de l’Eurovision, fut huée tout au long de ses deux prestations. Les huées furent en direction de l’équipe israélienne et du superviseur exécutif Martin Österdahl qui avait accepté la participation du pays malgré ses manquements au règlement de l’Eurovision.

L’organisation de la finale fut également affectée par des désistements en cascade, notamment du chanteur iconique finlandais, Kääjira, et de la chanteuse-star norvégienne, Alessandra Mele, qui tout deux refusèrent de participer à l’évenement en raison du “génocide en cours” et du comportement passif de la direction de l’Eurovision à cet égard. De même, quelques heures avant le direct, l’Irlande, le Royaume-Uni, la Suisse, la Grèce et le Portugal menacèrent de se retirer du concours étant donné l’atmosphère pesante qui y régnait.

Malgré cela, l’ensemble des délégations participent à la finale. Non sans se faire rappeler à l’ordre par l’équipe d’Österdahl, notamment l’Irlandaise Baby Thug et la Portugaise Iolanda qui arborèrent toutes deux des messages appelant au cessez-le-feu et à la fin de la catastrophe humanitaire en Palestine.

Europa-pa...Europa-pas !

Tous n’ont pas eu la chance des deux chanteuses, quelques heures avant la finale, l’UER décide de disqualifier le Néerlandais Joost Klein. Le chanteur d’Europapa, devenue la chanson la plus écoutée de l’Eurovision avec plus de 70 millions de streams en quelques jours, est accusé de menaces auprès du staff chargé de l’évènement. Il aurait ainsi menacé du poing une caméraman qui l’aurait “suivi et filmé sans son consentement”. Un geste qui mena le favori à être exclu du concours.

© Eurovision

La disqualification du participant néerlandais est pour son radiodiffuseur public national, Avrotros, “un acte disproportionné”. Pour certains, la décision de l’UER doit être mise en lien avec la réaction de Joost Klein quand ce dernier fut assis à côté de la chanteuse israélienne et qu’il mit le drapeau néerlandais au-dessus de sa tête en guise de protestation. Quoi qu’il en soit, Avrotros a demandé des explications à Martin Österdahl et a boycotté la finale. La décision des Pays-Bas obligea le superviseur exécutif à annoncer lui-même les points accordés par le jury néerlandais. Annonce qui fut inaudible en raison des huées lancées depuis la fosse.

Martin Österdahl symbolise en effet les errements de cette édition 2024 de l’Eurovision. Une application injuste et inégalitaire des règles du concours qui mena à des choix absurdes - la disqualification d’artistes, mais également l’interdiction du drapeau européen dénoncée par la Commission européenne - mais également à une situation de délitement que certains, comme le chanteur lituanien Silverster Belt, qualifient “d’expérience traumatique”.

Clap de fin

Le superviseur exécutif, ainsi que le reste de l’équipe de l’UER, pensait en avoir fini avec les controverses successives, alors que le concours prit fin. C’étaient sans compter les mécontentements grandissants de la part des radio-diffuseurs nationaux et du public, ainsi que des soupçons de conflits d’interêt liés aux partenariats entre l’UER et les entreprises israélienne Moroccanoil et chinoise TikTok.

De fait, ce n’est pas moins d’une vingtaine de pays, dont quatre des plus gros contributeurs financiers de l’évènement (France, Royaume-Uni, Espagne, Italie), qui a ouvertement critiqué la direction de l’Eurovision et son organisation de l’édition de 2024.

L’Eurovision a toujours été politique. Mais il a toujours été un espace de paix, de rassemblement et de fête. L’édition 2024 du concours Eurovision de la chanson a en partie échoué à cela, et a été la pire édition depuis sa création en 1956. Cela pour des raisons politiques et financières, directement ou indirectement prises par Martin Österdahl et l’UER. “Peut-être que l’Eurovision aussi a besoin d’un peu de réparations maintenant.”(Nemo, gagnant de l’Eurovision 2024)

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