Objecteurs de conscience : « Une voix commune pour la paix et contre la militarisation »

, par Sahar M. Vardi, Traduit par Jean-Francis Billion

Objecteurs de conscience : « Une voix commune pour la paix et contre la militarisation »
Des manifestants ont protesté en janvier en Israël contre la conscription et pour la libération de Tair Kaminer, Israélienne pacifiste emprisonnée pour sa résistance à la conscription. La persécution des objecteurs de conscience est un leitmotiv dans tout le Proche-Orient méditerranéen. - Edo Ramon (CC/Flickr).

Dans une déclaration commune, des objecteurs de conscience égyptiens, grecs, israéliens et turcs, proches du World Federalist Movement, appellent la communauté internationale à démilitariser le Proche Orient et à construire un avenir pacifique pour la région. Ils s’opposent à la conscription et dénoncent la persécution de ceux qui la refusent.

Début 2014 une réunion s’est tenue à Nicosie (Chypre) avec des objecteurs de conscience de la région de la Méditerranée orientale. Des groupes de la République de Chypre, de Chypre du nord, de Turquie, de Grèce, d’Egypte et d’Israël se sont réunis pour parler de la persécution des objecteurs de conscience dans les différents pays de la région et, plus important, de comment résister.

Depuis lors, la région s’est enfoncée encore plus profondément dans les guerres et les destructions, ce qui a mené à la plus importante crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale et entraîné un flux sans cesse croissant d’armes et de forces armées dans la région. Dans le même temps, ceux qui refusent de prendre part aux guerres et résistent à la conscription sont poursuivis et parfois emprisonnés. Actuellement Tair Kaminer est emprisonnée en Israël, l’Egyptien Samir Elsharbaty est poursuivi pour son refus, et, dans le Nord de Chypre (partie occupée par la Turquie, ndt) Haluk Selam Tufanli et Hilmi Hami sont poursuivis. Cette réalité a conduit des membres de diverses organisations d’objecteurs de conscience de la région à publier une prise de position commune mettant en lumière cette importante question, tout particulièrement à une époque de guerre et de destruction. [1]

Introduction rédigée par Sahar M. Vardi .

« Nous sommes des objecteurs de conscience de toute la région de la Méditerranée orientale. Notre région a souffert depuis si longtemps d’oppression, d’injustice, de militarisation, d’occupations militaires et de guerres, autant que de pauvreté, d’illétrisme, de la faim et du manque d’infrastructures sociales. Dans cette période difficile, alors que notre région semble tomber encore plus dans le chaos de la guerre, nous élevons une voix commune pour la paix et contre la militarisation.

Nous refusons de permettre à ce cycle de violence, amorcé par des Etats et des intérêts économiques oppresseurs, de continuer ; nous refusons d’en faire partie ; nous refusons d’être des ennemis de peuples juste parce qu’ils sont d’une nationalité ou d’une religion différente ; nous ne nous laisserons pas entraîner dans leurs guerres ou leurs armées menant à la mort ou à la destruction dans la région. Notre région est l’une des plus militarisées dans le monde, par la conscription (militaire) obligatoire dans toute la région, par des frontières hautement militarisées et des solutions militaires à tous les conflits jusqu’à des occupations anciennes ou nouvelles de populations civiles par des forces armées tuant et oppressant les hommes, les femmes et les enfants.

Nous pensons que cette violence est systématique et affecte la région tout entière, mais qu’elle n’en est pas intrinsèque, et que tel n’est pas notre choix en tant que résidents de cette région désireux de vivre dans la paix. Notre région a prouvé à de nombreuses reprises que les solutions militaires ne sont jamais durables et ne mènent sur le long terme qu’à plus de violence, tout en causant la mort et la destruction sur le court terme.

La réaction du monde à la violence actuelle dans la région devrait être de construire les sociétés, d’assister les réfugiés et de s’impliquer dans la médiation entre les parties en lutte, pas de vendre des armes, de bombarder ou de fournir de l’assistance militaire.

Les guerres dans notre région ont conduit à la pire crise des réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale, avec des millions de personnes fuyant les guerres et l’oppression, pour ne trouver que du racisme, de la répression ou même la mort alors qu’ils cherchaient à atteindre un lieu plus sûr. Cette crise a mené à des « solutions » militaires telles que l’engagement et l’assistance militaire internationaux et la militarisation des frontières. Des « solutions » qui traitent les réfugiés comme une menace pour la sécurité et ne font qu’accroître la guerre et le chaos dans la région. Nous exprimons notre solidarité avec les réfugiés, nous les accueillons et nous déclarons que nous continuerons à refuser de « garder les frontières », menant ainsi à la mort ou à l’emprisonnement de (dizaines de) milliers de réfugiés dans la région.

Bien que dans de nombreux pays, les objecteurs de conscience sont considérés par l’armée, l’Etat, voire même par des secteurs de la société comme une « menace », il est désormais plus clair que jamais que la menace pour nos sociétés ne vient pas de gens qui refusent de participer à des guerres ou de servir dans des armées mais des militaires et des guerres.

Nous exprimons notre solidarité avec les objecteurs de conscience actuellement persécutés par les autorités militaires israéliennes, turques et grecques et nous demandons l’arrêt des poursuites et de l’emprisonnement à leur égard.

Nous résistons à la conscription, en exerçant notre droit internationalement reconnu à l’objection de conscience (malgré la persécution que nous subissons dans de nombreux pays de notre région) et nous montrons notre solidarité avec ceux qui sont affectés par la guerre.

Nous allons coopérer dans toute la région pour :

  • soutenir tous ceux qui s’opposent aux guerres en refusant le service militaire et la participation à la guerre pour quelque raison que ce soit, politique, philosophique, religieuse ou autre ;
  • arrêter les persécutions contre les objecteurs de conscience ;
  • abolir la conscription.

Tout en faisant campagne contre la conscription, nous ne souhaitons pas que les armées à conscription soient remplacées par des armées professionnelles, qui ne seraient pas non plus la solution aux problèmes de notre région.

En fin de compte, en dépit de nos antécédents différents, de nos idéologies et de nos vues sur les manières de lutter pour la libération, nous sommes d’accord. Nous partageons tous un rêve commun pour un monde où tout le monde partagerait des droits égaux et nous vous appelons à vous joindre à nous dans ce rêve pacifique et à refuser de participer à sa future destruction. »

Cet article et cette déclaration ont été publiés dans le magazine Fedechoses du mois de février.

Notes

[1Texte et introduction transmise par Shimri Shimriz. Shimri étant lui-même un ancien objecteur de conscience israélien et à ce titre un ancien détenu politique ; il est depuis quelques années un membre très actif du Conseil du World Federalist Movement. (Ndt).

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