En mars dernier, on se réjouissait de la défaite du Parti pour la Liberté de Geert Wilders, aux élections législatives des Pays-Bas. On était soulagé, car le parti europhobe et anti-islam qui apparaissait favori dans les sondages n’a pas réalisé la percée attendue. Mais le parti de la Liberté est tout de même arrivé deuxième de ces élections, et y a remporté 20 sièges. Sur le coup, peu importe : ce premier test d’une longue série d’élections en Europe en 2017 (France, Allemagne, Autriche, République Tchèque…), rassurait les dirigeants européens.
Mais depuis ce 15 mars 2017, les Pays-Bas ont connu une longue crise politique : 208 jours se sont écoulés sans qu’un gouvernement ne puisse être constitué. Les négociations menées par Mark Rutte, chef du parti libéral VVD, ont été très longues, et ont finalement abouti mi-octobre à un gouvernement de coalition. Mark Rutte reste donc Premier Ministre des Pays-Bas, et entame son troisième mandat.
Une drôle de coalition
Au bout de ces 208 jours, Mark Rutte a présenté l’exécutif Rutte III, issu d’une large coalition entre quatre partis : les libéraux du VVD (crédités de 21% des suffrages aux élections), les démocrates-chrétiens du CDA (12,4%), les Démocrates 66 (12,2%) et…l’Union chrétienne (CU - 3,4%). Dans ce nouveau gouvernement composé de 16 ministres et huit secrétaires d’Etat, les libéraux du VVD auront neuf postes, D66 et CDA auront chacun six postes et l’Union chrétienne trois.
L’alliance entre les libéraux et les démocrates-chrétiens n’est pas inédite, le premier cabinet de Mark Rutte reposait sur une coalition minoritaire entre le VVD et l’Appel démocrate-chrétien (CDA). Le fait que les Démocrates 66 (D66) rejoignent la coalition n’est pas non plus une grande surprise – au Parlement européen, D66 et VVD sont tous deux membres de l’Alliance des Libéraux et des Démocrates pour l’Europe (ALDE), même si D66 affiche bien plus ses positions pro-européennes que les Libéraux. En revanche, c’est la présence de l’Union chrétienne (CU) au sein de ce nouveau gouvernement qui peut surprendre – et déplaire. L’alliance entre D66 et la CU est tout sauf naturelle, mais indispensable pour former un gouvernement majoritaire.
L’Union chrétienne est un parti non seulement très conservateur et traditionnel, opposé au mariage homosexuel, à l’euthanasie, à l’avortement, mais aussi eurosceptique. Le parti s’oppose au projet européen au nom de la souveraineté nationale du pays, ainsi qu’à l’intégration économique de l’Union. L’Union chrétienne a notamment soutenu la sortie du pays de l’euro, et souhaite voir la Grèce quitter la zone euro. Or, tous ces sujets peuvent être des points de désaccords et de tensions, en particulier avec les Démocrates 66, considérés comme le parti néerlandais le plus proeuropéen, et très progressiste sur les questions de société.
L’exécutif Rutte III pourrait durer moins de 208 jours
Cette « belle équipe » que Mark Rutte a présenté s’annonce très instable et vulnérable. Les oppositions entre les partis qui la composent pourraient très vite prendre le dessus sur les accords négociés pendant ces 208 jours. Par ailleurs, le gouvernement aura face à lui une vive opposition, composée de la Gauche radicale (Socialistisch partij) et des travaillistes du PvdA et bien sûr, le parti d’extrême droite de Geert Wilders, le PVV.
Et l’Europe dans tout ça ?
Difficile de savoir si Mark Rutte fera de son troisième mandat, un mandat résolument pro-européen, mais la présence des Démocrates 66 dans le gouvernement pourrait influencer une prise de position plus claire et plus engagée par le pays, dans cette dynamique de relance du projet européen qu’on espère voir concrétisée. Les Démocrates 66 soutiennent une coopération plus forte entre les pays européens notamment par le développement d’une armée européenne. Au sein de ce gouvernement, pas de ministres des affaires européennes, mais deux ministres des affaires étrangères : Sigrid Kaag (D66), ancienne coordinatrice spéciale des Nations unies pour le Liban et ex-administratrice adjointe du PNUD devient ministre du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, et Halbe Zijlstra (VVD), ancienne secrétaire d’Etat en charge de l’Enseignement et de la Culture, ministre des affaires étrangères.
En mars dernier, Mark Rutte était fier de pouvoir envoyer un message positif à l’Europe. Il est maintenant temps de faire plus pour l’Europe, et de s’engager pleinement dans la relance du projet européen. Affaire à suivre…
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