Permettre au peuple de voter sur l’accord du Brexit n’a rien d’antidémocratique

, par Juuso Järviniemi, Traduit par Emma Latham, Traduit par Lorène Weber

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Permettre au peuple de voter sur l'accord du Brexit n'a rien d'antidémocratique
Lors de la People’s Vote March, juin 2018. Photo : ilovetheeu // Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)

Précédemment dans Le Taurillon, Lukas Martini a affirmé que « tenir un deuxième référendum sur le Brexit serait intrinsèquement antidémocratique ». Il écrivait qu’un nouveau référendum souffrirait des mêmes problèmes que le référendum du 23 juin, à savoir que le public n’était pas suffisamment informé pour pouvoir prendre une décision sur un sujet aussi complexe que le Brexit.

Il a également averti du risque d’un « cercle vicieux » des demandes continuelles pour un nouveau référendum du côté du camp perdant. Il a plutôt suggéré une élection législative, et de faire du lobbying auprès des députés actuels pour les convaincre de stopper le Brexit. Je ne suis pas d’accord. S’il existe de vraies réserves quant à l’idée d’un People’s Vote sur l’accord du Brexit, il n’en demeure pas moins la façon la plus légitime et la plus faisable de sortir de l’impasse actuelle dans laquelle se trouve la politique britannique.

Un vote sur l’accord ne mènera pas à un « neverendum »

Premièrement, de quel référendum parle-t-on ? L’expression « second référendum », constamment utilisée par les militants pro-Brexit est en fait inexacte. People’s Vote (vote populaire) est le slogan de la campagne, et « référendum sur l’accord » serait la formulation la plus appropriée. Que l’on pense ou non qu’un vote sur l’accord soit très différent du vote du 23 juin est une question d’interprétation personnelle. Cependant, étant donné que certaines questions fondamentales (pour n’en citer qu’une, que le Brexit signifie sortir de l’Union douanière ou non, ce qui est une question cruciale pour l’Irlande du Nord) n’étaient claires pour personne en juin 2016, prétendre qu’un vote sur le résultat final des négociations est injustifié apparaît malhonnête.

Cela nous libère également du cycle de « neverendum ». L’idée de voter sur un accord explicitant noir sur blanc ce que le Brexit veut dire est légitime. Si, après un tel vote, le peuple britannique décidait de rester dans l’UE, ce serait aux politiciens anti-européens mécontents de trouver une légitimation concrète pour organiser un nouveau référendum de sortie de l’UE. La tâche n’est pas aisée : il est tout de même difficile d’imaginer les Conservateurs inclure un troisième référendum dans leur prochain manifeste. Une raison légitime d’organiser un nouveau référendum pourrait être un changement dans les Traités européens, ou bien un vote pour revenir dans l’UE. Toutefois, il est peu probable qu’un de ces deux scénarios survienne immédiatement après le vote sur l’accord, quelle que soit la direction qu’il emprunte. Permettre au peuple de voter sur l’accord ne créera pas un cycle interminable de référendums européens dans le Royaume-Uni.

Un autre vote non informé ?

Le vote sur l’accord ne sera pas le même que le référendum du 23 juin. Cependant, des doutes légitimes persistent quant à la capacité de l’électorat à prendre une décision bien informée à propos d’une question d’accompagnant une pluralité de sujets, du commerce à la sécurité et au-delà. Il n’est donc pas étonnant que l’accord sur le Brexit (dont vous pouvez lire un résumé ici) soit un document quelque peu indigeste. Agitez ce document devant les électeurs, et il y a de fortes chances qu’ils soient plutôt perdus.

Dans l’idéal, le Parlement statuerait sur la question. Cependant, puisque la décision du 23 juin a été prise par le peuple, et non par le Parlement, il semblerait illégitime de conclure la question au Parlement. Tout a commencé avec un vote du peuple, alors terminons-en avec un vote du peuple.

La politique d’un pays sur l’appartenance à l’UE est une question complexe et aux multiples facettes. D’autant plus qu’on ne peut pas parler de l’UE sans penser aux étrangers, ce qui brouille facilement les débats sur le sujet. Cependant, s’il y a bien un sujet sur lequel l’électorat peut prendre une décision informée, le peut-être bien celui où l’UE a dominé le débat public depuis plus de deux ans. S’il devait y avoir un référendum sur un sujet européen au Royaume-Uni, il faudrait que ce soit un référendum portant sur l’accord du Brexit.

Le Parlement ne peut pas le faire tout seul

Comme je l’écrivais dans un article précédent, le parlement britannique est pris entre le marteau et l’enclume. La majorité des députés ne veulent pas d’un Brexit sans accord, la majorité pourrait bien rejeter l’accord de Theresa May, et en même temps, la majorité a (à juste titre) trop peur de tout annuler. Dans son article arguant contre la tenue d’un second référendum, Lukas Martini a correctement fait remarquer qu’une élection législative serait une option plus que risquée en termes de calendrier. En l’absence d’autres alternatives, la majorité pourrait bien vouloir s’en remettre au peuple.

De nouveaux scénarios sur la façon dont le peuple pourrait donner son opinion sur l’accord continuent à émerger, dont le plus récent est venu du Parlement britannique lui-même. Un amendement pluripartite à l’accord sur le Brexit est en cours de préparation, exigeant que l’acceptation de n’importe quel accord sur le Brexit soit conditionné à un vote du public. Faire du lobbying auprès des députés est une bonne stratégie, tant que cela les amène à laisser le peuple décider. David Cameron et Theresa May ont tous les deux fait des erreurs, et les options idéales ne sont donc plus disponibles. Pourtant, au vu de là où nous en sommes aujourd’hui, avoir un People’s Vote sur l’accord du Brexit est la meilleure chose que le Royaume-Uni puisse faire.

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