Pour une Europe à plusieurs vitesses

, par Thomas Buttin

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Pour une Europe à plusieurs vitesses
Le Président de la République français Emmanuel Macron, la Chancelière allemande Angela Merkel, le Président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy et le Président du Conseil des ministres italien, Paolo Gentiloni CC - La Moncloa, Gobierno de Espana

Pour ou contre l’Europe à plusieurs vitesses ? Jean-Claude Juncker et Emmanuel Macron ont chacun une idée bien précise du chemin que l’Union européenne doit prendre pour renforcer son intégration. Nos rédacteurs aussi ! Voici l’opinion de Thomas, qui défend une intégration différenciée des Etats membres et variée selon les domaines.

Avec la Déclaration de Rome, faisant suite au sommet européen du 27 mars dernier célébrant les 60 ans du traité fondateur, les Etats membres se sont donnés l’ambition et des pistes de réflexion en faveur d’une relance de la construction européenne. Les chefs d’Etat et de gouvernement affirment qu’ils agiront ensemble, mais « si nécessaire, à des rythmes différents et avec une intensité différente, tout en avançant dans la même direction, comme [ils l’ont] fait par le passé, conformément aux traités et en laissant la porte ouverte à ceux qui souhaitent se joindre à [eux] plus tard ». Sans la nommer, le texte abreuve l’idée d’une intégration différenciée qui a depuis agité de nombreuses réflexions.

« L’Europe est déjà à plusieurs vitesses ! »

L’Europe "à plusieurs vitesses" divise les gouvernements : souhaitée par l’Allemagne et la France, ce scénario se heurte aux positions contraires des pays de l’Est, Pologne en tête. Le Président Macron a dévoilé son projet de refondation de l’Europe basé à juste titre et en majeure partie sur cette idée. « L’Europe est déjà à plusieurs vitesses, alors n’ayons pas peur de le dire ou de le faire ! Allons vers cette différenciation ». Ce concept a été mis en œuvre dès les années 90 avec notamment les créations de la zone Euro, composée de dix-neuf pays partageant la monnaie unique, ou de l’espace Schengen. Aujourd’hui, la refondation européenne est essentielle dans de nombreux domaines dans lesquels le besoin d’intégration est grandissant : l’on peut citer entre autres l’Europe de la Défense, l’Euro, l’harmonisation fiscale, l’Europe sociale, ou encore la démocratie.

L’éternelle quête du consensus à 28

La question d’une intégration différenciée se pose avec d’autant plus d’acuité que le nombre d’Etats membres augmente. Il apparaît effectivement plus difficile de trouver un consensus sur l’avenir de la construction à 28 Etats membres dans bien des domaines. L’Europe "à plusieurs vitesses" pose comme objectif de permettre à ceux qui veulent aller plus loin dans l’intégration de la faire, sans être freiné par les plus réticents. Elle désigne l’idée d’un mode d’intégration différenciée selon lequel la poursuite d’objectifs communs est le fait d’un groupe de pays de l’Union à la fois capables et désireux de progresser. Cette philosophie impliquerait bien entendu l’idée que les autres membres rejoindront ultérieurement ce pas supplémentaire dans l’intégration. Il permettrait de mettre fin à l’immobilisme en matière de réformes institutionnelles depuis le rejet du traité constitutionnel et de contourner les difficultés à s’entendre sur des questions centrales. Le succès de la construction européenne repose en effet sur son dynamisme constamment entretenu, et malheureusement délaissé depuis une dizaine d’années.

L’Europe à plusieurs vitesses sur le court terme

L’Europe "à plusieurs vitesses" peut être une solution à la condition que l’ensemble des Etats membres aient vocation, à terme, de rejoindre le groupe d’Etats précurseurs, et ce point est primordial. Cette possibilité déjà ouverte par le Traité de Lisbonne par le biais des coopérations renforcées a été utilisée à plusieurs reprises en matière de brevet ou de droit civil par exemple, ou plus récemment avec l’instauration d’un parquet européen (qui devrait voir le jour en 2020). Toute l’utilité de ce procédé est révélée dans l’instauration du brevet unitaire européen qui a été négocié pendant 30 ans pour finalement aboutir à une coopération renforcée, faute de consensus. Quelle perte de temps !

Si tous les Etats membres affirment la nécessité d’un approfondissement de l’intégration européenne entendue de manière globale, les priorités entourant l’union monétaire, la fiscalité, la défense, le social, la lutte contre le terrorisme ou la protection des frontières sont des domaines dans lesquels seul un noyau resserré d’Etats peut - et veut - progresser ensemble malgré les différents risques d’instaurer des droits à géométrie variable aux citoyens européens et de mettre en danger la cohésion européenne. Il s’agit d’agir pour éviter ces écueils et surtout de mettre un terme à l’immobilisme européen et à la question que se posent nombre de citoyens : que fait l’Europe et à quoi sert-elle ?

Un regard pragmatique sur le contexte politique force à considérer ces éléments à travers ce scénario d’Europe "à plusieurs vitesses". Il n’est pas sans risque, mais il peut également être considéré comme une porte de sortie à la trop grande difficulté de prise de décisions dans un système intergouvernemental où prime encore trop souvent les intérêts étatiques individuels et les nationalismes N’oublions pas la devise de l’Union européenne : "Unie dans la diversité". Mettons en œuvre cette diversité tout en réaffirmant l’avenir commun de nos nations dans cette construction européenne pleine de promesses.

Vos commentaires
  • Le 17 avril 2018 à 14:22, par Gael Briand En réponse à : Pour une Europe à plusieurs vitesses

    Bien sûr que l’Europe d’aujourd’hui est à plusieurs vitesses, à l’image de tous les Etats qui la composent.

    Les questions sont plutôt les suivantes : doit-on harmoniser ? Que doit-on harmoniser ? Et doit-on harmoniser par le haut ou par le bas ? Cela dépend aussi du type d’Europe que l’on veut. Dans votre article, on a l’impression qu’il s’agit d’une Europe supranationale. Or, personne n’en veut. Il me semble plus important de revendiquer une Europe fédérale voire confédérale.

    L’Europe doit assurer un minimum et ce minimum doit être commun à tous. C’est ainsi que l’on progressera ensemble. Mais « minimum » ne doit pas se traduire par alignement vers le bas.

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