Pourquoi harmoniser la taxation sur les entreprises en Europe ?

, par Gaëtan du Peloux

Pourquoi harmoniser la taxation sur les entreprises en Europe ?

Beaucoup de citoyens et de personnalités politiques appellent à une harmonisation fiscale des entreprises au sein de l’Union européenne. Quelques éléments d’explication d’un débat prééminent afin de préparer l’après Covid-19.

Selon l’économiste français Thomas Piketty, l’UE manque cruellement d’une fiscalité des entreprises harmonisée, ce qui augmente les inégalités de revenus et crée un dumping fiscal et une concurrence négative entre les membres de l’UE. Pour lui, l’Irlande pratique le « dumping fiscal », avec son impôt sur les sociétés de 12,5 %, afin d’attirer les géants technologiques américains. Cela rend les autres États de l’UE moins attractifs en matière d’investissements et réduit leur capacité à financer les infrastructures. Selon les économistes De Mooij et Ederveen, une réduction de 1 % du taux d’imposition moyen effectif augmente les flux d’investissement de 5,9 %.

Cependant, l’Irlande compense également en ayant une imposition progressive des personnes physiques sur les revenus, afin de redistribuer les richesses, de financer les services et les institutions publiques et de réduire les inégalités. Le personnel politique irlandais (mais aussi des Pays-Bas et des États scandinaves) soutiennent également que la fiscalité dépend de la souveraineté des États et qu’une harmonisation de la fiscalité et du budget au niveau de l’UE peut inciter plusieurs États du Sud à faire du resquillage, à pratiquer l’aléa moral, en s’appuyant trop sur d’autres pays pour les financer en cas d’urgence.

Une solution pourrait consister à augmenter l’assiette fiscale générale de l’UE en mettant en place un niveau d’imposition des sociétés harmonisé au niveau de l’UE entre 20 et 25 %, afin de rendre l’ensemble du territoire de l’UE également attractif. Le problème est que les entreprises de plusieurs pays de l’UE, en Europe de l’Est ou en Irlande par exemple, devront payer deux fois plus qu’auparavant (ce qui va à l’encontre de la tendance historique de réduction de l’impôt sur les sociétés depuis les années 1990), ce qui rendra les pays d’accueil moins attrayants. Cependant, les impôts non harmonisés peuvent également être productifs si, par exemple, des réductions d’impôts sont mises en œuvre pour aider certaines régions périphériques d’Europe, bien que cela puisse être très coûteux, comme les subventions régionales par exemple. Ainsi, une politique harmonisée de l’impôt sur les sociétés dans l’UE peut renforcer les effets d’agglomération. Les entreprises choisiront de s’implanter en se concentrant principalement sur l’environnement commercial local, les externalités positives, les réseaux, etc. Les entreprises automobiles internationales, par exemple, décideront de s’implanter encore plus dans des régions spécialisées dans la fabrication de voitures, afin de bénéficier du capital et de la main-d’œuvre locaux (équipement, technologie, compétences...) par exemple. Les pays de l’UE devront trouver d’autres politiques pour continuer à attirer les investissements directs étrangers.

En outre, pour être réellement efficace, l’harmonisation de la fiscalité des entreprises ne suffit pas s’il n’y a pas plus de transparence et de coordination entre les administrations fiscales de chaque État membre. Dans le cas contraire, la planification fiscale des sociétés multinationales concernant le transfert des bénéfices risque d’être mise en œuvre de manière clandestine et l’application de la législation fiscale risque de devenir très limitée. Cela nécessite également une plus grande coopération internationale avec les États non membres de l’UE et les organisations internationales. Les transactions intra-entreprises nécessitent un contrôle approfondi, car les sociétés multinationales exploitent les différences, les particularités juridiques et les lacunes en matière d’imposition. Dans le cas contraire, si les informations sont insuffisantes ou si l’hypothétique imposition harmonisée des sociétés dans l’UE est trop élevée, les entreprises internationales peuvent vouloir rapatrier leurs bénéfices dans leur pays d’origine, comme les États-Unis, ce qui ne fera qu’élargir la concurrence mondiale des entreprises de l’intra-UE vers l’extra-UE. La poursuite de la coopération mondiale pour lutter contre l’évasion fiscale, dont les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) sont accusés, devra également être à l’ordre du jour.

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