Présidentielle en Tchéquie : une vieille page se tourne

, par Alexis Vannier

Présidentielle en Tchéquie : une vieille page se tourne
Source : Pixabay

Ce sont les Tchèques qui inaugurent cette nouvelle année électorale. Si ce scrutin présidentiel ne représente pas un enjeu primordial pour le pays, ni pour le continent en raison des pouvoirs limités du Chef de l’État tchèque, il a au moins le mérite de montrer à cet instant quelles sont les aspirations des électeurs. Et elles sont plutôt libérales et européennes.

Victoire d’un ancien militaire progressiste contre un libéral accusé de magouilles financières

À l’issue d’un premier tour remporté par l’ancien chef d’État-major des armées Petr Pavel devant l’ancien Premier ministre Andrej Babiš, c’est finalement le premier qui remporte le scrutin présidentiel, glanant le soutien de la quasi-totalité des autres candidats. Andrej Babiš, le fondateur d’ANO 2011, libéral-conservateur, jouissait encore d’une grande popularité un peu plus d’un an après avoir quitté le pouvoir. Hormis le candidat du SPD d’extrême-droite, tous les autres se présentaient en tant qu’indépendants, bien que bénéficiant de soutiens partisans pour certains. Recueillant 58% des voix, un militaire prendra donc la tête de la Tchéquie.

Ainsi Petr Pavel était soutenu par les partis de Spolu (Ensemble) de centre-droit, l’une des deux coalitions au pouvoir. Cet ancien militaire a travaillé pour l’État-major tchèque, il a également présidé le comité militaire de l’OTAN entre 2015 et 2018. Affichant un positionnement plutôt de centre-gauche (il se prononce en faveur d’une plus grande taxation des riches et du mariage homosexuel), il avait initié de nombreuses levées de fond durant la crise sanitaire pour aider la recherche et les personnels soignants.

Danuše Nerudová est elle aussi soutenue par Spolu (qui appuyait trois candidats). Cette ancienne professeure d’économie à l’Université de Brno au sud du pays, a fait des systèmes de pension et de retraite des thèmes majeurs de sa campagne. Teintée d’écologie, elle milite également en faveur des droits LGBT (notamment l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels) mais également pour une adoption de la monnaie unique.

La campagne s’était axée sans surprise sur la guerre en Ukraine et ses conséquences : accueil des réfugiés, réponse militaire, crise énergétique, inflation…

Cette élection aura également vu une hausse sensible de la participation (+4,2% en moyenne par rapport au scrutin de 2018).

Une Tchéquie ancrée en Europe

Le pays au triangle bleu sort d’une intense activité européenne. Le 1er janvier dernier, Prague a passé le flambeau de la présidence du Conseil de l’Union européenne (UE) à Stockholm. Les autorités tchèques ont conclu une séquence particulièrement productive en termes d’approfondissement et d’élargissement : accord des 27 sur le prix du pétrole russe, adoption de la “taxe carbone aux frontières”, mais également adhésion de la Croatie à la zone euro et à l’espace Schengen, le statut de candidat accordé à la Bosnie-Herzégovine ainsi que la réception de la demande d’adhésion du Kosovo.

Face à la menace russe, les défis sont grands pour chaque pays de l’UE. Fin octobre, à l’issue des négociations sur des sanctions européennes contre Moscou, des manifestations et contre-manifestations ont éclaté à Prague et dans de nombreuses villes du pays. D’un côté, on défilait contre le gouvernement, contre les autorités européennes et pour la livraison de gaz russe, de l’autre on défendait la cause ukrainienne, la réponse de Bruxelles et de Prague mais également l’accueil de réfugiés d’Ukraine. L’appétit militaire de la Russie a d’ailleurs inspiré les Tchèques puisque certains ont proposé sur Twitter l’annexion de l’enclave russe de Kaliningrad par la Tchéquie, inspirée par la fondation bohémienne de ce territoire sur la Baltique.

Lors de la dernière élection présidentielle, le sortant Miloš Zeman avait finalement été réélu face à Jiři Drahoš, dans un combat opposant le populiste à l’internationaliste. Mr Zeman s’est illustré tout au long de sa longue présidence par ses positions populistes, conservatrices, prorusses et prochinoises. Il a toujours soutenu son Premier ministre Andrej Babiš dans toutes les affaires de prise illégale d’intérêt et de fraudes aux subventions européennes, le menaçant d’une procédure de destitution (non engagée). Une longue présidence (dix ans), que son mode de vie a failli écourté puisque le Président Zeman a dû être hospitalisé deux fois en quelques mois en octobre-novembre 2021 à cause de problèmes hépatiques (sûrement causés par une consommation excessive d’alcool) puis d’une contamination au Coiivd-19, ce qui a fortement perturbé les élections législatives qui se tenaient en parallèle.

Des élections législatives qui ont vu la victoire d’un bloc d’opposition allant d’une coalition de droite-centre-droite (Spolu) à une autre libérale-progressiste Piráti a Starostové rassemblant les Pirates et un parti représentant les intérêts des maires. Petr Fiala, conservateur modéré, est ensuite nommé Chef du gouvernement.

L’élection de Petr Pavel, ancien général d’armée à la tête de la Tchéquie peut révéler une certaine tendance à l’incursion du militaire jusqu’aux plus hautes fonctions notamment après l’élection de l’ancien général Bajram Begaj à la tête de l’Albanie en juillet 2022. Rappelons tout de même que l’un comme l’autre ont exprimé leur soutien le plus total aux institutions démocratiques de leur pays. Face à la guerre en Ukraine, les citoyens font peut-être de nouveau confiance aux soldats. En tout cas, l’Europe semble se militariser à tous les niveaux.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom