Le café : établissement, témoin de l’histoire européenne
Le café est partout, c’est un fait. Et partout, il l’est depuis longtemps. En Europe, on peut remonter les premiers cafés au XVIllème siècle, avec un boom au XIXème. Ces établissements révèlent par eux-mêmes une histoire commune à toute l’Europe. D’abord, par leur localisation. La plupart des cafés se trouvent en ville. En cela, ils illustrent une Europe ancrée dans les aires urbaines, témoins d’une concomitante industrialisation et urbanisation du continent.
Ensuite, par leurs produits. On trouve dans un café…du café. Mais aussi, du cacao, du thé, du sucre, des pâtisseries au chocolat, aux fruits exotiques, à la vanille, etc.. Des produits, qui dans un monde mondialisé, semblent être le ba.ba. Or. ils reflètent avant tout une première mondialisation, qui profita à l’Europe par l’importation de quantité de nouvelles marchandises. Une manne inédite qui passa notamment par les tragédies de la colonisation du reste du monde par ces mêmes Européens.
Aussi, par leurs clients. A l’époque, la concomitance entre industrialisation et urbanisation permet la formation et la concentration d’une classe bourgeoise dans les centres urbains. Fortunés, éduqués, politisés et exclus des cercles aristocratiques, les bourgeois se rencontrent dans ces nouveaux lieux que sont les cafés. De là, rejoints par les autres couches de la société, ils vont promouvoir, confronter et débattre de leurs idées et de leur vision du monde. Devenu espace social et politique, le café va permettre l’éclosion de mouvements culturels, artistiques, philosophiques et politiques : un espace incubateur de révolutions en somme.
La liste est longue. Les évènements historiques ont modelé et ont été modelés depuis les cafés. Les cafés sont ainsi des témoins privilégiés de cette histoire, commune aux Européens.
Un vecteur d’identité commune aux Européens ?
Au-delà du café comme témoin de cette histoire commune aux Européens, peut-on parler de l’endroit qu’est le café comme un vecteur d’identité européenne ? Une question qui n’apporte qu’une réponse partiellement positive.
A en regarder de plus près, c’est bien l’Europe qui possède, dans le monde, le plus d’établissements où l’on peut consommer du café. Selon Speciality Coffee Association , un lobby américain du café, il y avait en 2018, en Europe, pas moins de 345 000 cafés indépendants.
« Dessinez la carte des cafés [en tant qu’espace social], vous obtiendrez l’un des jalons essentiels de la " notion d’Europe" » écrivait le philosophe George Steiner dans son ouvrage, Une certaine idée de l’Europe. Cette notion est explorée par le prix Nobel de littérature Mario Vargas Llosa. Ce dernier soutient la thèse de Steiner et y précise le déclin des cafés dans « l’Europe anglosaxonnes ».
Un déclin en faveur du Pub. Certains diront que se trouvent là les prémices de l’éloignement britannique au continent. Quoiqu’il en soit, Llosa continue l’exploration de la thèse de Steiner et décrit une Europe café. Une Europe unie dans un même café, à la fois vecteur d’identité commune et initiateur des valeurs européennes.
Des propos qui font échos à ceux de Dariusz Łukasiewicz. Dans un article pour l’hebdomadaire polonais Polityka, l’historien explique que le café, comme espace de débat et de socialisation, a façonné les valeurs de la démocratie européenne. Les libertés de rassemblement, d’association, d’opinion, d’expression sont autant de libertés émancipées par et depuis les cafés. Des valeurs qui ont forgé une conception européenne de la liberté individuelle, possible que par la garantie d’un collectif. Ce sont dans les cafés que s’est révélée la démocratie européenne.
Vecteur et symbole des valeurs communes aux Européens, le Café s’est inscrit dans nos paysage, dans nos quotidiens, dans notre histoire, dans nos systèmes politiques…et dans notre identité. Pour se sentir Européen : direction un café, peu importe qu’il se situe à Paris, Budapest ou Stuttgart, tant qu’il se situe en Europe.
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