Un poste hautement symbolique, mais stratégique !
Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009, il est inscrit à l’article 14 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) que « Le Parlement européen est composé de représentants des citoyens de l’Union. Leur nombre ne dépasse pas sept cent cinquante, plus le président ». Cette inscription particulière est due au fait que le Président du Parlement ne dispose pas du droit de vote pour les propositions d’actes européens soumis aux votes du Parlement (s’il veut voter, le Vice-Président du Parlement préside la séance à sa place).
Le Président du Parlement européen dispose de nombreux pouvoirs. Il préside notamment les séances plénières, le bureau du Parlement (composé du président, des 14 vice-présidents et des 5 questeurs du Parlement), ainsi que la Conférence des présidents de groupes politiques, qui décide de l’orientation de l’ordre du jour. De plus, il co-signe tous les actes adoptés dans le cadre de la procédure ordinaire (avec le Conseil). Il est en outre le maître de la procédure budgétaire, puisque c’est lui qui signe le budget et qui peut décider de la convocation du Comité de conciliation. Il représente le Parlement au Conseil européen, puisqu’à chaque réunion du Conseil européen, il est auditionné par celui-ci. Il est par ailleurs chargé de la représentation extérieure de l’Union européenne, en coopération avec le Haut représentant aux affaires étrangères et le Président du Conseil. A ce titre, le Président du Parlement européen se charge des relations avec les parlements nationaux et des Etats tiers. Le rôle du Président du Parlement européen est donc d’une importance primordiale. Le Président du Parlement est élu par ses pairs à la majorité absolue. En réalité, du fait d’une alliance entre les groupes politiques (coalitions de différents partis politiques) du Parti Populaire Européen (PPE) et de l’Alliance progressiste des socialistes et des démocrates (S&D) quasiment depuis l’origine du Parlement européen, les deux groupes alternent quant à la présidence de l’institution. Le mandat du Président du Parlement est de 2 ans et demi, soit la moitié d’une législature (selon l’article 19 du Règlement intérieur du Parlement européen).
Quand la machine institutionnelle d’équilibre des forces politiques se grippe
Renew Europe a décidé de rejoindre l’alliance politique dès sa formation, c’est-à-dire juste après les élections européennes de 2019. Ainsi, 60 % du Parlement européen fait désormais partie de l’alliance politique. En pratique, c’est donc la détermination d’un candidat au sein du groupe politique qui revient à le faire élire président, car du fait de la coalition entre ces différents groupes politiques au sein du Parlement, le candidat présenté par le groupe est pratiquement automatiquement élu.
Or, pour la prochaine élection d’un président du Parlement européen, les sociaux-démocrates ont remis en question la candidature d’un membre du Parti Populaire européen. L’Alliance progressiste des socialistes et des démocrates a tout d’abord avancé un argument afférent à l’équilibre institutionnel entre les groupes politiques pour contester le choix d’un membre du PPE. En effet, les socialistes ne détiennent ni la présidence de la Commission (assurée par Ursula Von Der Leyen, membre du PPE), ni celle de la BCE (assurée par Christine Lagarde, membre du PPE), ni encore celle du Conseil européen (assurée par Charles Michel, membre de Renew Europe). Les socialistes estiment dès lors qu’ils sont mis de côté dans les présidences des institutions et demandent un rééquilibrage, par l’élection d’un membre S&D.
Le “problème” Metsola
D’autant plus que la candidate proposée par le groupe PPE pose d’autres problèmes. En effet, la candidate avancée par le PPE, Roberta Metsola, première vice-présidente du Parlement originaire de Malte, est au cœur de plusieurs scandales. Roberta Metsola a été nommée première vice-présidente en 2019, à la suite d’un jeu institutionnel durant lequel l’ancienne vice-présidente du Parlement européen Mairead McGuinness a été nommée en tant que Commissaire européenne aux Services financiers, à la Stabilité financière et à l’Union des marchés des capitaux et a donc dû quitter ses fonctions au Parlement. Mairead McGuinness étant une femme provenant d’un petit pays de l’Union (Irlande), la remplacer par Roberta Metsola, une femme provenant également d’un petit pays (Malte) semblait un choix stratégique et juste. Il est intéressant de noter que dans le cadre de la nomination à des fonctions de responsabilité au sein des institutions européennes, il faut prendre en compte la taille du pays, le sexe et le parti politique du candidat comme critères déterminants.
Cependant, récemment, Roberta Metsola a été fortement critiquée pour ses positions anti-IVG. Malte étant un Etat plus que conservateur, la députée a en effet fait des déclarations récurrentes visant à protéger l’identité constitutionnelle de Malte et justifier la position maltaise anti-avortement. De nombreux députés socialistes se sont indignés de la nomination de Roberta Metsola en tant que candidate du PPE. C’est par exemple le cas de Sandrine Roussel, membre du parti Europe Ecologie les Verts (EELV) le 16 décembre : « vous ne pouvez pas laisser passer ça. Notre liberté à disposer de nos corps est non négociable, proposez quelqu’un d’autre ».
De plus, Roberta Metsola est une femme très jeune (42 ans) comparativement aux prédécesseurs de la fonction, où les hommes plus âgés étaient préférés (par exemple, seulement 2 femmes pour 14 hommes ont été élues présidentes). Roberta Metsola représente dès lors une “menace” pour une certaine génération de députés européens.
Sous-jacentes et pas vraiment formulées par les députés, d’autres critiques existent quant à la candidature de Roberta Metsola. Elle est en effet une députée de Malte, et les présidences des institutions de l’Union européenne ne sont que rarement accordées à de petits pays. Les Etats-membres fondateurs sont ainsi favorisés (rien que pour la présidence du Parlement européen, il y a eu 4 présidents allemands, 3 Français, 3 Espagnols, 2 Italiens, 1 Néerlandais, 1 Irlandais, 1 Britannique et 1 Polonais). Budgétairement et politiquement parlant, les grands et anciens Etats-membres représentent un poids plus important au sein de l’Union européenne. Malte, plus petit Etat de l’Union, ne disposant que de 6 députés au Parlement européen et entrée seulement en 2004, est ainsi défavorisée de fait à la course à la présidence des institutions.
Aucune autre candidature en vue
Par ailleurs, envisager un candidat susceptible de remplacer Metsola s’avère tout aussi complexe. Si David Sassoli aurait pu être réélu (le mandat est renouvelable conformément à l’article 19 du Règlement intérieur du Parlement), celui-ci se trouve être fortement malade. Il n’existe pas d’autre candidat au sein du groupe S&D qui aurait la légitimité pour remplacer Sassoli. Le groupe Renew, étant seulement troisième force politique du Parlement et possédant déjà la présidence d’une institution européenne (Charles Michel au Conseil européen) ne pourrait pas non plus prétendre à la présidence du Parlement européen.
Dès lors, les débats sont loin d’être terminés, et l’identité d’un nouveau président du Parlement européen est loin d’être fixée.
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