Quel succès pour les « corona-apps » dans l’UE ?

, par Florian Rahn, Traduit par Lucas Nitzsche

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Quel succès pour les « corona-apps » dans l'UE ?
Plusieurs pays ont développé de multiples applications pour lutter contre la pandémie de coronavirus. Photo : Unsplash / Markus Winkler / Unsplash Lizenz

Les applications de suivi de cas contacts des États membres ont-elles jusqu’ici démontré leur utilité ou ont-elles manqué leurs objectifs ?

La pandémie de Covid-19 a poussé les États membres à prendre des mesures importantes au printemps 2020, dont la plupart restent toujours en vigueur. Afin de pouvoir retracer les chaînes de contamination, nombreux sont ceux qui se sont appuyés sur une application, une « corona-app ». Mais comment ces applications fonctionnent-elles réellement dans les États membres ? Y a t-il certains modèles plus efficaces que d’autres ? Nous avons examiné les différentes solutions pour vous.

Stockage et protection des données

Dans de nombreux États, la transparence a joué un rôle majeur dans le développement des corona-apps. Des organisations non gouvernementales (ONG) telles que le Chaos Computer Club ont, par exemple, suivi avec ardeur le développement de l’application allemande. Dans le cadre d’un processus totalement open source, toutes les données de développement sont devenues accessibles avant même la diffusion de l’application.

Trois systèmes ont été employés jusqu’à présent : citons tout d’abord les deux « Exposure Notification System » (ENS) de Google et Apple. Ceux-ci se basent sur le protocole de suivi décentralisé de l’Union européenne et y est ainsi très similaires entre eux. À l’inverse, la France a, elle, opté pour le système ROBERT. Celui-ci se base sur le « Pan-European Privacy-Preserving Proximity Tracing » (PEPP-PT), qui compare au sein d’une base centralisée les identifiants des utilisateurs (générés aléatoirement) avec les données collectées par le téléphone, et informe les utilisateurs en cas de correspondance.

Alors que le système ENS garantit un cryptage sûr et, par conséquent, un niveau élevé de protection des données, une base de données centralisée telle que le système ROBERT présente le risque de pouvoir retrouver les individus grâce à leur identifiant, et donc de surveiller les cas contacts individuellement.

Coopération transnationale

La première coopération pour le suivi des cas contacts a eu lieu en octobre dernier entre l’Allemagne, l’Irlande et l’Italie, qui échangent désormais des données de suivi anonymisées. Cette pratique ne s’est néanmoins pas encore généralisée au sein du reste de l’Union européenne : la France, avec son système de suivi centralisé, n’a par exemple pas encore rejoint la coopération transnationale. Depuis le mois d’octobre, d’autres pays ont rallié le système de passerelle européenne, tels que le Danemark, la Lettonie et l’Espagne, et la coopération devrait encore s’étendre davantage. En communiquant uniquement à travers cette passerelle numérique et non entre elles de manière bilatérale, les applications échangent des données de manière plus efficace et sûre. Après une phase pilote réussie, la Commission européenne espère que l’utilisation de la passerelle permettra d’exploiter tout le potentiel que recèle le suivi des cas contacts. La coopération transnationale couvre déjà plus de deux tiers de tous les téléchargements de corona-apps.

Afin de développer cette passerelle numérique commune tout en se conformant aux directives sur la protection des données, les États membres ont travaillé en étroite collaboration avec la Commission européenne. En mai, les États ont fixé avec Bruxelles les orientations en matière d’interopérabilité pour les échanges transfrontaliers de données, avant de convenir des spécifications techniques en juin. La Commission a ensuite adopté une décision d’exécution fournissant la base juridique nécessaire au lancement de la phase pilote en septembre.

Cette passerelle numérique, de prime abord très efficace, ne fonctionne néanmoins qu’avec des applications reposant sur un stockage décentralisé des données. Cette spécificité exclut pour l’instant la France et la Hongrie de la coopération, deux États qui ont misé sur une base de données centralisée. À noter également que la Suisse (en raison d’un accord sur la politique de santé toujours en négociation) et le Royaume-Uni (en raison des négociations sur le Brexit) ne participent pas non plus à la coopération transnationale.

Acceptation et utilisation par la société civile

Le magazine MIT Technology Review recense les statistiques d’utilisation actuelles des corona-apps dans le monde, et force est de constater que l’utilisation généralisée de ces applications n’a pas encore été atteinte.

Outre-Rhin, le Robert Koch Institut, recense actuellement 22,4 millions de téléchargements de l’application allemande, ce qui représente un peu plus d’un quart de la population. Du côté de l’Autriche, on recensait fin juillet 870 000 téléchargements, à savoir moins de 10 % de la population. Enfin, la France compte jusqu’à présent environ quatre millions de téléchargements de l’application StopCovid, et ce alors qu’on estime qu’il en faudrait 15 à 20 millions pour que l’application soit efficace. À noter également que l’application a déjà été désinstallée par 700 000 utilisateurs et n’a contribué à signaler que 250 cas jusqu’au mois de septembre. De nombreux utilisateurs français reprochent à la première version de l’application sa forte consommation de batterie.

Le gouvernement français a lancé fin octobre une nouvelle version de l’application sous le nom « TousAntiCovid ». Celle-ci permet non seulement de signaler des cas contacts, mais également de trouver des centres de test et de s’enregistrer dans des restaurants et bars à l’aide d’un code QR. Cette nouvelle version a rencontré un meilleur succès que son prédécesseur, avec près de sept millions de téléchargements. L’application italienne « Immuni », avec ses dix millions de téléchargements n’a pas non plus réussi à franchir la barre des 20 % de la population. La version finlandaise a rencontré davantage de succès au sein de la population et couvre désormais un tiers des citoyens->https://www.welt.de/politik/ausland/article216351558/Corona-App-in-Europa-Wo-sie-gescheitert-ist-und-wo-nicht.html].

En comparaison avec les versions voisines européennes, l’application allemande obtient ainsi de bons résultats en termes de part d’utilisateurs dans la population. L’exemple islandais nous montre toutefois qu’un nombre d’utilisateurs élevé (40 % de la population islandaise avait déjà téléchargé l’application en mai) n’est pas synonyme d’efficacité. Un porte-parole de la police islandaise déclarait par exemple que les traçages de chaînes de contamination par téléphone menaient à de meilleurs résultats.

L’exemple allemand démontre parfaitement que les obstacles à l’enregistrement d’un cas positif sont nombreux. Deux tiers des personnes testées refusent que le laboratoire transmette les résultats de leur test. Il est donc d’autant plus urgent que les centres de tests plaident en faveur de ce consentement afin que les résultats puissent être fournis à l’application. Selon le Norddeutscher Rundfunk (NDR), les fausses alertes lors des traçages de cas contacts par géolocalisation sont de plus en plus nombreuses. Les prochaines mises à jour devraient apporter des améliorations.

Et les autres ? Certains États membres n’ont, en effet, pas développé de « corona-app ». Selon les données officielles de la Commission européenne récoltées au 03 janvier 2021, la Bulgarie, le Luxembourg, la Roumanie et la Suède s’y sont refusé. Dans d’autres États, tels que Chypre, la Grèce et la Slovaquie, des applications sont en cours de développement. L’université de Lund, en Suède, a développé sa propre application, qui permet en plus d’analyser les symptômes de la Covid-19, mais qui ne communique pas les résultats des tets effectués. Le gouvernement luxembourgeois, de son côté, ne voit pas « de plus-value sanitaire » d’une telle application et illustre son argumentation par la faible utilisation des corona-apps chez ses voisins européens.

Le tour d’horizon des corona-apps des États membres met en évidence les espoirs qu’avaient placés de nombreux gouvernements dans ces technologies pour le traçage des cas contacts, mais il montre également que ces applications n’ont pas encore pu s’implanter partout. Le traçage « manuel » par les autorités sanitaires locales reste ainsi primordial et ne peut être remplacé par des applications. La coopération transnationale est un élément clé pour couvrir de la manière la plus large et la plus efficace possible le territoire européen. Les corona-apps pourraient être d’une grande aide, à condition toutefois que les citoyens les acceptent davantage et que leur fonctionnement soit optimisé.

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