Quel tourisme européen après un été 2020 marqué par la Covid-19 ?

, par Lucas Nitzsche

Quel tourisme européen après un été 2020 marqué par la Covid-19 ?
Plusieurs régions espagnoles ont été considérées « à risque » cet été, notamment par des Etats membres de l’UE et ont du être reconfinées. Photo : Frank Nürnberger / Pixabay

La crise sanitaire et les restrictions liées à celle-ci ont, sans aucun doute, durablement touché le secteur du tourisme, qui se retrouve cette année dans une crise sans précédent. L’occasion pour nous de revenir sur les tendances de ces dernières années et de réfléchir sur les solutions avancées pour réinventer ce secteur.

Quels mouvements de voyageurs pour ces dernières années ?

L’Europe est, depuis de nombreuses années, la première destination des touristes étrangers, accueillant à elle seule 710 millions de touristes en 2019, soit plus de la moitié des 1,4 milliard de touristes internationaux de l’an dernier [1]. Même chose en 2018, où 672 millions des 1,3 milliards de touristes sont venus visiter l’Europe [2]. Cela peut notamment s’expliquer par la présence de trois pays européens (la France en tête, suivie par l’Italie et l’Espagne) dans le top 5 des destinations les plus visitées au monde. Par ailleurs, les Européens sont également ceux qui voyagent le plus, représentant à eux seuls près de la moitié des touristes internationaux.

Pour observer les mouvements de voyageurs ces dernières années en Europe, prenons l’exemple des trois pays les plus visités en Europe, à savoir la France, l’Italie et l’Espagne. Depuis quelques années, l’origine des touristes internationaux en France reste stable : depuis 2008 et jusqu’à 2018, la grande majorité des touristes viennent d’Espagne (représentant aux alentours de 10 millions de voyageurs), suivis par les États-Unis puis la Grèce.

L’Italie reste un pays majoritairement visité par les Européens, puisque les trois premiers pays d’origine des vacanciers sont la France (autour de 7 millions en 2018), l’Espagne et la Grèce. À noter que ces trois pays sont tout de même suivis de près par les États-Unis, d’où provenaient plus d’un million de touristes en 2018. Concernant l’Espagne, on constate un phénomène “d’échange” avec la France : là où les Espagnols constituaient la majorité des touristes en France, les Français sont aussi les touristes étrangers les plus nombreux à venir en Espagne (environ 6,7 millions en 2018), suivis par les Andorrans et les Américains.

Ces trois exemples nous démontrent l’ampleur des flux de touristes entre États européens (ainsi qu’avec les États-Unis) ces dernières années. Mais les nombreuses restrictions concernant les voyages et les activités touristiques, aussi bien au sein de l’Union européenne qu’aux États-Unis, ont considérablement freiné ces flux, plongeant le secteur du tourisme dans une chute sans précédent.

2020, une année noire pour le tourisme

Après une phase de restrictions inédites au printemps dernier en raison de la pandémie de Covid-19, la période estivale aurait pu être l’occasion pour le secteur du tourisme de reprendre de l’élan. Le virus n’a cependant pas disparu, et entre les États imposant une période d’isolement au retour des vacances, ceux restreignant l’accès aux activités touristiques et ceux enfin n’acceptant pas ou peu de touristes, nombreux sont les vacanciers ayant abandonné l’idée de voyager en dehors de leur pays.

Ce n’est qu’en septembre que l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) constate avec soulagement que plus de la moitié des destinations touristiques ont assoupli leur restrictions, ces dernières ayant tout de même fortement impacté le tourisme. L’OMT rapporte que le nombre de touristes au premier semestre de 2020 a chuté de 65% par rapport à 2019, la baisse atteignant 93% pour le mois de juin [3]. Selon ce même rapport, ce sont près de 440 millions de touristes internationaux qui ne sont pas partis cette année (en comparaison à 2019), représentant une perte estimée à 460 milliards de dollars américains.

L’Europe méditerranéenne est d’ailleurs particulièrement touchée, avec une chute du nombre de touristes estimée à 72%. Le manque à gagner pour les États membres de l’Union européenne ne peut encore être estimé, mais le bilan s’annonce lourd, notamment car les touristes chinois, absents cet été car durement touchés par la crise sanitaire, font habituellement partie des plus dépensiers. Mais la chute temporaire du tourisme international a révélé les bénéfices du tourisme local, déjà qualifié par certains comme le tourisme du futur.

Réinventer le tourisme : la vague de “staycation”

Face aux restrictions et au risque de contagion, de nombreux touristes se sont finalement décidés à voyager localement, l’occasion parfois de redécouvrir leur pays ou même leur région. Partout en France, les touristes français sont venus occuper les chambres laissées vides par les touristes internationaux, et ont ainsi permis de combler le manque à gagner des hôtels. Les zones habituellement peu prisées par les touristes français ont également profité de cette reprise du tourisme local, à l’instar du Puy de Sancy en Auvergne, dont la fréquentation en juillet a augmenté de 53% par rapport à l’an dernier.

Il en va de même outre-Rhin, puisque nos voisins allemands se sont également mis au “staycation”, aux vacances locales, pour profiter des plages dans le Nord, permettant aux locations d’afficher un taux de remplissage de près de 80%. Mais le “staycation” est-il pour autant l’avenir du tourisme européen ? Rien n’est moins sûr ; car si certains pays réussissent à se rattraper grâce au tourisme local, d’autres dépendent trop des touristes étrangers.

En Grèce et en Espagne, deux exemples cités précédemment, la part du tourisme international atteint respectivement 20,2% et 14,9% du Produit Intérieur Brut (PIB). Elle dépasse ainsi largement la part du tourisme intérieur, et la reprise s’annonce extrêmement difficile pour les pays dépendant du tourisme international, en particulier les pays de l’Europe méditerranéenne, dont également l’Italie, la Croatie et le Portugal.

Ainsi, le “staycation” apparaît comme une solution de secours pour les pays ne dépendant pas trop du tourisme international ou ayant un fort flux de tourisme intérieur. Mais les pertes dues à la pandémie de Covid-19 restent lourdes pour tous, en particulier pour les États du Sud, dont les économies pourraient être durablement impactées. C’est pour cette raison qu’ils sont les principaux destinataires du plan de relance de l’UE.

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