Qui est Oliver Varhelyi, le candidat qui a failli faire valser la nouvelle Commission européenne ?

Qui sont les candidats à la Commission ? 13/27

, par Cyprien Bettini

Qui est Oliver Varhelyi, le candidat qui a failli faire valser la nouvelle Commission européenne ?
Olivér Várhelyi durant son audition de confirmation le 6 novembre 2024 © European Union, 2024 - Source : EP

Ce jeudi 14 novembre, le Parlement européen a décidé de reporter le vote sur la nomination de Oliver Varhelyi pour représenter la Hongrie au sein de la Commission européenne. On vous explique pourquoi le profil du Commissaire-désigné à la santé et au bien-être animal fait débat.

Les auditions des Commissaires-désignés est un exercice très attendu au début d’une nouvelle législature européenne. C’est un exercice redouté par les candidats qui doivent réviser - quasiment sur le bout de leurs doigts - les politiques de leur portefeuilles avant de recevoir l’onction des représentants des citoyens européens. Cependant, la convocation d’une seconde audition puis le report du vote sur le Commissaire-désigné Oliver Varhelyi nous fait remarquer que cette audition n’a rien à voir avec les autres.

A première vue, rien ne laisse pourtant présager que ce juriste qui a participé aux négociations d’adhésion de la Hongrie à l’UE, puis enseigné le droit européen, se fasse refuser l’accès au Berlaymont. Cette réputation lui a valu d’être nommé Représentant permanent de la Hongrie auprès de l’Union européenne, avant d’accéder en 2019 au poste prestigieux de Commissaire européen chargé de l’élargissement.

Cette décision pourrait donc bien causer une déflagration majeure sur le vote final de l’approbation du Collège des Commissaires - censé avoir lieu lors de la plénière de novembre - et par extension sur la présidence d’Ursula von der Leyen.

Un ancien diplomate qui ne fait pas l’unanimité

La réponse simple est en premier lieu son origine - la Hongrie, et plus particulièrement sa proximité avec Viktor Orban. On ne le présente plus, le Premier ministre hongrois s’est placé comme le défenseur des valeurs conservatrices et chrétiennes au sein de l’Union européenne. En interne, cela se traduit depuis maintenant dix ans par des politiques de plus en plus restrictives concernant l’accès à l’avortement, à des financements ou à des médias indépendants. On comprend donc mieux pourquoi les députés européens examinent à chaque fois avec attention - si ce n’est inquiétude - le profil proposé pour représenter la Hongrie au sein de la Commission.

Mais au-delà de la proximité idéologique avec Orban, Varhelyi s’était aussi fait remarquer pour plusieurs déclarations et prises de position polémiques lors de la fin du mandat de la Commission Von der Leyen I. La première d’entre elle s’est déroulée lors d’une plénière en 2023 au cours de laquelle il a traité les députés “d’idiots” en pensant que le micro était fermé (il ne l’était pas). Mais le moment où il s’est attiré le plus de foudres fut probablement quelques jours après les attaques du 7 octobre 2023. En réponse à l’attaque du Hamas, le Commissaire avait communiqué la suspension des aides prévues pour les organismes humanitaires à Gaza. Cette déclaration ne manqua pas de susciter immédiatement l’indignation d’une partie de la classe politique européenne et d’être démentie dans la foulée par Josep Borrel le Vice-Président chargé de la Politique Extérieure. Pour ne pas arranger les choses, le Commissaire est connu en interne pour sa gestion colérique et brutale de ses équipes.

L’annonce de Ursula von der Leyen de conserver Varhelyi au sein de sa nouvelle Commission n’a donc pas fait que des heureux. Et pour cause, la Présidente a décidé de lui confier les portefeuilles de la santé et du bien-être animal, alors même que l’intéressé n’a aucune compétence technique sur ces sujets. Certains voient dans ce choix la volonté de la Présidente de consigner son collègue hongrois à un poste à faible responsabilité pour ainsi limiter son influence au sein de la Commission. Une décision qui semble paradoxale alors qu’Ursula von der Leyen s’était pourtant engagée ces dernières années en faveur du renforcement de l’Union de la santé.

Une audition houleuse

Tous les commentateurs le savaient, l’audition de Varhelyi n’allait pas être une mince affaire. Varhelyi a essayé autant que possible de montrer des garanties sur sa connaissance des dossiers et de mettre des propositions concrètes sur la table. Dans ses propos introductifs, il a souligné son ambition de contribuer au renforcement de l’Union de la santé devant les membres de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sûreté alimentaire (ENVI) et de la commission de l’agriculture et du développement rural (AGRI). A cette fin, le candidat s’est avancé avec plusieurs idées de réformes, notamment sur les biotechnologies, les produits contenant du tabac ou encore les médicaments critiques.

Mais le cœur des échanges ne s’est pas concentré sur ses propositions. Malgré sa profession de foi en faveur d’une Europe de la santé renforcée, la réputation sulfureuse d’Oliver Varhelyi l’a finalement rattrapée. Au cours de cette même audition, les parlementaires ont pu lui demander sa position en tant que commissaire sur la protection de l’accès à l’avortement dans l’UE. Le candidat s’est caché derrière l’argument selon lequel ce sujet était avant tout d’ordre constitutionnel et que l’UE n’avait pas de compétence sur cette politique, ce qui n’était pas l’avis du député français Christophe Clergeau (S&D). De même, le candidat hongrois a dû justifier le choix de la Hongrie en 2021 d’approuver l’injection des vaccins russes et chinois malgré l’interdiction de l’Agence européenne du Médicament (EMA). Interpellé entre autres par Emma Fourreau (GUE) sur la question de l’égalité d’accès aux soins pour les femmes et personnes LGBT+, le candidat a déclaré : “je vis avec quatre femmes - mon épouse et mes trois filles. Pourquoi je ne serais pas un alliée des femmes ?”, ce qui n’a pas manqué de susciter l’indignation des parlementaires présents.

L’audition s’est donc terminée dans un climat encore plus tendu qu’à son commencement. Et les réactions négatives des députés ne se sont pas fait attendre longtemps. Dès la clôture, la groupe des Verts a annoncé dans un déclaration que “Olivér Várhelyi ne nous a pas convaincu – pas de feu vert après l’audition : On ne peut pas dire oui à un commissaire désigné chargé de la santé qui dit clairement que pour lui l’avortement n’est pas une question médicale.” Même son de cloche du côté des libéraux qui ajoutent que : “les réponses apportées par Oliver Varhelyi n’ont pas été à la hauteur des attentes de Renew”.

Au moment où nous écrivons ces lignes, le candidat Varhelyi a dû répondre à une vague questions écrites en vue de tarir l’insatisfaction des députés, et pourrait bien prochainement faire face à une seconde vague. Rien n’est moins certain sur l’issue du vote qui n’a pas encore été mise à l’ordre du jour. La proximité de Varhelyi avec le régime d’Orban pourrait bien lui coûter son poste, mais d’autres raisons, cette fois-ci interne au Parlement peuvent aussi justifier le choix des eurodéputés.

Cet article a été écrit dans le cadre d’une série de portraits sur les candidats aux postes de commissaires européens. Certains articles ont été rédigés avant les auditions.

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