Le 6 avril dernier, les Néerlandais ont refusé de ratifier par référendum l’accord d’association UE-Ukraine, pourtant ratifié simultanément par le Parlement européen et le Parlement ukrainien le 16 septembre 2014. 61% des votants ont choisi le « non », contre 38% en faveur de l’accord. Le référendum a été validé par la commission électorale, car la participation dépasse les 30% (32,2% des électeurs se sont déplacés). Cet accord clé pour l’Ukraine dans l’ouverture de son économie et dans son processus démocratique n’a pourtant pas été au cœur des débats. La campagne a abordé bien d’autres sujets européens.
Un référendum prétexte, des dérives populistes
Il faut tout d’abord revenir à la genèse de ce référendum. Les mouvements eurosceptiques, qui constituent des forces significatives dans le paysage politique du pays, ont réussi à réunir plus de 300 000 signatures, nécessaires à la tenue d’un référendum populaire sur l’accord d’association. Les signatures récoltées, le gouvernement néerlandais, qui préside actuellement le Conseil de l’Union européenne, a accordé ce référendum à la population. Il est cependant clair, que la question était un prétexte pour les eurosceptiques et les partis populistes des Pays-Bas.
En effet, le débat a largement dépassé la seule question de l’accord d’association UE-Ukraine et de la politique étrangère de l’Union européenne vis-à-vis de ses voisins de l’Est. Réfugiés, crise de l’euro, Brexit, néolibéralisme de l’Union actuelle, souveraineté nationale, TTIP, accord UE-Turquie, politique étrangère vis-à-vis de la Russie, Schengen, etc. autant de sujets qui ont rythmé les semaines de campagne dominée par des forces eurosceptiques hétéroclites. Des forces hétéroclites, parce que ce « non » a cristallisé les déçus, les opposants et les pourfendeurs de l’Union européenne actuelle, sans les distinguer. C’est le travers du référendum qui n’offre qu’une lecture binaire d’une question. Ainsi de l’extrême droite à l’extrême gauche, des pro-accueil aux anti-réfugiés, des anticapitalistes aux extrémistes populistes, tous les mécontents se sont pressés dans les urnes, sans que le référendum ne mobilise véritablement les pro-européens ou les citoyens bienveillants vis-à-vis du projet européen.
Les populistes s’en sont d’ailleurs donnés à cœur joie, faisant miroiter une hypothétique adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, alors qu’il n’en a jamais été question et que cela n’interviendra qu’au mieux dans quelques dizaines d’années. De plus, nul référendum n’a été convoqué pour la ratification d’accords similaires avec la Moldavie et la Géorgie, aux enjeux équivalents.
Cette question sur l’accord d’association n’était alors qu’un prétexte, ce qui rend la lecture du résultat floue et opaque, ne permettant aucune conclusion qui ne trahisse l’opinion des citoyens. De plus, sans débat rationnel sur la question posée, quelle valeur peut avoir un tel vote dans nos démocraties occidentales, fondées sur le suffrage de citoyens éclairés ?
Ce référendum est-il illégitime ?
Je n’irai pas jusqu’à dire que tout référendum est illégitime, mais face à un référendum prétexte, on ne peut qu’obtenir un résultat fourre-tout. Deux options moins controversées auraient pu être envisagées.
La première, un référendum européen pour la ratification de l’accord d’association UE-Ukraine. Le débat n’aurait alors pas concerné uniquement le rapport des Néerlandais à l’Union européenne et à sa politique, mais sur l’accord, véritable thème du référendum, débattu dans l’espace public européen lors d’une campagne transnationale. Un exercice intéressant pour la démocratie continentale récente que façonne le projet européen. La légitimité d’un tel référendum aurait été garanti par un débat transcendant les questions nationales et soumettant au vote de tous les Européens une décision européenne. A question européenne, débat européen. C’est la règle de toute démocratie.
Et que représente véritablement le nom néerlandais si on le ramène à la totalité de l’électorat européen ? Autour de 1% des citoyens de l’Union ? Comment 1% des citoyens européens peuvent décider pour plus de 500 millions d’Européens, et par extension 45 millions d’Ukrainiens ?
La seconde option, elle est dangereuse, mais honnête et courageuse. C’est de poser la bonne question, celle de la sortie des Pays-Bas de l’Union européenne, celle du Nexit. Elle n’est ni constructive, ni porteuse d’espoir pour l’avenir, mais elle est claire et franche. Comme au Royaume-Uni, on peut alors espérer un débat de fond sur la question, des rapports parlementaires, des prises de position de la part de l’ensemble de la société civile, des mobilisations et débats citoyens à travers le pays pour définir les avantages et les contraintes à rester dans l’Union européenne. C’est une analyse pragmatique, sans doute flirtant avec un marchandage qui révulse tout pro-européen qui a foi en l’idéal européen, mais qui a le mérite de poser la bonne question. L’extrême droite néerlandaise et européenne jubile après cette victoire à la Pyrrhus, mais le courage politique consistait à poser la vraie question, et non à la déguiser.
Et maintenant ?
A présent, le gouvernement néerlandais et l’Europe, déjà paralysée par la campagne sur le Brexit, sont pieds et poings liés. Quelle réponse politique donner à ce référendum ? Le gouvernement est dans l’embarras puisqu’il est difficile de déduire quoi que ce soit de ce scrutin. Peut-on encore faire avancer le projet européen ? C’est peu probable, aucune mesure d’envergure, même pour l’intégration accrue d’un noyau d’Etats volontaires, ne peut être envisagée avant le référendum britannique de juin, et par la suite, toute avancée sera rendue impossible par les élections présidentielles françaises et les élections législatives allemandes qui se profilent à l’horizon. L’Europe est donc condamnée à la léthargie jusqu’à l’automne 2017.
1. Le 16 avril 2016 à 13:54, par Alain En réponse à : Référendum néerlandais : un « non » qui n’a aucun sens
La vrai question qui devrait être posée à tous les citoyens européens n’est pas celle de la sortie d’un seul pays, là où on peut faire jouer au maximum les peurs, mais bien « êtes-vous pour un approfondissement de la construction européenne ou pour une révision de son organisation dans le sens de moins d’intégration ? ».
Cela obligerait aussi à définir un véritable projet et pas seulement des « avancées » circonstancielles en fonction de la dernière crise sans aucune cohérence d’ensemble.
Il faut se rendre compte que l’union européenne dérive très gravement :
– l’accord d’association avec l’Ukraine, état totalement corrompu avec des nazis au pouvoir, et celui d’accélération des négociations d’adhésion de la Turquie liberticide d’Erdogan sont de véritables hontes
– la politique économique - au nom de la croissance et du respect de ratio n’ayant aucune base scientifique (donc uniquement idéologiques) - est aussi devenue une machine à détruire le modèle social européen au profit des élites mondialisées
– la négociation d’accords commerciaux internationaux en toute opacité et qui vont brider la démocratie sont aussi un scandale
Pas grand monde en Europe ne veut réellement de cette europe (et la minuscule n’est pas une faute de frappe) dont le président de la commission nie toute possibilité de décisions démocratiques à l’encontre de ses traités !!!!
2. Le 16 avril 2016 à 19:32, par Apostat En réponse à : Référendum néerlandais : un « non » qui n’a aucun sens
Bonjour,
je déduis de votre article que le referendum est, par lui même problématique puisque binaire, et qu’en conséquence la réponse n’est jamais adaptée à la question, et qu’en conséquence on peut le délégitimer. Alors, tous les refendums (ou -da) le sont, y compris le « oui » à Maastrich par exemple.
Hélas comme bien souvent ici, et d’une manière générale avec les partisans de l’intégration européenne, est qu’une seule réponse n’est acceptable en réalité. Quand on vote « oui », on est un électeur responsable, ouvert sur le monde et informé, quand on vote « non », on est partisan d’un « repli sur soi (sic) », on a pas compris car mal informé (voire « analphabète » — oui oui , je l’ai lu en 2005) etc...
Et pourtant je vous rejoins pour dire que la réponse dépasse largement la question, mais ne serait-ce pas plutôt car les peuples ne sont jamais directement consultés, et de manière collective, sur tous ces sujets fondamentaux et profitent en conséquence de l’espace qui leur est donné ? Peut être aussi parce que tous les referendum sont perdus et alors on entre dans un cercle qui limite les referendums, donc les moments d’expression/décision et abonde les « eurosceptiques » (que j’appelle moi les vrais europhiles).
Cordialement
3. Le 17 avril 2016 à 12:36, par Hervé Moritz En réponse à : Référendum néerlandais : un « non » qui n’a aucun sens
Je pense simplement qu’on a pas posé la bonne question dans ce cas. Dans une référendum, la question est clé et détermine souvent le résultat. Si la question est un prétexte à un débat qui ne répond pas à la question, alors c’est un référendum caduque. Le courage c’est de poser la bonne question pour avoir un vrai débat.
4. Le 27 avril 2016 à 15:16, par Alain En réponse à : Référendum néerlandais : un « non » qui n’a aucun sens
Et quel aurait été la bonne question ?
Ce qui n’a aucun sens c’est un accord d’association avec un état corrompu qui ne sait même pas ce que signifie la bonne gouvernance et avec une large participation au pouvoir des néo-nazis assumés. Mais l’Europe en a l’habitude quand on voit les commémoration en héros nationaux des SS dans les états baltes et en Croatie, sous le silence assourdissants des europhiles qui n’ont pas de mots trop durs contre les gouvernements hongrois et polonais
5. Le 30 avril 2016 à 01:29, par Alexandre Marin En réponse à : Référendum néerlandais : un « non » qui n’a aucun sens
@Alain
Pouvez-vous citer un seul membre de Svoboda (parti néo-nazi ukrainien) qui participerait au gouvernement ukrainien actuel ?
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