Mercredi 17 juillet, à l’heure du déjeuner, une quarantaine de députés européens étaient présents à la première réunion du groupe Spinelli au Parlement européen à Strasbourg. Réunissant les anciens et nouveaux députés européens fédéralistes, ce groupe informel coordonne les travaux de plusieurs députés essentiellement sur l’avenir de l’Europe et la réforme de l’Union européenne.
Un peu d’histoire
Si ce groupe prend le nom de Spinelli, c’est pour s’inscrire dans l’héritage de cette figure historique des militants fédéralistes européens, à l’initiative de plusieurs projets de réforme des institutions européennes.
En effet, en 1980 à la suite de la défaite du Parlement européen dans les négociations sur le budget avec le Conseil, Altiero Spinelli, alors député au Parlement européen élu au suffrage universel direct l’année précédente, sollicite ses collègues pour créer un groupe de parlementaires déterminés à entamer une réforme des institutions communautaires. La première réunion a lieu le 9 juillet 1980 au restaurant Au Crocodile à Strasbourg. Il donne son nom à ce groupe de députés européens : Le Club du Crocodile. Grâce à l’influence de ce groupe est créée la commission des affaires institutionnelles au Parlement européen, future commission des affaires constitutionnelles (AFCO) qui existe encore aujourd’hui. Altiero Spinelli y prend le rôle de rapporteur. En 1984, le rapport Spinelli sur un projet de traité établissant l’Union européenne est voté par le Parlement européen. Ce projet, écarté par les représentants des Etats membres, pousse néanmoins la Commission et le Conseil à envisager une réforme des institutions, qui aboutit à l’adoption de l’Acte unique en 1986.
Plus tard, après la mort d’Altiero Spinelli en 1986, le Club du Crocodile perdure à travers un intergroupe fédéraliste, un groupe informel de députés européens reconnu par le Parlement européen. En 2009, l’intergroupe fédéraliste ne trouve pas assez de soutiens au sein de l’hémicycle et périclite. Plusieurs députés parmi lesquels Guy Verhofstadt, Daniel Cohn-Bendit, Sylvie Goulard ou Isabelle Durand constituent alors le groupe Spinelli pour continuer à travailler sur la réforme de l’Union européenne.
Une opportunité inédite pour la réforme de l’Union
La réforme de l’Union revenant à l’agenda politique à travers les débats autour de la légitimité démocratique de l’Union et de la participation des citoyens, le groupe Spinelli reprend du service. A la suite des élections européennes, appelant à une évolution des traités européens et à une plus grande participation des citoyens au processus décisionnel, puis à l’échec du principe du Spitzenkandidat pour définir la tête de la Commission européenne, les sujets de prédilection des fédéralistes européens reviennent sur le devant de la scène. Parmi les quelques priorités du groupe évoqués lors de cette première réunion, la révision de la loi électorale européenne pour y intégrer les listes transnationales et redéfinir les règles du Spitzenkandidat ou la Conférence citoyenne sur l’Europe pour engager une réforme des traités.
Sandro Gozi, président de l’Union des fédéralistes européens et député élu de la liste Renaissance en attente de pouvoir siéger à l’avènement du Brexit, voit poindre une occasion historique : « Jamais il n’y a eu un moment aussi propice dans les trente dernières années pour relancer une certaine vision de l’Europe souveraine et démocratique, pour travailler à plus de démocratie. Cela signifie mener à bien des projets fédéralistes comme la mise en place des listes transnationales par exemple. Si le principe des Spitzenkandidaten a échoué, c’est parce que nous avions des têtes de liste sans les listes et donc sans véritable pouvoir de choix démocratique européen. »
Il souligne également que « le discours d’Ursula von der Leyen était un discours très européen avec des accents fédéralistes que l’on n’a pas entendu depuis longtemps dans l’hémicycle de Strasbourg de la part d’une candidate à la présidence de la Commission. Elle a annoncé une Conférence européenne, un grand effort de mobilisation citoyenne sans précédent, sur lequel le groupe Spinelli et les fédéralistes doivent offrir leur contribution et leurs idées. La perspective de la révision des traités remet sur la table nos propositions, qu’il faudra mettre à jour si nécessaire. Il faudra aussi travailler pour établir des liens entre le Parlement européen et les parlements nationaux, ce qui sera fondamental pour la réforme et la ratification de la révision des traités, pour la modification de la loi électorale et aussi pour une forte mobilisation en dehors des institutions. C’est quelque chose que le groupe Spinelli, avec l’Union des fédéralistes européens, a su faire dans le passé. »
Pourquoi un intergroupe fédéraliste au Parlement européen ?
La nécessité d’un intergroupe fédéraliste réside avant tout dans le besoin de se donner les moyens d’agir dans cet agenda politique exceptionnel. Reconnus par le Parlement européen, les intergroupes réunissent des députés de plusieurs tendances politiques autour d’une cause commune et disposent pour cela d’un soutien logistique de l’institution. Sandro Gozi en détaille les avantages : « C’est d’abord pour profiter plus facilement des structures, des services de traduction, des salles du Parlement européen. Il y a donc un aspect opérationnel important. Il y a ensuite un aspect politique important. Il s’agit d’être reconnu par les groupes politiques et d’être plus visible, parce que les intergroupes font partie du paysage politique et formel du Parlement européen. Nous serions plus visibles à l’intérieur comme à l’extérieur, et nous afficher comme une partie prenante de la nouvelle législature du Parlement européen nous aidera beaucoup à atteindre nos objectifs. »
Pour ce faire, les membres du groupe présents, parmi lesquels Guy Verhofstadt, Brando Benifei, Sven Giegold, Danuta Hübner et son actuel président Andrew Duff ont exhorté les députés nouvellement élus ou réélus à rejoindre le groupe et à le promouvoir au sein de leur famille politique. Pour devenir un intergroupe, le groupe Spinelli aura besoin du soutien d’au moins trois présidents de groupe politique du Parlement européen. En 2014, la Conférence des présidents avait entériné la création de 28 intergroupes reconnus selon les règles en vigueur.
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