La Suède, exception européenne
Depuis le début de l’année 2015, moment où les arrivées de demandeurs d’asile se sont intensifiées, la Suède est restée fidèle à sa doctrine en matière d’asile : accueillir tous ceux qui en ont le droit, sans restrictions particulières. C’est dans ce but que le pays a décidé d’accorder l’asile à toute personne de nationalité syrienne fuyant le conflit. Au-delà de l’aspect humanitaire de la question, les milieux d’affaires suédois sont également conscients de l’intérêt démographique et donc économique que représentent ces réfugiés, souvent bien formés.
Cependant, cette politique généreuse mène la Suède à devoir faire face à un flux historique de demandeurs d’asile. Les derniers chiffres font état d’environ 190 000 personnes attendues pour l’année 2015 (alors que le chiffre de 90 000 avait été avancé en juin). Au total, on estime à 300 000 le nombre de personnes qui vont arriver en Suède d’ici à fin 2016 – c’est-à-dire l’équivalent de la population de Malmö, troisième ville du royaume.
Cela fait de la Suède le pays européen qui accueille le plus de réfugiés par rapport au nombre d’habitants, avec l’arrivée de l’équivalent de 3% de sa population sur deux ans. A titre de comparaison, la France a décidé d’accorder l’asile à 30 000 personnes sur deux ans. Si on applique le même ratio à notre pays, cela signifierait accueillir environ 1,9 millions de réfugiés, soit presque autant que la population de Paris !
Des enjeux – et des problèmes – multiples
Actuellement, la Suède doit trouver entre 500 et 600 places en foyer par jour pour accueillir les demandeurs d’asile qui arrivent sur son territoire. Sachant que le pays a un grave problème d’infrastructures, lié à un manque chronique de logements, il est facile d’imaginer les complications que cela entraine.
Financièrement parlant, le gouvernement social-démocrate/vert de Stefan Lövfen a décidé de prélever des sommes importantes (jusqu’à 60% si besoin) dans le budget dédié à l’aide publique au développement (APD), qui représentait 1,1% du RNB suédois en 2014 (premier pays contributeur dans le monde). Concrètement, le coût de la prise en charge des demandeurs d’asile pourrait représenter 0,5% du PIB en 2015 et 1,2% en 2016, soit environ 7,2 milliards d’euros sur la période.
Politiquement, le débat commence à s’animer, sortant un peu du consensus qui prévaut habituellement dans le pays. Mais ce débat porte surtout sur le financement de la prise en charge des réfugiés, plus que sur le fond de la question. Seuls les Suédois-Démocrates (parti anti-immigration) s’opposent frontalement à l’arrivée des demandeurs d’asile. Mais, au vu de la situation, tous les partis sont maintenant confrontés à ce problème. Un accord a d’ailleurs été trouvé entre les principaux d’entre eux pour tenter de s’entendre sur un certain nombre de mesures (notamment des permis de résidence temporaires et non définitifs, dont seront exemptés les familles et les mineurs non accompagnés), qui n’entreront véritablement en vigueur qu’au cours de l’année prochaine.
Les dépenses publiques étant strictement régulées en Suède, et soumises à un plafond – respecté depuis les années 1990 – il semble donc que l’on se dirige vers une légère hausse du déficit pour 2016, le reste des mesures étant financées par le budget de l’APD.
Enfin, il faut mentionner que la question de l’insertion des réfugiés sur le marché du travail se pose également. Les migrants nés hors d’Europe ont actuellement un taux d’emploi inférieur aux personnes nées en Suède (55% contre 70%). L’accord politique du 22 octobre dernier porte notamment sur cette question : accès facilité aux cours de langue, accès privilégié à l’apprentissage, etc. La Suède fait tout ce qu’elle peut pour faciliter l’intégration de ces réfugiés.
La Suède attend plus de l’Europe
Après l’annonce du ministre suédois jeudi dernier, la tension est montée avec le Danemark, qui ne souhaite pas voir les demandeurs d’asile en voyage vers la Suède s’arrêter sur son territoire. Les Danois estiment que les choix – trop généreux ? – faits par la Suède ne sauraient être assumés par d’autres qu’eux.
Le pays a officiellement demandé à Bruxelles la relocalisation d’un certain nombre de demandeurs d’asile présents sur son territoire. Difficile de dire comment cette requête sera accueillie au vu de la situation extrêmement tendue – et extrêmement peu solidaire – qui règne au sein des Vingt-Huit.
Le risque de voir les Suédois se refermer à leur tour, et tourner le dos à une valeur fondamentale de leur histoire, est bien réel. Et cela dépend aussi des autres pays de l’Union.
Suivre les commentaires : |