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Rencontres « France - Allemagne » : le grand derby européen

Examiner les relations entre les deux pays, à l’aune de leurs rencontres sportives

, par Ronan Blaise

Rencontres « France - Allemagne » : le grand derby européen

Lors de la dernière Coupe du monde de football, on a ’’échappé’’ de peu à une finale franco-allemande. Et c’est bien dommage puisque « France-Allemagne » ou « Allemagne-France », c’est là plus qu’une simple rencontre sportive entre deux pays voisins et deux grands pays de football. Et puisque c’est là un (sinon ’’le’’) grand derby européen.

En effet, si les développements et évolutions du football dans nos deux pays respectifs ont souvent été nourris par deux traditions ’’footballistiques’’ différentes, ils sont également le fruit de l’émulation réciproque au travers des confrontations sportives émotionnellement intenses.

Lesquelles, devenues lieux de mémoire, sont restées pour cela même dans tous les esprits.

Des rencontres sportives qui ont, en effet, parfois donné lieu à des débordements préjudiciables aux bonnes relations entre les deux pays. Lesquelles rencontres sportives ont aussi parfois été l’occasion de moments intenses de communion et de fraternisation entre les deux parties.

C’est au tout début du XXe siècle que les deux pays se sont dotés d’une structure sportive fédérative ’’nationale’’ à l’échelle de leurs pays respectifs. Toutefois avec un certain décalage : puisque la « Fédération Française de Football » (FFF) a été fondée en 1919, alors que la « Fédération allemande de football » (i. e : DFB, « Deutscher Fussballbund ») a été créée dès 1900 (la FIFA, fédération internationale, ayant été créée dès 1904 : à Paris).

Le premier match entre la France et l’Allemagne a été disputé en 1931, à Paris. Depuis lors, les deux équipes se sont rencontrées à vingt-trois reprises. Le bilan sportif de ces rencontres étant actuellement de dix victoires françaises pour huit allemands (et cinq matchs nuls) [1].

Les deux pays affichant aujourd’hui des résultats éloquents qui en font d’eux deux ’’grandes puissances’’ du football continental et international. Avec, pour l’Allemagne, trois victoires finales en Coupes du monde (en 1954, 1974 et 1990) et trois en Championnats d’Europe des nations (en 1972, 1980 et 1996). Et, pour la France, une victoire finale en Coupe du monde (en 1998) et deux en Championnats d’Europe des nations (en 1984 et 2002).

Des matchs inoubliables qui sont autant de lieux de mémoire...

A noter que trois matchs « France-Allemagne » ont été disputés lors de Coupe du monde : en 1958 (match pour la troisième place, remporté alors par la France de Just Fontaine, Kopa et autres Piantoni), en 1982 (fameuse demi-finale perdue par la France face à la RFA, en terres espagnoles : à Séville) et en 1986 (fameuse demi-finale perdue par la France face à la RFA, en terre mexicaine : à Guadalajara).

A certaines occasions, ces matchs ont donné lieu à des confrontations plus que viriles, au grand détriment des bonnes relations devant normalement exister entre les deux pays.

Image tirée du site www.soccernet.com

Ainsi, lors de la demi-finale du Mundial espagnol du 9 juillet 1982 (à Séville), la blessure infligée au joueur français Patrick Battiston suite à une agression délibérée de la part du gardien de but allemand Harald Schumacher (voir illustration, ci-contre) a été l’occasion, par la suite, de dérapages verbaux malheureux et d’allusions plus que maladroites à des situations historiques passées.

A l’instar de ces fameux clichés ’’belliqueux’’ qui peuvent - malheureusement - toujours ressortir à l’occasion d’un match entre la France et l’Allemagne...

Les médias français ayant, à cette occasion, guère hésité à faire allusion à quelque ’’atavisme naturel’’ allemand poussant nécessairement à la violence...

Et on a encore récemment pu lire à propos de la sélection nationale allemande, dans la presse (spécialisée ou non), des comparaisons martiales somme toute peu valorisantes et des qualificatifs dépréciatifs comme le ’’tank allemand’’ et autres gracieusetés.

Le football, contre la violence

Mais l’histoire ’’franco-allemande’’ du football a aussi pu connaître bien pire. Et cette fois-ci la brutalité n’a pas eu lieu sur la pelouse, mais hors du stade. Ainsi, en 1998 (à Lens, lors de la Coupe du monde) des hooligans allemands frappèrent le gendarme français Daniel Nivel gisant au sol inanimé : celui-ci - plongé dans le coma - devant en porter des séquelles à vie.

La crainte fut alors forte de voir réapparaître de tels clichés et ces mêmes lieux communs. La réponse apportée à ce problème fut pourtant un « Non à la vioLENS ! » au grand soulagement du Deutscher Fussballbund (DFB, i. e : fédération allemande de football) et du Gouvernement allemand qui ne cessaient d’envoyer des messages d’excuses à la famille de la victime et à leurs homologues français.

Notons cependant que la presse française, les responsables politiques et les dirigeants sportifs des deux pays et des deux fédérations avaient alors spontanément mis l’accent sur le mot ’’hoolligan’’ (et non point sur l’adjectif ’’allemand’’...).

Enfin, les fédérations françaises et allemandes de football décidèrent d’organiser un match amical qui eut finalement lieu à Kehl et qui mit l’accent sur l’amitié, le fairplay et le refus de la violence. Le DFB, par ailleurs a par la suite créé un « Fonds Daniel Nivel » pour soutenir la victime et sa famille. Des matchs et des tournois de football étant régulièrement organisés en son honneur...

Tout ceci pouvant être considéré comme un indicateur - de plus - de l’évolution des relations franco-allemandes, devenues depuis peu plus qu’amicales. La qualité des excellentes relations politiques et économiques franco-allemandes ayant ainsi - bon gré, mal gré - finalement aussi trouvé sa traduction sur la pelouse.

-Illustration :

Le visuel d’ouverture de cet article est une photographie prise à l’occasion du match de football du 8 juillet 1982 ayant opposé la France à l’Allemagne, à Séville durant la Coupe du monde (espagnole) de football de 1982.

Cette photographie est tirée du site Coupe du monde saga.

- Sources :

D’après le « Glossaire Football / Glossar Fussball » édité en cette année 2006 (à l’occasion de la dernière coupe du monde...) par l’OFAJ (Office franco-allemand pour la jeunesse) : document publié sous la direction de Mme Bernadette Bricaud.

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Notes

[1Sans oublier les sept rencontres « France-RDA » où la RDA a gagné trois matchs, contre deux pour la France et deux matchs nuls.

Vos commentaires
  • Le 12 octobre 2006 à 11:21, par Jacques Chauvin, Union pour l’Europe Fédérale (UEF) En réponse à : Rencontres « France - Allemagne » : le grand derby européen

    Très Bien. A quand une prochaine rencontre sous le drapeau européen, précédée de l’hymne européen ?

  • Le 12 octobre 2006 à 12:23, par Fabien Cazenave En réponse à : Rencontres « France - Allemagne » : le grand derby européen

    Parfois, il arrive aussi que le football puisse rapprocher deux pays autrefois ennemis, comme ce fut effectivement le cas à l’occasion de la Coupe du Monde de 2002, coorganisée par la Corée du sud et le Japon : deux pays qui n’étaient initialement pas d’accord pour le faire mais qui, au final, ont dû apprendre à travailler ensemble et - pour ce faire - à se découvrir et surmonter les antagonismes passés...

    Sinon, on peut aussi souligner le fait qu’il existe (en rugby) une seule équipe unifiée d’Irlande jouant pour toute l’île (ce qui n’est effectivement pas le cas en foot où, d’ailleurs, l’Irlande du Nord surprend en ce moment un peu tout le monde...).

    Enfin, pour ma part, comment ne pas évoquer rapidement le match qui s’est récemment déroulé (en coupe UEFA) entre le PSG et Derry, rencontre à l’occasion de laquelle on a pu observer l’expression d’une vraie fraternité entre supporters des deux « camps » : une rencontre sportive et amicale à l’occasion de laquelle nous avons chanté ensemble et les uns pour les autres.

    « Oh Derry, ’till I die ! Oh PSG, ’till I die ! I know who I am, I’m sure who I am : We’re together, ’till we die ! »

  • Le 12 octobre 2006 à 12:49, par Ronan Blaise En réponse à : Rencontres « France - Allemagne » : le grand derby européen

    Il me semble que de tels matchs franco-allemands (et autant d’occasions de fraternisations) ont effectivement déjà eut lieu : il s’agirait là des rencontre amicales (aller / retour) de novembre 2003 (le 15) et de novembre 2004 (le 12) qui se sont respectivement déroulées à Gelsenkirchen puis à Saint-Denis, quelques jours à peine après les commémorations françaises du 11 novembre...

    Pour ce dernier match je garde même un souvenir très précis des photographies officielles et protocolaires d’avant-matchs : joueurs français et allemands posant souriants, ensemble, mélangés, équipes mêlées...

    A cette occasion il manquait peut-être l’Ode à la joie et le bleu étoilé, mais l’esprit européen soufflait néanmoins - ces jours-là - sur tout un stade. Et ce, grâce à une seule rencontre sportive...

  • Le 13 octobre 2006 à 19:40, par Ronan En réponse à : Rencontres « France - Allemagne » : le grand derby européen

    La question d’une comparaison entre le cas ’’franco-allemand’’ et le cas ’’Corée - Japon’’ est une comparaison extrémement délicate.

    Dans la mesure où, en Asie orientale, il n’y avait jamais eut jusque là (entre Chine, Corée et Japon) aucun véritable geste de contrition ou de réconciliation ayant valeur de catharsis collective, alors que les pays considérés ici - bien qu’appartenant finalement à la même sphère culturelle - n’en nourrissent pas moins un lourd passé de rancoeurs national(ist)es et, notamment, de nature colonial(ist)es.

    Or il semble que, dans un premier temps, l’annonce d’une organisation de la compétition en Asie orientale ait malheureusement relancée - dans un tout premier temps - la rivalité et les rancoeurs existant déjà entre les deux pays : rivalités pour l’organisation de la phase finale (comme cela avait, précédemment, déjà été le cas entre Nagoya et Séoul pour l’attribution des Jeux Olympiques de 1988) et pour la dénomination officielle de la compétition ; rivalités pour l’organisation du tirage au sort, pour l’attribution du match d’ouverture (à la Corée) ou de la finale (au Japon) ou lors de la compétition (où la présence de la Corée du sud jusqu’en demi-finale suscita bien des jalousies de la part d’un Japon éliminé de la compétition dès les huitièmes de finale...).

    Bref, certes la Coupe du monde 2002 ne donna pas lieu à des manifestations de franches hostilités et ne servit fort heureusement pas de caisse de résonance - comme on pouvait effectivement le redouter - à l’antagonisme historique existant entre les deux peuples. Néanmoins, comme un récent triste, difficile et polémique « France-Algérie » est là pour aisément nous le rappeler, il est évidemment illusoire de penser qu’une seule compétition sportive puisse, en seulement quelques semaines, effacer des dizaines d’années de rancoeurs et d’inimitiés...

    Pour ce faire, faut-il encore que les deux sociétés en question aient déjà entammé un très sérieux travail de mémoire et d’ouverture à autrui : travail de deuil du passé et d’ouverture à l’autre qui a déjà près de 50 d’âge entre peuples d’Europe mais qui ne fait aujourd’hui que commencer en Asie orientale...

    Toujours est-il qu’une telle compétition créa les conditions d’un dialogue jusque là bien difficile à établir (avec, notamment, la première visite officielle d’un président sud coréen au Japon - lors de la finale - et - à l’occasion du tirage au sort de la compétition - la première visite officielle en Corée d’un membre de la famille impériale japonaise...) : l’intérêt des deux pays à apparaître positivement aux yeux de l’opinion publique mondiale les poussant alors à surmonter les rancoeurs que l’organisation de la compétition (et la rivalité pour organiser celle-ci) avait souvent ravivées...

    Quoi qu’il en soit, l’organisation conjointe de cette compétition ne semble avoir jamais eu aucune répercussion négative sur le déroulement de celle-ci. Mieux encore, il semblerait qu’elle ait eut des répercussions positives en seuls termes de développement des échanges et de coopération économique entre les deux pays. C’est déjà ça...

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